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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Sommes-nous des planètes qui tournons l'une autour de l'autre dans un ballet confidentiel et mal agencé, dérangé par les discours de nos semblables autant que par nos ressentiments ?
Sommes-nous ces cocons ivres de la vie des autres, de leurs paroles aussi gluantes que le liquide amniotique ambiant censé nous protéger mais qui nous étouffe.
Étouffant. Voilà le mot. L'écriture de Nathalie Sarraute est d'une telle densité, une telle proximité non seulement avec le discours mais avec le vécu, le ressenti, le peu conscient, le refoulé que l'air y circule peu. Dans sa prose à nulle autre comparable, mêlant dialogues, monologues intérieurs, reliquats de pensée, de non-pensée, d'orgueilleux soubresauts de l'âme et de verbeux hoquets de dégoût, l'auteure (ou l'autrice, je ne me suis pas encore décidé) tisse sa toile littéraire, nous enveloppe de tous les sucs sociaux et psychologiques que le langage a pu produire. Les personnages s'y débattent tandis que le lecteur tente de surnager dans le réseau romanesque dans lequel il s'est lui-même jeté en ouvrant ce planétarium. Non ce n'est pas un livre que nous lisons mais une pelote, une jungle, un enchevêtrement d'être soyeux et collant .
C'est un amas de langage à la dynamique étourdissante où les relations interpersonnelles forment un agglomérat informe peu tangible même s'il dégouline de honte, de vanité, veulerie, rancoeurs et faiblesses. Existent-ils autrement que par ces bouts de langage, les Guimier, ? Et Germaine Lemaire (Maine pour les intimes) est-elle autre chose que ce fantasme habillé d'on-dit ?
Telle l'araignée, notre esprit sinon notre corps vrombit à la moindre palpitation de l'une des cordes qui forme la toile de notre lecture, l'une des répliques dites ou pensées par n'importe lequel des personnages. Aussi entrons-nous d'emblée dans ce grand planétarium, dans cette immense toile filée par Nathalie Sarraute avec son roman à la forme bizarre, compacte et mouvante, grossissant sous nos yeux, même le livre refermé.
Des planètes peut-être le sommes-nous mais telles des boules de jongleurs, nous sommes entraînés par le moindre des mouvements de la constellation rayonnant autour de notre orbite - être vivants et personnages de romans compris . Et notre unicité nous ne la devons qu'au contact souvent douloureux et brûlant des corps célestes qui nous entourent.
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Paru en 1959, le Planétarium est un des textes fondateurs du Nouveau Roman. Quelque peu réfractaire à ce courant, je trouve quand même que le style de cet auteur reste facile d'accès. Certes, il est déroutant car Sarraute joue énormément avec la ponctuation. Elle utilise les points de suspension afin d'éluder les pensées de ses personnages ou leurs interruptions. Elle crée, par là-même, une sorte de langage parallèle.

Dans ce livre, ses personnages sont caricaturaux. On trouve ainsi un jeune couple, Gisèle et Alain, ainsi que leur vieille tante, Berthe, qu'ils aimeraient voir partir afin de récupérer son appartement. Sarraute va nous faire part de leurs conversations, les disséquant consciencieusement. le lecteur se retrouve également face à de longs monologues. Pourquoi faire de choses quotidiennes tout un roman ? L'auteur manie ici l'ironie dans toute sa splendeur et le lecteur ne peut qu'adhérer, se retrouvant parfois dans la peau d'un des protagonistes.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Nathalie Sarraute a été précurseure du nouveau roman qui prônait la fin des récits, des histoires, et pourtant, il y a dans le planétarium, une sorte de trame narrative avec quelques personnages dénommés et bien identifiés. L'histoire relatée sous forme de monologues par plusieurs protagonistes est celle d'Alain Guimier, jeune thésard marié à Gisèle, qui lorgne désespérément le grand appartement vaguement promis par sa tante. Autour de lui gravitent son père, ses beaux-parents, une écrivaine, diva du ghotta littéraire parisien entourée de ses admirateurs. Alain Guimier, jeune homme qui aime séduire et se plie aisément aux attentes de ses interlocuteurs, souhaiterait se lancer dans l'écriture.
Dans ce roman offrant de multiples niveaux de lecture, Nathalie Sarraute fait évoluer, de manière distanciée, des créatures figées, caricaturales, légèrement enduites de cire ou de fine poussière, apparaissant comme autant de petites planètes ou de satellites en orbite les unes autour des autres.
Elle construit un monde étrange, absurde, où sont observées, sous la lentille du microscope, des créatures qui s'approchent, s'entredévorent, guidées par la soif de possession, de pouvoir, de statut social, de réussite.
Comme dans ses précédents livres, l'autrice se met en quête de ce qui est sous-jacent aux émotions, aux comportements des êtres. Nous sommes dans le domaine du sensible, de l'inexprimé, de l'informe, aux frontières de la conscience, en amont du langage. On pourrait employer le terme d'impulsions, ou de pulsions, ce que Sarraute ne fait pas, rejetant la psychanalyse, son jargon et ses concepts qui enferment.
Des phénomènes, chimiques et physiques, d'attirance et de répulsion relient ou séparent les personnages. Des matières visqueuses, gluantes les enserrent, des forces les séparent ou les relient, symbolisant l'emprise, les rapports de pouvoir, l'osmose, la fusion.
Les relations entre les individus sont empreintes de bassesse, d'envie, de jalousie, d'acrimonie, de cruauté. Une violence sourde et latente plane. Celle-ci se traduit par l'irruption de scènes de la mythologie ou de western, de contes pour enfants, d'histoires de princesses, autant de références à des temps immémoriaux, à une mémoire collective ancestrale.
Dans ce concert de voix indissociées, les monologues s'entremêlent et on découvre à posteriori qui parle. Les mêmes scènes rejouées, relatées par des personnages différents mettent en relief de minuscules détails.
Nous sommes dans l'univers des représentations, des faux-semblants, des êtres se démultipliant en fonction de la perception qu'en ont les autres. de menus éléments de la conversation peuvent déclencher des réactions imprévues. Tout se joue de manière larvée, en deçà du langage convenu, des conventions et des rapports sociaux codifiés.

