Jorge Semprun, jeune intellectuel espagnol vivant à Paris, est déporté à Buchenwald en 1943 pour faits de résistance. Il raconte l'horreur des camps mais surtout l'après. Comment revivre après être revenu d'entre les morts ? Dans un style soutenu et dense, il tente de décrire l'indicible dans tout ce qu'il a de charnel. Des émotions inédites à la hauteur de la dantesque extermination à laquelle il a survécu.
Pour l'auteur, témoigner c'est un peu mourir à nouveau. C'est retrouver ses compagnons d'infortune et pourtant cela reste un impératif moral car oublier son vécu si horrible soit il c'est prendre le risque de se nier soi même.
Et pourtant
Jorge Semprun répond tout au long de son oeuvre à la réponse qu'il se pose : pour vivre il écrit même s'il pensa le contraire pendant des années. Il meurt symboliquement à nouveau se plongeant dans la noirceur la plus opaque de l'âme humaine pour se sauver enfin, définitivement.
Découvert au collège en même temps que
Primo Levi, j'ai été bouleversée par le témoignage de
Jorge Semprun. Il touche à l'essence même de l'acte d'écriture : c'est aussi donner un peu de son âme au monde et peu en sorte indemne quelque soit les traumatismes partagés.
“Un jour viendra relativement proche, où il ne restera plus aucun survivant de Buchenwald : plus personne ne saurait dire avec des mots venus de la mémoire charnelle, et non d'une reconstitution théorique, ce qu'auront été la faim, le sommeil, l'angoisse, la présence aveuglante du Mal absolu (...) Plus personne n'aurait dans son âme et son cerveau, indélébile, l'odeur de chair brûlée des fours crématoires.”