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J'aime les livres de George Sand quoique je les trouve un peu "dépassés"parfois mais je tenais à mettre le focus sur son auto - biographie que j'ai lu il y a quelques années déjà mais que j'ai trouvé littéralement passionnante et que je vous recommande vivement. C'est d' ailleurs un de mes livre préfèrès.
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Edition établie, présentée et annotée par Brigitte DIAZ, édition 2004.

A 42 ans, en 1847, George Sand commence "Histoire de ma vie" dont la rédaction prendra huit ans. Cette version élaguée vous évitera d'avoir à lire..., les quelques vingt volumes de l’édition complète originale !... Et cela me semble la meilleure façon d’aborder cette auteure majeure, les romans ayant plutôt mal vieillis... Sauf si on cherche à imager l’ambiance particulière du Berry au XIXème siècle, ce qui est mon cas, le berceau de ma famille se situant dans l’Indre avant que mon arrière-grand-père ne « s’expatrie » en Touraine.
On retrouve dans « histoire de ma vie » un condensé de leçon d’histoire de la fin du XVIIIe siècle et du début XIXe siècle... Selon George Sand « l’oubli est un monstre stupide qui a dévoré trop de générations ».
Dans cette version très élaguée du texte d’origine, le chapitre II a été totalement diminué du passage sur la généalogie de l’auteur. Qu’à cela ne tienne on peut retrouver ces pages admirables sur Gallica et c’est tant mieux pour l’espoir de lutter contre l’oubli en utilisant les outils nouveaux à notre portée immédiate.
On retrouve, ou découvre pour certains, le caractère bien trempé de George Sand, par exemple concernant le roi de Pologne, son ancêtre, « ce n’est pas un honneur bien rare d’avoir un peu de son sang dans les veines, car il eut, dit-on plusieurs centaines de bâtards ».
La généalogie de George Sand (Aurore Dupin de son vrai nom) est effectivement tout à fait étonnante et racontée de la plus belle des façons dans ce livre :
Marie-Aurore de Saxe est la grand-mère de George Sand. Elle est la fille de Maurice de Saxe, lui-même fils du roi de Pologne.
Une grand-mère qui a veillé à l’éducation de sa petite fille trop tôt orpheline de son père et dont la mère, n’appartenant pas à ce monde (fille de troupe de théâtre, une des plus basses « castes » de l’époque) a été vite rejetée et vaincue par les difficultés. Une grand-mère qui est décrite : « royaliste sans l’être », on ne renie pas ses origines si facilement !
Toute l’enfance d’Aurore est marquée par cette Marie-Aurore de Saxe, grande dame-aristocrate-croyante qui a fréquenté la société des lumières dont Buffon, dont Voltaire et qui se remaria avec Louis-Claude Dupin de Francueil (32 ans plus âgé).
"M. Dupin de Francueil, le même que Jean-Jacques Rousseau, dans ses Mémoires, et Mme d’Epinay, dans sa Correspondance, désignent sous le nom de Francueil seulement, était l’homme charmant par excellence, comme on l’entendait au siècle dernier."
Marie-Aurore avait déjà rencontré le grand Jean-Jacques chez Mme Louise Dupin nommée par l'auteure de Chenonceau (en fait elle a vécu à Chenonceau et n'a jamais porté ce nom), seconde épouse de son beau-père. Difficile de s’y retrouver, mais le plus important est de comprendre sur quel terreau fertile a poussé le génie de la future George Sand.
"Une autre preuve irrécusable que ma grand-mère eût pu revendiquer devant l’opinion publique, c’est la ressemblance avérée qu’elle avait avec le maréchal de Saxe, et l’espèce d’adoption que fit d’elle la Dauphine, fille du roi Auguste, nièce du maréchal, mère de Charles X et de Louis XVIII. Cette princesse la plaça à Saint-Cyr et se chargea de son éducation et de son mariage, lui intimant défense de voir et fréquenter sa mère."
