Ce fut pour moi une rencontre fondamentale. Je ne connaissais
Semprun que de nom, mais le résumé m'a interressé lorsque j'ai découvert ce bouquin abandonné sur le sol d'une boîte à livres.
Dans un premier temps, ce récit admirable de la captivité à Buchenwald m'a fait pensé à celle d'un autre génie littéraire détenu d'Auschwitz. Il est d'ailleurs question de cet autre,
Primo Levi, et nous pouvons constater les deux modes différents et similaires d'adaptation à cette expérience de la mort.
Semprun est avant tout un lettré. le texte est parsemé de citations, en français, espagnol, allemand ou italien, et de références. Il s'entretient par ailleurs avec Halbwachs lui aussi prisonnier, ou encore Maspero.
Semprun est un résistant fils d'un représentant de la IIe République Espagnole, il a connu cette guerre immonde lorsqu'elle a commencé en 1936. Membre de la MOI, mais aussi d'un réseau lié aux services britanniques il prend part à la résistance interne du camp.
Pour autant, ce texte n'est pas centré sur l'expérience concentrationnaire. Il parle de la survie, de l'existence au-delà de la mort. Il parle de l'effort qu'il doit faire pour oublier, oublié pour pouvoir vivre.
Mais on oubli pas aussi facilement cette expérience de la mort et elle revient. Il aurait voulu écrire dès 1945, mais il n'y parvint pas. Finalement, c'est des années plus tard qu'il recommence à travailler sur la mort, parceque les dates et les souvenirs ne peuvent pas continuellement être contenues. N'a jamais fini de lutter, dans la Madrid franquiste, il anime un réseau communiste clandestin lorsque ça lui revient.
Finalement, c'est en premier lieu par la littérature qu'il réussi à appréhender ses souvenirs, à les domestiquent, à fair la paix avec lui-même, ce lui qu'il aurait voulu laisser au camp, là où les oiseaux ne chantent pas.
L'écriture de ce texte est admirable. Il y a cette érudition qui tissé des passerelles entre lui et nous, des parcelles de normalité dans une situation qui n'a rien de normale. Il y a aussi de constants rappels de passages passés. C'est la mémoire qui écrit, et je regrette de ne pas avoir connu ce livre lorsque je travaillais sur mon mémoire en didactique du l'histoire.c'est comme cela que fonctionne la mémoire la des passerelles et des comparaison qui fabrique du sens.
J'ai fini de lire dans le métro qui me conduisait à l'admirable expo sur
Giono, au Mucem. Celle-ci débute par un passage sur la première guerre mondiale. le lien entre les expériences de la mort de ces deux grands auteurs m'a frappé en plein coeur. Dans les deux cas, c'est l'écriture qui les a sauvés. Quelques jours après avoir fini le livre, alors que je n'en avais jamais entendu parler, j'ai été surpris par un auteur invité de France culture qui y faisait référence. Parfois, il y a des hasards.
Je vous conseille cette lecture.