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Un vieil homme (très) aigri observe le monde à travers sa fenêtre, et nous fait part de ses réflexions. Est-il si vieux ? Ce n'est pas sûr ; en tout cas, il se sent vieux.
Le récit est fragmentaire, il entremêle le passé du vieil homme (Harold Nivenson), et le présent. Peu à peu, la personnalité du narrateur devient plus claire, plus précise. Son aigreur provient d'avoir été et d'être un "artiste mineur", un écrivain qui n'est jamais parvenu à écrire une oeuvre. On découvre son amitié avec Peter Meiniger, un peintre qui le fascinait. Et l'envie, la jalousie qu'il a éprouvé envers lui. Son impossibilité, et partant l'impossibilité pour le lecteur, à savoir, ou admettre, que Meiniger était un grand peintre, -ou pas.
C'est donc une réflexion sur l'art, plus exactement sur l'artiste, que ce livre. L'artiste est celui qui, comme Harold, par une mise en abîme initiale de l'auteur, regarde le monde à travers une espèce de vitre, qui à la fois le coupe de la réalité et lui donne un cadre plus ou moins factice où s'exprimer et où condenser le réel pour lui donner un sens. Harold est derrière la vitre, Harold voit le cadre, mais Harold n'est jamais parvenu à créer. C'est un artiste raté. Il y a une grande tristesse dans cette constatation, dans cette lucidité qui, finalement, ne sert à rien. Mieux vaudrait être idiot.
Harold en est à envier les grands artistes qui sont devenus fous, se sont suicidés, ou les deux mon général, Virginia Woolf, Sylvia Plath, Van Gogh, Nicolas de Stael etc...La liste est longue, il ne fait pas bon être derrière la vitre.
Le roman est assez intéressant pour cette réflexion sur l'artiste, moins fréquente que la réflexion sur l'art, mais elle présente le défaut de ne pas être très originale. Par exemple, moi, je la préfère exactement semblable et pourtant profondément dissimulée dans des romans qui ne paient pas de mine et sont pourtant géniaux, au sens strict : Cinq petits cochons, d'Agatha Christie, à travers le personnage du peintre Amyas Crale, et le Vallon, à travers le personnage de la sculptrice. Voilà, il y a quelque chose d'un peu pédant dans la pose du vieil homme torturé par l'échec et qui fait un cours de philo de terminale sur la malédiction de l'artiste. Ca me fait toujours penser à Josiane Balasko dans Les Bronzés, disant à Christian Clavier en string :
-Tu te mets toujours les fesses à l'air pour réciter du Saint John Perse ?
Je trouve que notre narrateur a un peu les fesses à l'air pour réciter son cours de philo.
Bon, sinon, le procédé du dévoilement progressif de l'histoire personnelle d'Harold est assez réussi, ainsi que ses rapports avec Meiniger, sa femme qui apparaît tout d'un coup, et son fils. Finalement, c'est l'intrigue basique qui retient le lecteur, enfin moi en tout cas.
C'est aussi un texte qui a la politesse d'être court et d'aller droit au but, sans qu'on ait une impression de bâclé.
Un lecture agréable, donc, particulièrement réservée aux amateurs de vieillards aigris en string, avec, je le signale sans spoil, une très belle fin.
Je finirai, et c'est rare, sur l'objet-livre, qui est vraiment réussi (bravo à l'éditeur Notabilia). La page de garde rouge, c'est beau, ça va parfaitement avec la couleur des pages, ça a ravi mon regard pendant toute ma lecture.
Je remercie donc Babelio et les éditions Notabilia pour m'avoir fait rencontrer Harold Nivenson et son double (???) Sam Savage.
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Harold Nivenson: vieux, impotent, aigri, artiste mineur et ami dans sa jeunesse avec le défunt et grand peintre Peter Meininger; suffisamment intelligent et lucide pour jeter sur sa vie un regard triste et désabusé.

