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sur 879 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce fut pour moi une rencontre fondamentale. Je ne connaissais Semprun que de nom, mais le résumé m'a interressé lorsque j'ai découvert ce bouquin abandonné sur le sol d'une boîte à livres.
Dans un premier temps, ce récit admirable de la captivité à Buchenwald m'a fait pensé à celle d'un autre génie littéraire détenu d'Auschwitz. Il est d'ailleurs question de cet autre, Primo Levi, et nous pouvons constater les deux modes différents et similaires d'adaptation à cette expérience de la mort.
Semprun est avant tout un lettré. le texte est parsemé de citations, en français, espagnol, allemand ou italien, et de références. Il s'entretient par ailleurs avec Halbwachs lui aussi prisonnier, ou encore Maspero.
Semprun est un résistant fils d'un représentant de la IIe République Espagnole, il a connu cette guerre immonde lorsqu'elle a commencé en 1936. Membre de la MOI, mais aussi d'un réseau lié aux services britanniques il prend part à la résistance interne du camp.
Pour autant, ce texte n'est pas centré sur l'expérience concentrationnaire. Il parle de la survie, de l'existence au-delà de la mort. Il parle de l'effort qu'il doit faire pour oublier, oublié pour pouvoir vivre.
Mais on oubli pas aussi facilement cette expérience de la mort et elle revient. Il aurait voulu écrire dès 1945, mais il n'y parvint pas. Finalement, c'est des années plus tard qu'il recommence à travailler sur la mort, parceque les dates et les souvenirs ne peuvent pas continuellement être contenues. N'a jamais fini de lutter, dans la Madrid franquiste, il anime un réseau communiste clandestin lorsque ça lui revient.
Finalement, c'est en premier lieu par la littérature qu'il réussi à appréhender ses souvenirs, à les domestiquent, à fair la paix avec lui-même, ce lui qu'il aurait voulu laisser au camp, là où les oiseaux ne chantent pas.
L'écriture de ce texte est admirable. Il y a cette érudition qui tissé des passerelles entre lui et nous, des parcelles de normalité dans une situation qui n'a rien de normale. Il y a aussi de constants rappels de passages passés. C'est la mémoire qui écrit, et je regrette de ne pas avoir connu ce livre lorsque je travaillais sur mon mémoire en didactique du l'histoire.c'est comme cela que fonctionne la mémoire la des passerelles et des comparaison qui fabrique du sens.
J'ai fini de lire dans le métro qui me conduisait à l'admirable expo sur Giono, au Mucem. Celle-ci débute par un passage sur la première guerre mondiale. le lien entre les expériences de la mort de ces deux grands auteurs m'a frappé en plein coeur. Dans les deux cas, c'est l'écriture qui les a sauvés. Quelques jours après avoir fini le livre, alors que je n'en avais jamais entendu parler, j'ai été surpris par un auteur invité de France culture qui y faisait référence. Parfois, il y a des hasards.
Je vous conseille cette lecture.
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Un très grand, un très beau, un magnifique livre. Sur un sujet difficile, presque impossible ou d'autres avec talent et même génie (Primo Levi, Buber Neumann et tant d'autres) avaient écrit des pages poignantes, le jeune et génial Jorge Semprun écrit dans un français éblouissant, dans un style inouï un sommet de la littérature. Maniant l'élipse comme le grand cinéaste Angelopoulos le plan séquence ("L'étérnité et un jour"), Jorge Semprun nous conduit dans un voyage improbable à la fois si proche et si lointain, celui du Paris d'avant guerre et de ses cafés littéraires, celui des élites intellectuelles, celui de la soif de vivre d'une jeunesse insouciante, puis celle de l'incommunicabilité de l'indescriptible. Comment parler de Buchenwald (je n'ose même pas rappeler que dans l'indicible horreur, Buchenwald diffère d'Auschwitz, les camps de concentration et de la mort des camps d'extermination).

Jorge Semprun conjugue une langue d'une beauté qui est celle des français d'adoption nourris aux grands textes avec un sens de la narration quasi cinématographique: la description de son meurtre d'un jeune soldat allemand et sa mise en abyme avec cette chanson "la Paloma" qui longtemps le hantera comme une ritournelle au sens à jamais modifié est d'une puissance extraordinaire...

