Ce petit livre de
Youssef Seddik, composé de trois textes, renvoie dos à dos une partie de l'Occident à une autre partie de l'Orient. Grâce à son érudition et son impressionnante culture hellénistique, ce « penseur d'islam », comme il aime à le rappeler, interroge moins l'identité « Arabe » que les représentations qu'elle fait surgir de la civilisation occidentale; « Qu'est-ce qui fait, nous dit-il, (…) que notre culture et notre être même restent perçus de la manière la plus réductrice - au mieux celle de l'exotisme tout juste « curieux », au pire celle du barbare malfaisant ? » C'est à cette question qu'il va tenter d'apporter des éléments de réponse. Mais, il ne faudrait pas croire, hâtivement, qu'il compte faire de l'Occident le motif du déclin de l'empire Ottoman. D'ailleurs, il montre à travers deux figures de l'islam médiéval,
Al-Ghazali (1058-1111), « L'incohérence des philosophes », et Averroès (1126-1198), « L'Incohérence de l'incohérence » - une critique de l'ouvrage du premier -, que la pensée arabe est enlisée dans une querelle avec d'un côté la foi et de l'autre la raison.
Dans cet opuscule, il commence par faire l'éloge de la langue arabe; cette langue dont une seule lettre recouvre tant de significations. Et puis viennent les regrets d'un Occident qui n'a su lui ouvrir ses bras, et ne voir autre chose que l'étranger qu'il est et qu'il restera: « J'ai beau connaître vos
Ovide et vos
Baudelaire, vos
Shakespeare et vos
Sénèque, votre savoir à vous ne m'a pas accueilli. Il m'a, au contraire, à chaque instant repoussé, soit vers de froides de terres où je ne me reconnaissais qu'en changeant de peau, négociant un blanchissement de ce que je suis, soit vers des banlieues où se traite ma culture d'Arabe comme on traite une matière dont le droit de cité dans l'universalité serait si peu recommandable qu'il est indispensable de la déporter dans les vagues régions de l'islamologie et de l'orientalisme. »
Mais
Youssef Seddik n'est pas un pessismiste. C'est même un visionnaire.
« … j'ai, dit-il, un rêve ! Qu'un jour les institutions de pouvoir, de savoir et de garde devant les temples où s'entassent les sarcophages du sacré, nous laissent travailler, à défaut de nous en donner les moyens, en nous croyant sur parole quand nous leur disons que le sacré est notre honneur à nous aussi, et que la pensée qu'on dit profane sait ne pas être profanatrice. »
Puisse le rêve de ce penseur érudit et éclairant se réaliser un jour !