Je connais l'auteur grâce à son premier roman paru en 1994,
La secte des égoïstes. J'avais aimé son style franc, son regard sincère, dénué d'artifices. J'avais trouvé ce premier livre doté d'un humour particulier qui m'avait vraiment convaincue.
C'est donc bien des années après ma rencontre avec l'auteur que je le redécouvre dans son dernier livre,
La vengeance du pardon.
Les quatre histoires présentées dans cet ouvrage gravitent toutes autour d'un seul et unique thème : le pardon.
J'ai trouvé que, dans chaque nouvelle, l'auteur a su articuler ce thème de façon très différente. En effet, au fil des quatre destins, nous ressentons la subtilité, la complexité et l'arc-en-ciel émotionnel du concept même du pardon. Tantôt la vengeance, bouillonnante et brutale, prend le pas sur la raison, tantôt la compassion et l'empathie redonnent de la lumière aux pires cauchemars.
Avec des thèmes délicats, dérangeants et pathétiques,
Eric-Emmanuel Schmitt nous entraîne dans les tréfonds de la psychologie humaine quand celle-ci est à jamais alourdie par le poids de la culpabilité et du passé. Les formules grinçantes, les faits révoltants, tout est mis en oeuvre, je pense, pour nous permettre de ressentir de profonds sentiments.
Dans la première histoire, deux soeurs jumelles tentent de s'apprivoiser après la séparation de leur enfance. Une tente de se rapprocher de son âme-soeur, transie d'amour fraternel, tandis que l'autre, la « mal-aimée », dévorée par la haine et la jalousie, tente de s'en éloigner à tout jamais. Un incident impardonnable liera les deux soeurs à leur destin respectif : le pardon pour l'une, la rancoeur pour l'autre. L'issue, aussi fatale que prévisible, nous donne le ton du reste du roman.
La deuxième histoire est sûrement une de mes préférées. Un jeune homme, en vacances dans les Alpes avec sa bande d'amis, rencontre une jeune femme à l'esprit simple et finit par coucher avec. Alors qu'il se retrouve lié à elle pour toujours, il retourne vivre seul à Paris et hérite de la puissante entreprise de son oncle. Malgré sa richesse, son confort matériel, son parcours prestigieux, le sort semble le rattraper jusqu'à sa luxueuse demeure.
Des années après, alors que son fils précipite la chute de ses affaires, il n'aura plus d'autre choix que se retourner vers son passé.
Bien que l'histoire en elle-même soit assez superficielle (argent, luxe, business…), l'émotion qui en transpire est palpable, bouleversante.
Après la fatalité de la première, une nouvelle nuance du pardon émerge : le remord, humble et juste.
La troisième histoire est également celle que j'ai préférée. Beaucoup plus sordide que les autres, nous rencontrons une femme ayant perdu sa fille, violée et assassinée par un tueur en série.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, elle décide de rentrer en contact avec le tueur de sa fille, de lui parler, de comprendre, de l'apprivoiser…
En fait, en lisant cette nouvelle, nous nous rendons compte de la logique, de la « normalité » de cette démarche douloureuse. Avec du recul et beaucoup de philosophie, l'auteur nous place dans une posture délicate : nous apprenons, en même temps que la protagoniste principale, a comprendre le tueur… et à lui offrir notre pardon. Arriver à une telle prouesse relève d'un art littéraire indéniable. La fin, spectaculaire, grandiose, remet tout à sa place.
La dernière histoire en reprend une autre que j'apprécie particulièrement, celle du Petit Prince.
Une petite fille tente « d'apprivoiser » un vieil aviateur de guerre à la retraite, cachant un lourd secret… J'ai aimé la sensibilité de celle-ci, vraiment plus douce que les trois autres.
La vengeance du pardon, avec quatre puissantes histoires, redonne espoir en la capacité de pardonner. Avec un style à la fois simple et percutant, l'auteur a encore une fois sondé la psychologie humaine avec une grande finesse.