Un livre que m'a recommandé une amie psychanalyste et qui est un livre puissant, beau, intelligent, un hymne à la vie.
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Dans « le Grand Voyage »,Jorge Semprun ignore comment raconter la déportation, son voyage dans l'impensable….car il en est revenu et il le sait il va devoir raconter…..mais pas tout de suite, d'abord oublier puis se souvenir.
20 ans plus tard, il nous propose une oeuvre dense, bouleversante, attachante.
Pour arriver à ce résultat, il a dû résister aux puissants démons du souvenir qui le ramenaient directement à la mort, à cette mort si présente dans les camps et qui l'oublia alors. Primo Levi n'a pu y résister.
Revenant systématiquement à la ville de Weimar, voisine de Buchenwald, et à Goethe qui y habitait, il nous fait voyager dans l'Europe d'après-guerre pour nous faire partager ses joies, ses découvertes et ses incertitudes.
Un grand moment de lecture. Lecture suivant de près « le grand voyage », ce que je conseille.
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Un chef d'oeuvre !
Jorge Semprun fuit l'Espagne avec sa famille lors de la victoire de Franco. Il vit à La Haye puis à Paris où il devient résistant communiste pendant la guerre. En 1943 il est arrêté et déporté à Buchenwald, où se sont infiltrés des communistes allemands, ce qui lui permet d'y occuper une fonction administrative et de rencontrer d'autres intellectuels, comme le sociologue Maurice Halbwachs, qui parviennent à se voir clandestinement .
La première partie du livre a pour fil conducteur les quelques jours d'avril 1945, que Semprun, libéré, a encore passés à Buchenwald avant d'être ramené en France. Mais il se souvient mal de ces jours-là. Il évoque quelques souvenirs, qui chaque fois le ramènent à des épisodes de sa vie dans le camp. Il se dit qu'une fois rentré , il se libèrera de tous les cauchemars vécus en les couchant sur papier. Rien n'est plus faux. Il se rend compte bien vite qu'écrire, c'est « revivre sa mort », une fois de plus. Il doit choisir entre l'écriture et la vie et choisit cette dernière.
Commence alors le récit de son existence « normale » d'intellectuel, récit rempli de références à ses contacts avec ceux qu'il a côtoyés au camp, avec les poètes et écrivains dont il avait pu emporter les oeuvres là-bas. Jusqu'au jour où , un peu malgré lui, il accepte de retourner à Buchenwald pour un reportage. Torture morale pour lui ? Que du contraire, c'est là qu'il se libère vraiment de ses souvenirs et qu'il se dit que la vie qui s'offre encore à lui vaudra la peine d'être vécue. Il entame alors la rédaction du « Grand voyage »
La lecture de ce livre-ci n'est pas toujours facile, quand Semprun parle de tous ces intellectuels parfois peu connus, mais il écrit tellement bien, dans un style précis qui coule véritablement, avec de nombreux rappels qui rendent ses propos clairs pour le lecteur, qui en oublie l'austérité.
Notons encore que Semprun a écrit ce livre, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, en français.
Après la guerre, il s'est lancé dans le combat communiste mais il a vite compris la nature du stalinisme et s'est fait exclure du parti. En fin du bouquin, quand il parle des « deux totalitarismes du XXème siècle, le nazisme et le bolchévisme », il ajoute entre parenthèses : « l'intégrisme islamique accomplira les ravages les plus massifs si nous n'y opposons pas une politique de réforme et de justice planétaires au XXIème »
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Si la précédente lecture de Kinderzimmer de Valentine Goby fut pour moi un véritable choc , renversant mes à-prioris concernant les limites à imposer à l'oeuvre fictionnelle , je ne me doutais point encore qu'elle me conduirait à poursuivre le travail de démolition de mes murs de défense .
Et donc me voilà de retour de la librairie , "L'écriture ou la vie " en poche .
L'écriture ou la vie ....
A-t-on jamais imaginé un tel dilemne ?Car , à contrario , il est bien entendu que toute formes artistiques , écriture associée proposent des chemins salvateurs et inscrivent dès lors, dans la mémoire collective ,les grands douleurs de l'humanité par la transcendance, qui permet de se confronter à l'impossible , l'indicible , l'inimaginable , le mal absolu .Chemins classiques de résilience .
