Anne (
Albertine Sarrazin), jeune délinquante, après un hold-up raté se retrouve enfermée dans un pénitencier. le récit commence avec celui de son évasion. En chutant de dix mètres, elle se brise
l'astragale (un os à la base du pied), ce qui l'oblige à ramper, en pleine nuit, jusqu'à la nationale toute proche. Elle y est secourue par Julien : petit délinquant qui se résout à la cacher dans la guinguette familiale aux abords de Paris. Très vite une idylle va naître entre les deux jeunes gens. Anne découvre alors la vie en cavale, condamnée à alterner les planques, à apprendre à vivre avec son infirmité et à se résoudre à la prostitution pour survivre.
Si le nom d'
Albertine Sarrazin semble plutôt confidentiel, aujourd'hui, elle fut dans les années 60, une petite sensation du monde littéraire. En trois livres elle a livré un condensé de sa vie de délinquante. Marquée par les maisons d'arrêt, la prostitution, les cavales et sa rencontre avec l'amour de sa vie :
Julien Sarrazin - qu'elle épousera en prison, et dont «
L'astragale » est un ode à l'amour qu'elle lui porte. Elle mourra avant d'atteindre sa trentième année, suite à une erreur médicale.
J'exprimais récemment mon regret de compter peu d'autrices parmi mes lectures. Et je pense qu'on tient là un OVNI littéraire que même les plus ferventes féministes ne doivent pas connaître.
Un style qui emprunte à l'argot célinien (Céline était une influence revendiquée par l'écrivaine), sans toutefois tomber dans la trivialité et le style purement oral de l'écrivain. Albertine possède un phrasé, une manière de gérer les ellipses et un sens poétique qui lui sont propres. D'ailleurs, à la lecture des dialogues je m'imaginais les scander avec l'accent traînant du « Titi parisien » à la Arletty.
L'astragale est la preuve que l'on peut écrire un livre traitant de la déchéance d'êtres brûlants la vie par les deux bouts, tout en ayant du style, sans tomber dans des titres orduriers et racoleurs. Suivez mon regard…