George Sand (Aurore Dupin) a donc une branche de sa famille du côté du roi de Pologne et l’autre vers de grands argentiers, son arrière grand-père Claude Dupin ayant été un des hommes les plus riches de son temps – il avait ainsi pu acquérir de nombreuses propriétés dont le château de Chenonceau.
« ...Les généalogies plébéiennes ne peuvent lutter contre celle des riches et des puissants de ce monde. »
Ses fulgurances aident à comprendre, hier et encore aujourd’hui, le réel : « ...il y a, dans la vie des pauvres, des entraînements, des malheurs et des fatalités que les riches ne comprennent jamais et qu’ils jugent comme les aveugles les couleurs. »
C’est ça George Sand, un talent d’écrire et de comprendre car elle connaît l’un et l’autre monde. On la croit quand elle dit ne pas aimer la parole, elle qui a tant écrit dans sa vie.
Parlant de Balzac : « Son commerce était fort agréable, un peu fatiguant de paroles pour moi qui ne sais pas assez répondre pour varier les sujets de conversation ».
Une note de bas de page indique notamment que la correspondance de George Sand a été admirablement éditée par Georges Lubin (classique Garnier, 1964-1991, 25 volumes.....). Les écrits de George Sand se sont avant tout sa vie exceptionnelle, avec sa correspondance énorme, ses récits de voyage et ses romans.
Ce récit de sa vie depuis l’enfance est une première pour une femme !
Années riches d’émotions du couvent des anglaises de 14 à 16 ans, avec les diables, les sages et les bêtes... Devinez ! Elle sera très vite chef de file des diables... Avant une période mystique due à sa sensibilité hypertrophiée. Mais Jésus ne lui suffit pas, elle crée sa divinité qu’elle nomme « Corambar ».
Le seul voyage évoqué (les voyages à cette époque étaient plus compliqués et donc rares) est un « voyage aux Pyrénées ». À la vitesse du pas du cheval, ce n’est pas rien, et curieusement la première ville évoquée est Cauterets (c’est une ville où j’ai de superbes souvenirs de vacances, et encore je ne savais pas que j’étais sur les pas de George Sand !), cela donne sous « la plume » de George :
« Les blocs se penchent et surplombent. Le précipice se creuse, le gave s’enfonce et gronde... ».
On a une impression visuelle à travers les mots, ce que j’avais déjà éprouvé dans « le voyage à Majorque ». Les conditions même des voyages à cette époque devaient rendre le vécu plus dense, indépendamment du caractère de feu d’Aurore Dupin et de son jeune âge qui, déjà mariée depuis 3 ans, n’a pas 21 ans...
Cinq années après, elle rencontre au cours d’un séjour à paris où elle se rend de plus en plus souvent, Jules Sandeau, qui sera à l’origine de son pseudonyme.
J’ai aussi beaucoup apprécié le récit du début ou de la suite de liaisons qui sortiront définitivement Aurore du cercle des liens aristocratiques qu’elle avait commencé avec son premier mari, Casimir Dudevant (et dernier mari car Aurore sera une femme libre et vivra dorénavant sa vie au gré des rencontres artistiques et ses amours auront la seule particule qui vaille à ses yeux, le talent, que ce soit dans la peinture, la littérature, la musique, voire la politique mais version diable contre l’injustice et les sages de l’autorité).
« Ceux-là, en me connaissant, ne se sont plus étonnés du contraste d’un esprit si porté à s’assombrir et si avide de s’égayer ; je devrais dire d’une âme si impossible à contenter avec ce qui intéresse la plupart des hommes, et si facile à charmer avec ce qu’ils jugent puéril et illusoire ».