Qui a-t-il été, finalement, sinon cet homme pédant qui s'est caché à l'ombre de Meininger et inventant toutes les excuses possibles pour ne jamais accomplir l'oeuvre de sa vie?
Sa vie s'achève dans cette maison délabrée qui a hébergé, dans le passé, peintres et admirateurs, pseudo-intellectuels en manque de reconnaissance. Aujourd'hui, Nivenson se laisse sombrer peu à peu, puisque son vieux chien, Roy, l'a quitté lui aussi, lui enlevant par la même tout intérêt pour la vie. Sa vie se restreint à l'espace entre son lit et la fenêtre par laquelle il observe ses voisins, espace temporel également pour un va-et-vient entre passé et présent.

Si le premier réflexe du lecteur est de détester ce misanthrope ou du moins d'en être dégoûté, on finit par comprendre qu'au delà des mots, il y a une sensibilité meurtrie.

L'objet est beau et agréable, le thème est émouvant et la construction du récit, composé de paragraphes de différentes strates temporelles, est intéressante mais très artificielle et et visible. Difficile de se laisser prendre totalement par le récit.
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Harold est un ours solitaire et mal léché terré dans une maison qui lui ressemble: délabrée et qui fait tache dans le quartier. Depuis la mort de Roy, son chien qui l'éloignait du vide hurlant de son âme , le vieil homme presque atteint du syndrome de Diogéne sombre dans la déchéance. Obsédé par la mort, affaibli par l'âge et la maladie, il passe ses journées à observer ses voisins et à ruminer le goût amer des blessures de son passé. Dans un monologue plein de ressentiments mais sauvé de la sinistrose par un humour caustique , Harold Nivenson nous livre ses réflexions...
Ce roman très court est portrait à la fois drôle, cruel et touchant d'un homme qui se sait arrivé en fin de parcours mais toujours bel et bien vivant.
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Qu'il est bon de devenir ami de Harold Nivenson l'espace de quelques pages !
Quelle chance de pouvoir être le témoin privilégié de la relecture de sa vie.
Une vie pleine d'amertume, de regrets, de sourires, d'envies et de rêves non assouvis.
Une vie pleine de rencontres parfois enrichissantes, souvent destructrices.
Une vie entre espérance et souffrance, entre engagement et démission, entre lumières et ombres.
Le caractère râleur et le ton critique de ses propos pourraient faire de Harold un personnage détestable.
(C'est évident que dans la vie réelle j'aurais tendance à fuir ce genre d'humains).
Pourtant, au long des pages, sa présence a soulevé en moi une once de compassion, un souci de protection, une envie d'aimer ce vieillard en manque de tout au crépuscule de sa vie.
Car il faut le dire, Harold Nivenson est attachant.

Ce vieillard n'est pas n'importe quel vieillard. C'est un passionné d'art, du Vrai, du Beau, de l'Authentique. Pas celui qui compte les ventes aux sommes faramineuses. Pas celui qui couvre les murs des musées, les pages des magazines spécialisés. Mais celui qui révèle la profondeur de l'âme de celui qui peint.
Harold Nivenson aurait aimé être l'un de ces artistes.
Celui qui a gardé une âme d'enfant, celui qui peint les étoiles et les fait briller dans les yeux des autres.
Pour certains pseudo artistes, Harold s'est sacrifié, s'est oublié. Ce qui plonge ses derniers jours dans un bol d'amertume et de tristesse.

Cette lecture pourrait être morose. Elle m'est apparue au contraire lumineuse.
Sam Savage a su distiller à travers la lenteur de ses lignes, le choix de ses mots, une douceur et une tendresse infinies.
Moi, Harold Nivenson... Un livre d'une profondeur insoupçonnée que je recommande vivement.

Un grand merci à Babelio à travers sa Masse Critique et aux Editions Noir sur Blanc pour cette belle découverte !

