Délaissant pour une fois les complots du Vatican à sa grande époque qui furent sa marque de fabrique, Romain, le fils de Michel, nous convie à partager le destin de ceux qui ont vécu le début des années 40 comme un petit paradis.
Il est rare de présenter les choses de cette sombre époque sous le versant des méchants.
Jonathan Littell l'avait fait il y a une petite quinzaine d'années, avec un tel brio d'écriture, une telle horreur des termes et un nombre de pages qui pouvaient rebuter.
Avec Sardou, on se situe davantage du côté de
Marc Levy dans son unique roman acceptable (
les enfants de la liberté), à la différence qu'ici, on s'intéresse davantage aux collabos qu'aux résistants.
Le travail de documentation sur cette triste période de l'histoire française est impressionnant. On se demande à chaque page si on lit un roman aux intrigues totalement inventées (bien que j'aime à répéter que toute pure invention n'est qu'un travestissement de la réalité, le faux naissant du vrai) ou bien un récit historique de la plus grande rigueur. C'est ainsi que l'on apprend comment la passion du football a changé la face de la guerre, du moins profondément modifié l'avancée de l'envahisseur en mai 40.
Ca commence par une maison de passe, plutôt un salon de filles où se croisent les officiers allemands de la Wehrmacht et les dignitaires SS en quête de chair fraiche. le champagne coule à flots, on rit, on prend du bon temps, loin des privations et de la honte partagée par tous les parisiens, des rafles et des emprisonnements arbitraires, des camps et du front russe (à partir de 1943, la punition change de camp).
Une fille sublime, ambitieuse et pro allemande mieux qu'un Obersturmbannführer bien conditionné. Elle s'appelle France, un prénom de circonstance aux yeux de ceux qui voient dans le gouvernement de Vichy la putain de l'Allemagne.
Mais la belle call-girl cache un secret. Et du récit de ces années noires et pourtant terriblement enluminées pour certain(e)s on bascule dans un vrai polar.
Tarantino devrait adorer.
* le titre de couverture est bien Mademoiselle France, qui évoque plus une candidate à un concours de miss qu'une collabo de la pire espèce. Ce titre en v.o. est d'ailleurs repris dans la courte biographie qui ouvre le livre.