Vous pouvez lire les autres articles de "mes livres essentiels" sur le blog "Bibliofeel" ou "clesbibliofeel". A bientôt !

Lien : https://clesbibliofeel.home...
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Amantine-Aurore-Lucile Dupin qui, la première osa écrire en liberté. A décrit l'amour et ses amours sans préjugés, a affirmé son indépendance jusqu'à choisir son nom de George Sand, tout comme elle a choisi sa vie et ses amants: Musset, Chopin, Liszt, Delacroix....et tant d'autres connus ou inconnus.
Une femme exceptionnelle engagée et diablement moderne pour son époque.

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La plume de George Sand: une merveille. Lecture facile, fluide, délicate, riche, passionnante. Cet ouvrage est un chef-d'oeuvre.

Certains passages ont mal vieilli cependant: Sand juge parfois les hommes de son temps en fonction de leur apparence physique - c'est très XIXe siècle.

On ne s'ennuie jamais, chaque chapitre nous raconte quelque chose d'intéressant. Sand aborde de nombreux thèmes différents.
Dans le dernier chapitre, l'auteur montre qu'elle avait une vraie conscience sociale.

J'ai adoré particulièrement 2 passages: celui sur son vécu au couvent, l'autre traite de Frédéric Chopin (mais elle le faisait déjà dans "Un hiver à Majorque".)

George Sand est un très grand écrivain. Elle possède un talent immense pour l'écriture. Sa vie, en outre, fut passionnée et passionante: elle a connu et fréquenté tous les "grands" de son temps.

Lisez ce livre, et vous tomberez assurément amoureux de G. Sand.
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Plaisir de lire une oeuvre du XIXe ; l'épaisseur de l'ouvrage et l'élégance des tournures suffisent à donner une autre perception du temps. En ce sens, il faut évidemment se perdre dans l'oeuvre intégrale et non se satisfaire d'une sélection inévitablement arbitraire, conçue pour un âge de lecteurs pressés. On découvre, non pas un maître, mais une âme soeur, de celles qui pourraient accompagner toute une vie. George Sand a des convictions mais pas de système. Elle est même convaincue qu'il ne faut pas craindre de dire que l'on ne sait pas. Elle n'a donc pas cherché à singer les hommes, pas au point en tout cas de vouloir exercer une quelconque emprise. Mais elle a certainement beaucoup expérimenté et s'est longuement interrogée. La forme qu'elle parvient à donner, parfois, au monde si confus des sentiments devrait, me semble-t-il, frapper les lecteurs de tous les temps. "Cinquante ans passent comme un jour dans le sommeil de l'âme ; mais la vie d'émotions et d'événements résume en un jour des siècles de malaise et de fatigue". Est-il honnête d'extraire ainsi une phrase d'un ouvrage assez composite de 1500 pages ? Sûrement pas. Mais, dans mon insondable ignorance, je confesse que j'ai découvert quelqu'un...
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"Yeux noirs, cheveux noirs, front ordinaire, teint pâle, né bien fait, menton rond, bouche moyenne, taille quatre pieds, dix pouces, signes particuliers, aucun." (p. 15) " Somme toute, avec des cheveux, des yeux , des dents et aucune difformité, je ne fus ni laide ni belle dans ma jeunesse, avantage que je considère comme sérieux à mon point de vue, car la laideur inspire des préventions dans un sens, la beauté dans un autre..." (p.14). Ainsi se définit l'auteur, économe de ses moyens, dans le style d'une fiche de police.