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Originaire de la Caroline du Sud , Sam Savage, né en 1940, vit maintenant à Madison, Wisconsin.
Son doctorat en philosophie obtenu à l'Université de Yale lui a permis d'enseigner quelques temps mais il a aussi été mécanicien, pêcheur, charpentier… Cet homme qui travaille de ses mains et de la tête, prend ici la plume pour écrire, apparemment à propos de l'Art, de la peinture et du monde artistique où les carrières se font et se défont selon l'humeur du public moyen endoctriné par le critique d'art et les marchands-requins des toiles dont la valeur n'est jamais exacte.
Le regard qu'il porte sur ce monde est impitoyable ! Celui qu'il porte sr la vie n'est pas plus clément.
Avec son roman Moi, Harold NIVENSON, si Sam SAVAGE tourne autour de l'art, il se centre surtout sur la décrépitude d'un vieil ours solidaire, mal léché et chargé de tous les défauts du monde. Harold NIVENSON est, en effet, nihiliste, nombriliste, égoïste, acariâtre, de totale mauvaise foi et de compagnie insupportable ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui. Car la seule voix, le seul point de vue qui est exprimé dans ce récit de fin de vie est celui du mourant fou qui est sans doute fou depuis longtemps et probablement mort-né, ou à peu près, tant ses parents n'ont rien pu lui donner comme affection et envie de vivre, pas plus que ses frères et soeurs qui le torturaient !
Harold NIVENSON veut écrire un Manifeste. Il ne sait pas trop de quoi, peu importe. Un manifeste sur le théorème du bonheur, peut-être, dit-il. Mais sa vie a-t-elle seulement croisé le bonheur? A-t-il quelque chose à en dire? de quoi peut-il manifester si ce n'est de son aptitude à l'échec !
Il a toujours voulu écrire. Il a rédigé des milliers de fiches, telles les pièces d'un puzzle à assembler un jour. Son récit d'ailleurs prend la forme d'une juxtaposition de multiples paragraphes, sans lien apparent, réduits parfois à une phrase, au vide d'une idée qu'un observateur de sa vie aurait pu dire. Il a aussi essayé de peindre. Mais, il le sait et le dit, il n'a jamais été un artiste majeur.
Rongé par la solitude, assoiffé de reconnaissance, emmuré dans un besoin de paraître, il se fera ami du peintre Peter Meiniger qui en profitera pour vivre à ses crochets et lui prendre sa femme. Disposant d'une petite fortune, H. NIVENSON se lancera dans l'acquisition inconsidérée de croutes peintes par les amis de son ami qui, tous nuisibles et pique-assiettes, ne manqueront pas de lui faire une cour l'élevant au rang de mécène et critique d'art incontesté. Mais, Artiste, il ne le sera jamais !
La vieillesse étant là, il ne lui reste plus que sa maison en aussi grand délabrement que son corps, Moll, la femme que peignait son ami, s'occupe de lui, ramasse sa merde et change ses draps. le seul être qui accompagnait sa vie, Roy son chien est mort. Il ne sort plus, vit entouré des croutes accrochées partout dans la maison et subit les assauts de son fils et sa soeur qui guettent, rapaces, le moment de le spolier de ses biens.

N'ayant donc plus rien à vivre d'exaltant, Harold se complaît dans la noirceur de son regard sur le monde, sur lui, sur les habitants de son quartier et sur sa vie qu'il se repasse en boucle de manière neurasthénique.
Ce livre est triste, lourd, pesant sur l'âme d'un lecteur lui-même vieillissant mais gardant pourtant un regard ensoleillé sur tout ce qui peut encore être beau dans le crépuscule d'une vie. Bref, une lecture choc ! Il faut cependant reconnaître à Sam SAVAGE une plume qui sait dire le noir et le faire vivre tout en permettant au lecteur de ne pas s'y enfermer. Il y a, dans son écriture, une proposition de vision du monde qui ne s'impose pas. Un regard à propos duquel l'auteur lui-même ouvre une réflexion.