Pour Jorge Semprun il en sera autrement ." Il me fallait choisir entre l'écriture ou la vie , j'avais choisi celle-ci.J'avais choisi une longue cure d'aphasie, d'amnésie délibérée pour survivre."
Rescapé de Buchenwald , il lui faudra attendre 40 ans pour pouvoir raconter .Rescapé ? Revenant plutôt avec "La sensation , en tous cas , soudaine , très forte , de ne pas avoir échappé à la mort mais de l'avoir traversée.D'avoir été , plutôt traversé par elle .De l'avoir vécue en quelque sorte .D'en être revenu comme on revient d'un voyage qui vous a transformé : transfiguré, peut-être ."
Alors oui , puisque il faut bien vivre , puisque la sève du jeune homme revenu , revenant , le propulse dans le corps des femmes , puisque ce regard étrange du revenant lui confère un pouvoir de séduction ( merci Buchenwald ? ) , puisque se joue autour de lui la comédie humaine et qu'il faut bien trouver une place dans ce décor , puisqu'il est Jorge Semprun intellectuel engagé , il se laisse désormais traverser (après la mort ) par la vie , avec son cortège de plaisirs , de cauchemars , de brusques résurgences du passé non convoquées , de sensations beaucoup , de nourritures intellectuelles beaucoup , de doutes , de tentatives et de renoncements , du questionnement lancinant du "comment dire l'indicible , témoigner de "l'expérience du mal absolu" .
Chacun son chemin . Avec ses outils à lui , l'intellectuel insatiable , l'homme de terrain engagé pour des convictions plus humanitaires que politiques finalement , avec sa liberté revendiquée d'apatride , avec aussi et surtout une source émotionnelle volcanique ,avec forte introspection et capacité de saisir les synchronicités, L'écriture ou la vie naîtra .
Non pas un simple témoignage , non pas une fiction protectrice , non pas non plus un devoir de mémoire .
Juste l'histoire d'une vie , avec Buchenwald et le linceul en cadeau mais aussi Buchenwald et la fraternité dans les latrines , Buchenwald et la musicalité des poèmes d'Aragon ou de René Char , Buchenwald et ses fours crématoires , fumées d'horreur s'élevant dans le ciel avec le chant du kaddish ou de la Paloma , Buchenwald avec les copains et Nietzsche , Goethe , Kafka et Faulkner, Malraux, présents à L"Appell" pour aider à survivre et jouir du plaisir dans la fraternité .
Toute une vie durant Jorge Semprun a cherché sa voie pour revenir parmi les vivants , elle finit pas s'imposer à lui , unique , surprenante , tissée par les détours de sa mémoire émotionnelle et de son bagage intellectuel dans un récit balayant tout forme chronologique car issu des lambeaux fragmentaires des souvenirs choisis par l'inconscient .
Et il est revenu , plus vivant encore avec cet inclassable ouvrage témoignage de la douleur de son incapacité à traduire "su vivencia"(intraduisible en français ) d'avoir été traversée par la mort , d'avoir retrouvé sa place parmi les vivants , d'avoir ressenti l'immortalité des années durant puisque on ne meurt qu'une fois ,d'avoir fait appel au plaisir intellectuel et surtout de la conviction que "La fraternité n'est pas seulement une donnée du réel .Elle est aussi , surtout , un besoin de l'âme : un continent à découvrir , à inventer .Une fiction pertinente et chaleureuse ."
.....................
La quatrième de couverture pour une fois dit vrai : Jorge Semprun a composé une oeuvre d'art . Transcendance suprême .
De mon droit d'affirmer sans sentiment d'indécence que j'ai adoré cette lecture , que j'ai eu un plaisir foudroyant à traverser ces pages .
Merci à Valentine Goby qui m'a amenée à Semprun ( belle preuve de fraternité intemporelle ) par son talent fictionnel exceptionnel . Car comme il écrit très justement : "Il restera les livres , les romans de préférence .Les récit littéraires , du moins qui dépasseront le simple témoignage, qui donneront à imaginer , même s'ils ne donnent pas à voir ..."
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Encore de la littérature de camp de concentration?