Dans l'Histoire de ma vie, George Sand, à la différence de Saint Augustin et de Rousseau, n'entend pas "raconter sa vie comme un roman", mais plutôt "parler sans ordre et sans suite, tomber même dans beaucoup de contradictions" (p. 9), "par la forme de ce laisser-aller de mon esprit" (p.10). Il y a du Montaigne - qu'elle ne cite pas - dans sa manière de s'intéresser aux idées et aux sentiments plus qu'aux faits. Les amateurs de révélations sur ses amours et ses moeurs en seront pour leur frais. Elle explique simplement et de manière convaincante l'intérêt de s'habiller en homme, autant par économie que par commodité : " Au reste, pour n'être pas remarquée en homme, il faut avoir déjà l'habitude de ne pas se faire remarquer en femme" (p.339). Passionnée, les portraits de ses admirations comme de ses amours donnent des pages d'anthologie.
Le père, bien plus que la mère, retient et cristallise l'amour et l'admiration de la fille. Officier, aide de camp de Murat, il s'embarque avec femme et enfant dans la désastreuse campagne d'Espagne, en 1808. C'est en famille qu'ils traversent l'Espagne dévastée, tenaillés par la faim, curieux équipage voyageant en charrette qui écrase des cadavres sur les champs de bataille traversés (p. 68) : les horreurs de la guerre, selon Goya ! A son retour d'Espagne, le voyage se fait en bateau de Fontarabie à Bordeaux. Mais dans l'estuaire de la Gironde, la chaloupe se met à couler, abordant le rivage in extremis. le papa, bel officier, dirige la manoeuvre de sauvetage de sa famille, des passagers et de la diligence sous l'oeil ébloui de sa fille (p. 71) : "Mon père ce héros au regard si doux" comme écrira le grand poète national un demi-siècle de légende plus tard !
La petite fille modèle est mise à l'école dans un couvent. Ce qui vaut les plus belles pages de son livre. Elle veut devenir sainte, au prix de sa santé. Sa crise de mysticisme, qu'elle analyse finement, est modérée par un sage confesseur jésuite qui la dissuade d'entrer dans les ordres et l'invite à prendre l'air : "Je vous donne pour pénitence de retourner aux jeux et aux amusements de votre âge. Dès ce soir, vous courrez au jardin comme les autres, au lieu de vous prosterner à l'église en guise de récréation" (p.247). L'effet est immédiat. La jeune Aurore organise des spectacles au couvent, fait rire les soeurs et même la supérieure avec les pièces qu'elle écrit, et se met en tête de prêcher la révolte, pour rire...
Elle quitte le couvent à regret pour la maison de Nohant, qu'elle ne quittera plus, et où elle reviendra toujours, pour son plus grand bonheur.
A travers l'histoire de sa vie, c'est aussi l'histoire de son temps qui retient l'attention dans son récit . A travers ses ami(e)s Balzac, Flaubert, Sainte Beuve, Musset, Chopin, Delacroix, Marie Dorval, mais aussi Lamennais, Pierre Leroux et tous les visiteurs de Nohant - où l'on s'amuse aussi beaucoup - c'est tout le XIXe siècle qui défile en portraits ciselés. Il y a un fil chronologique dans ce récit écrit entre 1847 et 1854, publié en 1885. Il ne donne donc qu'un aperçu de la vie de l'auteure, morte en 1876, vingt ans plus tard !
Il reste donc beaucoup à découvrir sur George Sand, passionaria de la Révolution de 48, devenue versaillaise, contemptrice des horreurs de la Commune.
Reste à lire les 20 volumes de son livre dans le texte original.
Quatre pieds, dix pouces = 1m 47. Petite femme et grand écrivain !
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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C'est lors d'une émission de la Grande Librairie avec Michelle Perrot et Mona Ozouf que m'est venue l'idée de lire cet ouvrage, plébiscité par les deux historiennes, de mémoire pour son intérêt d'un point de vue "féministe".
Je préviens d'emblée ceux qui seraient tentés de le lire pour en apprendre davantage sur la vie sentimentale mouvementée de l'auteure : si le récit est dense, il y est très peu question des détails intimes de sa vie. On ne peut d'ailleurs pas vraiment parler d'autobiographie dans la mesure où le texte ne suit pas toujours la chronologie des faits. Il s'agit au départ d'un recueil épistolaire, nourri des très nombreuses correspondances entretenues par George Sand, qui parut en feuilleton dans un quotidien, avant d'être publié en dix volumes. L'édition parue dans le livre de poche n'en compte qu'un, et en est une version allégée de la plupart des lettres dont la matière a servi de base à l'ouvrage.

Cette histoire d'une vie est surtout pour George Sand l'occasion de tirer de ses expériences personnelles et des événements du monde qui l'entoure des réflexions existentielles et des questionnements moraux. Elle-même précise d'emblée qu'elle ne veut pas écrire sa vie comme un roman, qu'elle a suivi un certain "laisser-aller de l'esprit", privilégiant la pensée, la digression et la libre association, dans un souci d'utilité général, le but étant de n'évoquer que "les douleurs qui peuvent atteindre tous les hommes".

Une grande place y est faite à l'enfance, dont elle revendique l'importance de conserver la candeur et la sensibilité primitive. Elle évoque d'abord longuement ses parents, insiste sur la double "extraction" qu'elle doit à un père issu d'un milieu aristocratique quand sa mère Sophie Victoire, fille d'un modeste travailleur parisien, vient du peuple. Chacun a un enfant issu d'une précédente union, et accepte sans peine celui de son conjoint. Son père, aide de camp du prince Murat, est souvent absent. C'est donc sa mère qui s'occupe d'elle. Cette femme à la personnalité forte et contradictoire, dénuée de tout complexe de classe, lui "développe très tôt le cerveau", lui apprenant à la fois à lire et à s'émerveiller des beautés de la nature. Enfant à l'imagination fertile, la petite Aurore compose d'interminables contes que sa mère appelle "ses romans".