Merci à Masse Critique et aux Editions Noir sur Blanc de m'avoir permis de découvrir cet auteur.
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Lorsque j'ai lu les premières pages de « Moi, Harold Nivenson » je me suis dit « Oh la la, je vais jamais pouvoir entrer dans ce livre… » mais comme je suis d'une époque – pas si lointaine quand même – où on disait volontiers aux enfants : « Quand on n'aime pas, faut se forcer », j'ai repris le cours de ma lecture. Et peu à peu, je me suis prise d'affection pour ce vieil Harold, atrabilaire, nihiliste, narcissique, injuste, misanthrope au point de se haïr lui-même avec la plus extrême vigueur. On l'aura compris, Harold a toutes les qualités ! Un gai luron, vraiment, qui philosophe grave en mode dépression et qui coupe les cheveux, non en quatre ou en huit, mais bien à la puissance de calcul exponentielle d'un ordinateur. C'est qu'il est sans indulgence aucune et qu'il souffre, physiquement, moralement, au point que le lecteur finit par être atteint de compassion. Au fond, il n'est pas méchant Harold, mais terriblement malheureux, il a un sentiment de manque ; il manque un élément au puzzle de sa vie, ce petit plus qui lui donnerait enfin, en fin de vie, un sens à sa vie.
Franchement, en tant que lectrice, j'ai eu du mal à comprendre ce qui pouvait le rendre malheureux à ce point. Certes il a eu une enfance malheureuse, incompris qu'il était par ses parents et maltraité par ses frère et soeur. Oui, il a ouvert sa maison à toute une bande de parasites ingrats et offert son amitié à au peintre Meininger, qui en retour lui a piqué sa compagne. Bien sûr il y a laissé sa fortune. Hélas, son fils et son ex-femme s'empressent surtout à faire estimer la valeur des tableaux qu'il a conservés de son ami peintre. Et voilà, maintenant, il est vieux, malade, vraiment décati...
De toute façon, c'est lui qui le dit. Personne d'autre ne donne un autre point de vue. Il dit aussi qu'il a eu l'amitié véritable de Roy, son ami à quatre pattes ; qu'il est désormais entouré des soins de Moll, la femme qui figure sur les tableaux de Meininger.
Resterait-il, alors, un frêle espoir de résilience ?

« On ne peut pas raconter sa propre histoire, on ne peut même pas la vivre. » C'est Harold qui le dit.