Le planétarium est également une critique acerbe de l'intelligentsia parisienne, du monde de la culture, où des courtisans entourent de grands noms de la littérature, parmi lesquels on croit reconnaître la silhouette de Sartre.

Une oeuvre passionnante, aux accents métaphysiques, qui ne livre pas d'emblée tous ses secrets.


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Le Planétarium est le premier roman de Sarraute n'employant plus la voix d'un unique narrateur-personnage. Comme son titre l'indique, on se trouve plongé dans un univers de voix fragmenté, univers forcément factice, Sarraute ne trichant pas avec son lecteur. Mais à lire les quelques critiques, on sent que le lecteur aime quand on se joue de lui, et souhaite voir une lanterne quand on lui tend une vessie sous les yeux.
Cette ouverture narrative entraîne donc des erreurs de sens chez le lecteur et des retours en arrière pour retrouver le bon chemin: "Ah! Mais ce n'est pas Alain qui parle? C'est Germaine..." Je comprends que cela agace beaucoup de monde, mais c'est pourtant ce que la littérature devrait toujours offrir: la liberté de construire ses propres chemins de lecture et de sens et faire le choix de l'activité du lecteur plutôt que la passivité. En parodiant une image sarrautienne, je n'aime pas les auteurs qui, du haut de leur notoriété, serrant notre nuque d'une main ferme, nous imposent leur "vérité".
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Après portrait d'un inconnu, et Martereau, le Planétarium reprend le principe des tropismes, ces mouvements souterrains presques inconscients qui régissent finalement tous nos rapports, rapports de soi à soi, de soi à l'autre, de l'autre à soi, de l'autre à l'autre.
Ici, les tropismes ne dépendent plus d'un Je subjectif, qui les ressent, les interprète, mais d'un Il, plus général. Nous passons d'une subjectivité à une autre, là où les précédents ouvrages se limitaient à une subjectivité fixe, qui suivait, imaginait ce qu'elle ne pouvait voir. Il y a une volonté d'objectiver finalement ces tropismes, de ne plus les rendre simplement dépendant d'un individu hypersensible,de les sortir de l'ordre du pathologique. Les rapports entre les individus sont donc vus sous tous les angles, ce qui permet de mesurer l'écart qui parfois existe entre ce qu'un personnage croit percevoir de l'autre, et ce que l'autre perçoit réellement. Puisqu'il n'y a plus de fusion possible entre les personnages, qu'ils sont en quelque sorte, dans leur solitude intérieur, les tropismes prennent un caractère incertain, ils ne sont plus là manifestation objective d'une réalité cachée, mais le fruit de la confrontation entre les différentes subjectivités. Pourtant, les tropismes du Planétarium sont moins profonds, parfois proche de la ratiocination, que ceux des autres ouvrages. Parfois, ils apparaissent comme plaqués artificiellement sur le récit, qui a malgré tout une structure plus classique que les précédents livres.
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