Son père meurt à l'âge de trente ans dans un accident de cheval.

Bien que les deux femmes entretiennent des relations houleuses, sa mère la confie à sa grand-mère paternelle, afin que sa fille bénéficie d'une éducation plus complète. L'enfant grandit ainsi à la campagne, séjournant de temps en temps à Paris pour voir sa mère. Sa séparation d'avec cette dernière lui coûte effroyablement, mais l'air de la capitale ne lui convient pas. Aurore a besoin du spectacle continuel de la nature et ne supporte pas l'enfermement. Elle gardera cette prévention contre la vie en ville, dont "l'enfant (…) s'étiole trop souvent au moral et au physique dans la saleté chez le pauvre dans le mauvais goût chez le riche dans l'absence de goût chez la classe moyenne".

Elle entretient par ailleurs avec sa grand-mère des relations ambiguës, faites d'attachements et de rejets. Elle est déchirée par l'antagonisme qui l'oppose à sa mère, et le refus de son aïeule d'intégrer Caroline, sa demi-soeur, au cercle familial.

Mais elle bénéficie aussi d'une grande liberté. Même si, contrairement à sa mère qui n'a jamais réprimé l'invincible laisser aller de sa nature, sa grand-mère a une conduite plus solennelle, dont l'objectif est de lui inculquer "de la tenue", elle la laisse aussi s'exprimer avec une certaine tolérance. Car si Marie-Aurore de Saxe se montre intransigeante sur les rapports de sa petite-fille avec la branche populaire de sa famille (elle était fortement opposée au mariage de son fils), c'est sur d'autres points une femme éclairée, qui, si elle n'est pas athée - elle croit à "une sorte de religion naturelle préconisée et peu définie par les philosophes du 18e siècle"-, rejette tout dogme et toute forme de religion, haïssant les dévots qu'elle juge intolérants et hypocrites. L'enfance à Nohant est ainsi à la fois celle du goût pour le vagabondage, du jeu avec des petites filles berrichonnes d'origine modeste, et celle du besoin de cultiver son intelligence, qui se traduit entre autres par une "rage de lecture" qui entrecoupe de longues journées immobiles ses périodes d'activité fiévreuse. Elle conserve en grandissant une forte imagination, qui va jusqu'à la faire véritablement s'effrayer d'apparitions inventées.

Paradoxalement, elle tire par la suite de son séjour au couvent, où on l'envoie parfaire son éducation, beaucoup de joies, goûtant la camaraderie avec d'autres jeunes filles qui, pour certaines d'entre elles, resteront longtemps ses amies. Sa grand-mère finit par l'en sortir, inquiète de la dévotion qui s'empare à un moment de sa petite-fille, prise d'une sorte de crise mystique. Aurore a 16 ans, et perd peu de temps après sa grand-mère, héritant alors de Nohant. Elle lit Leibniz, Rousseau…, scandalise les commères en montant à cheval comme un homme. Sa mère la ramène ensuite à Paris, où elles entretiennent des relations conflictuelles qu'exacerbent le mariage d'Aurore avec Casimir Dudevant. le couple a bientôt un fils, mais l'entente se délite, les deux époux ont finalement peu d'affinités, et finissent par vivre la plupart du temps séparés.

George Sand ne s'étend pas sur sa vie sentimentale. D'un point de vue personnel, Elle évoque surtout ses liens avec ses enfants (la naissance d'une petite Solange a suivi celle de Maurice), s'attarde sur son installation - motivée par son fort besoin d'indépendance financière - à Paris où elle entame, après des débuts difficiles, sa carrière littéraire, s'exprime sur les nombreux amis qu'elle côtoie et dont elle s'enrichit intellectuellement (dont Balzac, Delacroix…). Parmi eux, certains sont ses amants, mais ce sont les notes de bas de page ajoutés par l'éditeur qui l'apprennent au lecteur…

Ni détail croustillant sur son intimité, donc, ni règlements de compte : l'oeuvre, écrite avec le recul, est empreinte de magnanimité, d'absence de rancoeur et d'empathie, y compris pour ceux avec lesquels les rapports ont parfois pu être orageux.