Non pas vraiment, c'est un récit autour de l'impact / du rôle que joue l'ecriture dans la vie de Semprun. Et le titre est un résumé de sa situation. Pendant une dizaine d'année à son retour de Buchenwald, il ne pourra pas écrire son expérience car l'écriture le ramène / amène à la mort.

C'est un livre puissant. Ce n'est pas du pathos. L'auteur livre ses doutes, ses sentiments. C'est parfois poétique avec des symboliques puissantes comme la neige qui confond / rappelle les cendres. Il fait des aller retour dans sa vie de communiste, d'apatride, d'étudiant en littérature. Il revient sur des rencontres, des textes qui lui ont donné de la force.

Il parle de son expérience de la mort qui ne peut pas être vraiment vécue. Mais pour les revenants des camps de concentration a été un quotidien, une sorte de compagne permanente.
Lien : http://kezakooslo.blogspirit..
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Épatant, comment peut-on raconter d’une manière aussi poignante sa propre mort ? son retour à la vie ? Jorge Semprun nous emmène dans la réalité qu’il a connue, dans ses souvenirs, dans ses difficultés. Il veut nous faire partager notamment sa difficulté à écrire et à dire aussi, dire ce qu’il a vécu. Comment raconter ces horreurs ? Il le fait admirablement, mêlant son récit d’analepse, de prolepses et notamment d’une admirable inclusion qui court sur presque tout le récit.
« Comment raconter une vérité peu crédible, comment susciter l’imagination de l’inimaginable, si ce n’est en élaborant, en travaillant la réalité, en la mettant en perspective ? » p.166
On ne décroche pas des 400 pages du récit. Bleffant.

J’ai beaucoup aimé cette autobiographie, parfois limpide, parfois difficile, à chaque page étonnante. Il a trouvé je crois par son style et tous ces détails qu’il nous livre, une manière très juste de nous faire comprendre autant que possible ce qu’il vécu.
Lien : https://lirechretien.fr/2016..
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Dans L'écriture ou la vie, Jorge Semprun part d'évènements relatifs à son emprisonnement à Buchenwald et à la libération du camp, et déroule à partir de là l'histoire de sa vie. D'avant et d'après. Espagnol, il a fuit son pays en compagnie de ses parents pour trouver refuge en France. Étudiant en philosophie, il raconte ses rencontres avec les intellectuels de l'époque, les discussions dans le camps et la bibliothèque.

Peu à peu, au fil de ma lecture, j'ai compris le titre. J'ai compris que ce récit, cette expérience, Jorge Semprun n'a pu l'écrire qu'après un long processus qui m'a fait pensé à la résilience. Tant qu'il revivait intensément ce qu'il avait vécu là-bas, seule la mort pouvait ressortir dans son écrit.

Jorge Semprun s'éloigne progressivement donc de son expérience des camps pour nous plonger dans l'expérience de l'écriture. Car ce récit est multiple et aborde diverses thématiques : la notion de patrie et de "ra-patriement", l'expérience des camps évidemment, la philosophie et la poésie, l'amour...

Le tout est servi par une plume que j'ose qualifier de magnifique. Semprun témoigne de son talent littéraire. S'il utilise la répétition, c'est pour bien faire entendre au lecteur combien tel événement ou telle réflexion l'a puissamment marqué. L'ensemble est sobre et lyrique en même temps. Majestueux et poétique. Émouvant et réservé.

Peut-être ai-je fait l'erreur de débuter par cet ouvrage de Jorge Semprun dans lequel il évoque à plusieurs reprises d'autres écrits, notamment le grand voyage évoqué à de nombreuses reprises, mais je n'ai au final conservé aucune frustration de ne pas saisir l'ensemble des références qu'il évoquait. Je sais désormais que je poursuivrai ma lecture de ce grand écrivain et conserve de cette première rencontre un sentiment de puissance littéraire rare.
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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quel livre! On ne peut sortir indemne d'une telle lecture...J'ai été bouleversée par cette lecture...Il se récitait des poemes appris avant la guerre pour tenir dans cet enfer qu'ont été les camps de la mort....
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On a là un roman, est-ce vraiment le bon terme, traitant de la déportation d'une façon différente de ce qu'on voit d'habitude. On a droit à quelques anecdotes de la vie dans le camps de Buchenwald, mais l'auteur nous offre surtout au fil du livre sa réflexion liée à ce récit, même entre-liée pourrait-on dire. C'est là que les choses sont vraiment intéressantes, et c'est cette prise de recul et ce lien entre les événements, le vécu et ce que cela peut évoquer intellectuellement à l'auteur qui va être délicieux.
L'auteur va ainsi nous faire découvrir la vie littéraire de l'époque, et nous allons parcourir avec lui des parties de sa vie. L'alternance entre les récits de moments de vie et les réflexions personnelles aide à rendre le tout agréable et entraînant.
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