Je remercie Babelio dans le cadre de "Masse Critique" et les éditions Noir sur Blanc, de m'avoir permis de découvrir ce livre.
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Harold Nivenson n'est pas brillant. Il prend de l'âge et sa santé se dégrade. Son petit chien, Roy, est mort et il lui manque beaucoup. Derrière sa fenêtre, il observe ses voisins mais cela ne le réjouit guère car sa vision des choses, de la vie, est très pessimiste.
Sur des fiches, il note un maximum de choses et se décrit sans aménité : « Peau de serpent desséchée qui s'écaille, ventre gonflé de crapaud, pattes grêles d'oiseau, odeur de bouc, face de chameau, cerveau d'un orignal fou-furieux assailli par les loups. Un boiteux qui traîne la jambe et trébuche sur les fissures du trottoir. » Ajoutant aussitôt, froidement : « Je possède une arme. »
À partir de là, le lecteur va de surprise en surprise car cet homme en bout de course a eu une vie dense que les souvenirs remontant à la surface permettent de découvrir. Son quartier était un quartier populaire mais il est maintenant envahi par des gens aisés, de jeunes cadres dynamiques et seule sa maison n'a pas été restaurée.
La Professeure Diamond est la voisine qui l'intrigue le plus. Elle le snobe mais si elle écrit des livres, il n'en a lu aucun : « le journal dit d'elle que c'est une véritable mine d'or littéraire. Ce qui signifie qu'elle produit des déchets littéraires à une échelle industrielle. »
Il parle aussi de ces tableaux qui ornent les murs de sa maison : « Je me rends compte qu'ils n'ont aucune valeur, que ce sont pour l'essentiel des croûtes. Si j'en avais la force, je les jetterais tous à la poubelle… Je suis – et je le reconnais sans peine – le plus grand gougnafier que la terre ait porté. » Gougnafier, c'est ainsi qu'il définit les artistes mineurs.
Moll que l'on suppose être sa femme, s'occupe de lui qui parle alors beaucoup de ce peintre allemand venu de Munich : Meininger. Il l'a hébergé durant 38 mois mais son influence a duré longtemps ensuite : « Meininger, le peintre et Nivenson, le critique et collectionneur. La vie d'un dilettante. »
Toujours très critique envers ses semblables, apparemment misanthrope, Harold Nivenson n'est pas avare de phrases choc comme lorsqu'il confie : « Si quelqu'un m'annonce qu'il va me raconter l'histoire de sa vie, je sais immédiatement qu'il s'apprête à mentir. »
La peinture a été sa passion et sa perte : « J'ai toujours été fou, mais pendant la plus grande partie de ma vie, je me suis cru normal. » Finalement, ce roman original et prenant est une très instructive leçon de vie.
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Je remercie avant tout Babelio et les éditions Noir sur Blanc de m'avoir envoyé ce livre.
C'est un petit livre, moins de 200 pages, qui raconte les vieux jours d'Harold. Harold est une personnage âgée qui vit, semble-t-il, seul dans sa vieille maison.
Il se remémore sa vie d'adulte quand il a voulu être un écrivain et que finalement, grâce à un héritage bienvenu, il est devenu mécène et collectionneur de tableaux, ami pendant quelques années d'un peintre ayant obtenu une certaine côte. Il se souvient de son chien, son seul véritable compagnon fidèle qui lui manque.
Harold exprime ses pensées sur sa vie actuelle bien terne car il est affaibli physiquement et continuellement dérangé par Moll et son fils qui s'occupent de lui et en même font tout leur possible pour le pousser à vendre sa collection de tableaux et sa maison.
Harold s'ennuie, repense à son passé, il pense qu'il est passé à côté de sa vie, attend que la journée se passe devant sa collection de tableaux en epiant ses voisins qu'il ne connaît plus. Il constate que le quartier a bien changé et que sa maison et lui constituent les derniers vestiges d'une autre époque.
C'est un livre bien écrit avec un côté philosophique sur le temps qui passe et le constat de sa propre vie à l'orée de la fin, de cette attente quand il n'y a plus rien à attendre de la vie.
Le rythme du roman est lent comme la vie qui s'écoule d'un sablier et dont il ne reste que les derniers grains de sable, un rythme un peu trop lent à mon goût.
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Merci aux éditions Noir sur Blanc et à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération « Masse critique ».

Je connaissais déjà Sam Savage grâce à Firmin, paru aux éditions Actes Sud en 2009 et je peux vous dire que j'étais impatiente de me lancer dans le dernier roman traduit en français de cet auteur qui a peu publié finalement alors qu'il est déjà âgé de 76 ans.

J'étais impatiente de rencontrer Harold Nivenson. Et bien, je n'ai pas été déçue du voyage ! Laissez-moi vous le présenter … C'est un vieil homme malade, aigri, qui vit en reclus dans sa villa en ruine. Il se sait en fin de vie et affronte les journées et les nuits interminables, coincé entre une fenêtre, son fauteuil et son lit. L'âge lui a apporté la sagesse. Il se met donc à philosopher car, de l'intelligence, de l'esprit et des neurones, il en a encore beaucoup ! Il revisite son passé et porte un regard critique et sans concession sur sa vie de bohême. Cela ne l'empêche pas, au quotidien, d'être ignoble avec sa famille et sarcastique avec le reste du monde.