Elle évoque aussi régulièrement le contexte social et politique de cette période tourmentée qu'est la première moitié du XIXème siècle, héritier d'une Révolution sanglante, alternant entre monarchie et République. Elle exprime à plusieurs reprises l'importance qu'elle accorde à l'égalité entre les hommes, dont elle préfère considérer la valeur à l'aune de leurs oeuvres plutôt qu'à celle de leur extraction. Ses propres origines, mais aussi son amour de la nature, des animaux, l'ont amené à respecter sans condescendance le travail manuel. Elle-même n'éprouve ni amour ni besoin de possession ; financièrement indépendante, comme elle le souhaitait farouchement, elle est aussi très généreuse, incapable de refuser de donner de l'argent à ceux qui lui en demandent. Pour elle, "la vie individuelle n'a de sens qu'en se fondant avec l'individualité de chacun de ses semblables, l'affaire de la raison et de la conscience humaine (étant) de trouver l'harmonie entre identité et diversité".

Une autre constante traverse le récit, à la fois par l'intermédiaire de ses réflexions, mais aussi et surtout dans sa manière de vivre, c'est sa conviction de la valeur de la femme égale de celle de l'homme. Depuis son plus jeune âge, elle a renoncé à la coquetterie, par amour du travail manuel, du grand air, pour le plaisir de courir au soleil, refusant de se mettre sous cloche pour ne pas être hâlée et flétrie avant l'âge. Elle considère qu'une "belle robe est gênante, (que) les bijoux égratignent et (qu')en toute chose la mollesse des habitudes nous vieillit et nous tue", ne "veut pas être une poupée pimpante bien guindée et érudite qui tape sur un piano devant des personnes qui ne se soucient de personne", ou troquer sa liberté et sa personnalité pour une voiture, un écusson ou des chiffons…

C'est une femme de tête, au sens spirituel et intellectuel du terme, à l'esprit ouvert, curieux, mais aussi hantée de tendances mélancoliques voire dépressive. Alors qu'elle n'est qu'une jeune fille, déjà "la loi de propriété, l'héritage, la répression meurtrière ou la guerre litigieuse, les privilèges de fortune et d'éducation, les préjugés du rang et ceux de l'intolérance morale, la tuerie, l'oisiveté des gens du monde, l'abrutissement des intérêts matériels", la révoltent. Une révolte qui se mue en tristesse douloureuse, en un dégoût de la vie qui va parfois presque jusqu'au désir de mort, qu'elle précise avoir éprouver à plusieurs moments de sa vie, alimenté par le spectacle des tourments du monde.

L'ouvrage, malgré les coupes, est dense, et j'avoue que j'ai dû m'accrocher un peu vers la fin, sans doute un peu lassée des divagations parfois longues, et de l'aspect un peu décousu du récit. J'ai en revanche particulièrement apprécié les parties sur l'enfance et sur ses débuts littéraires à Paris (quand elle parcourt des mois durant la capitale vêtue en homme par manque de moyens). Et c'est avec le sentiment d'avoir fait connaissance avec une femme brillante, à l'esprit d'analyse pointu, et surtout fort attachante que j'ai refermé "Histoire de ma vie".
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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C'est un livre attachant, profond et plein de la vivacité de son auteur, de ses enthousiasmes, de ses galères (pour employer un mot anachronique mais très exact) et du récit d'une jeunesse étonnante aux affections contrastées. On découvre avec beaucoup d'intérêt comment Aurore, qui aimait grimper aux arbres et sauter du haut des meules de foin, contrairement à toutes les petites filles de son milieu, puis a désiré vivre seule et arpenter Paris à sa guise, a basculé dans George avec évidence. L'ensemble est un régal.
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Cette autobiographie a été le livre tiré de la book-jar pour octobre.
J'étais à la fois contente et un peu inquiète devant cette petite brique.
Je l'ai acheté fin 2014 si je me souviens bien, sur les conseils d'une amie de fac qui l'avait adoré. Elle en avait parlé avec tellement de passions que le jour même, j'étais allée en librairie l'acheter. Et je l'ai donc mis de côté pendant plusieurs années…Sa taille me rebutait un peu. Son genre aussi, les autobiographies je n'en lis quasiment jamais, je n'aime pas trop ça (c'est limite à se demander pourquoi je l'ai acheté, mais mon amie en parlait si bien que sur le moment, j'ai absolument voulu l'avoir!)

Je suis partagée sur cette autobiographie : j'ai beaucoup aimé le début, j'ai apprécié le milieu et je me suis ennuyée à la fin…

Quand je pense que j'étais fâchée et déçue au début de m'apercevoir que ce n'était l'oeuvre intégrale! Il s'agit en fait de seulement UN TIERS de son autobiographie, puisqu'en réalité, il y a eu 20 volumes en tout! Je dois avouer être bien contente de ne pas avoir eu la version intégrale…que je n'aurais pas eu le courage de terminer de toute manière, puisque j'en avais vraiment assez au bout de 600 pages.
Donc voilà, je préviens, ce n'est pas la version intégrale, mais ce n'est pas plus mal!

Son enfance était vraiment très intéressante à lire. Voir comment Aurore est devenue George Sans était passionnant.
C'était une femme vivante, pleine de charme, travailleuse, capable d'entendre les arguments des autres, mais aussi capable d'être sûre de ses sentiments et de ses convictions. Je la trouvais aussi pleine d'humour et d'auto-dérision, ce qui n'est pas évident à cette époque.
Voici d'ailleurs un petit extrait que j'ai trouvé assez drôle :

« Mon mari est des plus intrépides. Il va partout et je le suis. Il se retourne et me gronde. Il dit que je me singularise. Je veux être pendue si j'y songe. Je me retourne et je vois Zoé qui me suit. Je lui dis qu'elle se singularise. Mon mari se fâche parce que Zoé rit. «

Franchement, c'est assez cocasse^^

Elle reste par contre très discrète sur certains moments de sa vie, notamment ses amants. Je ne trouve pas cela plus mal d'ailleurs, cela ne nous regarde pas vraiment. Je préfère le signaler, on a très peu d'informations sur Alfred de Musset ou sur Frédéric Chopin.

En ce qui concerne la fin…je l'ai dit, j'ai trouvé cela très long…J'aurais aimé qu'elle nous parle plus en détail de sa manière d'écrire, ses habitudes, ses lectures. Tous ses thèmes me passionnaient bien plus que ses convictions religieuses et politiques (enfin surtout sa foi qui revient vraiment constamment dans le récit…cela devenait un peu redondant à la fin).

Finalement, je ne sais pas trop quoi penser de cette lecture. J'ai beaucoup aimé les deux tiers, j'en avais vraiment assez à la fin…un peu trop long et finale.

Je suis tout de même contente d'avoir eu le courage de lire son autobiographie et de la terminer. George Sand était une femme extraordinaire, en avance sur son époque et sur les moeurs, une autrice digne d'être connue et étudiée, bref une femme d'exception.
Lien : https://writeifyouplease.wor..
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Curieuse autobiographie que cet énorme pavé! Un tiers du volume raconte la vie du père de Sand à travers la correspondance de celui-ci avec sa mère, dans le reste de l'ouvrage Sand se refuse d'exposer sa vie profondément intime notamment ces multiples relations amoureuses et ses déboires, par soucis de pardon et de protection de la dignité de toutes ces personnes, c'est certes délicat mais ca prive le lecteur de la part la plus intéressante de sa vie et qui fait sa légende. J'ai apprécié l'évocation pleine de sensibilité de son enfance et aussi les portraits quel fait de quelques unes de ses connaissances notamment Delacroix, , Balzac, Chopin, Barbes. Au bout du livre (et de l'ennui?) j'ai eu un curieux sentiment de rester sur ma fin, heureusement qu'une biographie illustrée d'une centaine de photos complète cette autobiographie (un comble!!!).
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