Ennuyeux, déprimant, sans intérêt, me direz-vous ? Et bien pas dutout parce que Sam Savage est un virtuose de l'écriture. La construction du roman et le style m'ont totalement bluffée.
Sam Savage réussit le tour de force de donner une épaisseur psychologique incroyable à Harold Nivenson avec peu de mots et un récit en « je ». L'auteur calque le rythme du récit sur le rythme des pensées d'Harold Nivenson. Et comme lorsqu'une personne âgée raconte sa vie, il faut savoir lire entre les lignes, apprécier les silences, chercher les sous-entendus et retenir son souffle quand les confidences arrivent.

Grâce au génie de Sam Savage, j'ai très vite ressenti de l'empathie pour Harold Nivenson, j'ai fini par le trouver touchant. Il y a dans ce livre quelque chose de déchirant, d'inéluctable et d'universel car, comme le disait Jacques Brel dans sa merveilleuse chanson « Les vieux » : « que l'on vive à Paris, on vit tous en province quand on vit trop longtemps ».

Je ne vous cache pas que c'est un livre à part. Si vous cherchez un roman à la construction classique et au suspense insoutenable, vous serez forcément déçu. Mais si vous prenez le temps de vous arrêter sur les métaphores, les réflexions philosophiques, si vous avez une pensée pour une personne âgée de votre entourage, vous vous rendrez compte à quel point le regard de Savage sur la vie et la société est juste.

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Je remercie les Editions Noir sur Blanc de m'avoir envoyé ce petit roman sur la suggestion de Masse critique de Babelio.
N'ayant encore rien lu de cet auteur, un américain de soixante-dix sept ans qui a obtenu un doctorat en philosophie à l'université de Yale, j'ai abordé ma lecture sans à priori aucun.
Cet écrit regorge de réflexions philosophiques qui m'ont fait penser au courant littéraire du confessionnalisme dont le poète américain John Berryman (1914-1972) fut l'un des fondateurs.
Page 131 une citation de Nietzsche : « le caractère de l'ensemble du monde est de toute éternité celui du chaos » inspire à l'auteur cette réflexion « une conséquence de l'échec de cette énorme histoire ». Je n'ai pas compris grand-chose mais cela doit être bien.
Revenons au roman. Il est centré autour d'un homme, Harold Nivenson, au déclin de son existence. Il regarde en arrière et cherche à comprendre. Il se raconte. Il commence par détailler son environnement actuel : son chien, Roy (important, le chien : un vrai philosophe celui-là !), récemment disparu, sa maison vieille et décrépie, son quartier branché, ses voisins dont la professeure Enid Diamond, Moll, sa femme ou sa dame de compagnie (je ne suis pas arrivée à le savoir), Sydney, son fils de quarante ans, surnommé Alfie, Janine, sa troisième épouse, la mère d'Alfie. Il explique qu'il vit seul, entouré de la collection de tableaux qu'il s'est constitué au fil du temps. Il explique son enfance douloureuse, martyrisé qu'il fut par son frère et sa soeur sous l'oeil indifférent de leurs parents. Les parents ont disparu leur laissant une petite fortune qui lui a permis de ne pas travailler. Il se considère comme un éternel grincheux qui, de façon délibérée et perverse, refuse de voir le bien dans quoi que ce soit qu'il n'ait pas personnellement inventé. A l'Université où il fait des conférences, il est quasi considéré comme un spécialiste de l'Histoire de l'Art.
C'est assez déprimant mais bien écrit dans l'ensemble.
Très dans la ligne des hippies des années 70, il a ouvert grand sa maison à toute une flopée de parasites qui tournent autour d'un peintre qui a du succès en peignant inlassablement la même femme dans un décor différent : Peter Meininger. Le peintre est parti mais il lui a laissé un tableau : « le nu sur un transat » qu'il compare à l'image de l'Olympia de Manet.
Harold Nivenson est hanté par le suicide et en lisant ces pages, on comprend pourquoi.
Un livre à lire et à relire pour en méditer certains traits.
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