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4,27

sur 879 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le hasard ( ?) a voulu que j'enchaine la lecture du livre d'André Comte Sponville sur le matérialisme et ce livre de Semprun. Un violent contraste dont le professeur de philosophie mondain ne sort pas vainqueur, enfin c'est un autre débat.

Mais il se trouve que dans son livre ACS à propos de Marcel Conche met en avant l'interrogation « peut-on philosopher après Auschwitz ? ».

C'est précisément le fil d'Ariane le livre de Jorge Semprun, plus précisément « comment vivre après Auschwitz ? » et il s'agit d'une interrogation existentielle pas d'une posture académique.

On rappellera que l'auteur résistant à 17 ans fut arrêté et déporté à Buchenwald en 1943 et ne dut son salut qu'au réseau des communistes internés qui de facto gérait des services stratégiques dans le camp.
Et tous ces instants où sa vie aurait pu s'arrêter, tous ces instants comme pétrifiés dans la destinée où le moindre grain de sable du sablier pèse trois tonnes.

A son arrivée au camp où il déclare être étudiant en philosophie et son interlocuteur lui sauve la vie en l'enregistrant sous une profession productive non sans avoir insisté, en vain, pour que de lui même Semprun modifie sa déclaration.
Ou cette scêne irréelle, racontée dans « un beau dimanche », dans laquelle le SS abaisse son arme parce que Semprun explique en allemand qu'il s'est écarté du chemin autorisé pour se recueillir auprès de l'arbre de Goethe (qui était effectivement dans le camp mais ce n'était pas celui-ci…).

Une promiscuité avec la mort qui l'accompagne, ombre contre laquelle même le Faust de Goethe n'aurait pu échapper.
Et puis la libération, acquise les armes à la main avant l'arrivée des soldats américains et ce face à face avec les libérateurs avec la terreur dans le regard de l'autre qui lui persuade qu'il n'est pas un rescapé. Il a échappé à la mort mais il est en fait un revenant. le regard de ses libérateurs notamment de ce jeune officier français, le précipite dans cette malédiction.

Cette malédiction se double d'une autre encore plus terrible l'impossibilité de raconter et d'écrire cette terrible vérité

« le mal n'est pas l'inhumain bien sur….ou alors c'est l'inhumain chez l'homme (…) il est donc dérisoire de s'opposer au Mal, d'en prendre ses distances, par une simple référence à l'humain, à l'espèce humaine… »

Impossible de raconter que la tradition philosophique, apprise au lycée Henri IV en classe d'école normale, où l'esprit domine le corps fait naufrage sous la torture où le corps devient un abominable étranger, un « alien », quand le corps au supplice de la faim vit sa propre vie avec ses exigences si loin de l'être.
Ce corps étranger quand on a 18 ans, qui devrait être flamboyant le transport de tous les embrasements et qui trahit. Semprun a connu la vitalité sensuelle naissante racontée dans son livre « Adieu vive clarté »
L'écriture ou la vie….ce sera pendant quinze ans le silence…les mots rappellent les abominations, les démons, les mots qui furent fatals à Primo Lévi.
Ne pas écrire, ne pas parler, reste le regard qui effraie ou capture celui de certaines femmes. On frémit alors, ce regard « coupable » d'avoir vu le Mal, la condition humaine dans l'univers dantesque des latrines du camp, ou des malades contaminés, derniers refuges pour survivre à l'abri des kapos des gardes ; ce regard, pourrait être fermé à jamais comme celui d'Oedipe

Il fallait aussi vivre ce terrible tropisme envers le camp :

« Une peur abominable m'étreignait malgré la certitude déchirante de sa beauté. Toute cette vie n'était qu'un rêve, n'était qu'un e illusion .J'avais beau effleuré le corps d'Odile, la courbe de sa hanche, la grâce de sa nuque ce n'était qu'un rêve. (…) Tout était u rêve depuis que j'avais quitté Buchenwald, la forêt des hêtres sur l'Ettersberg, ultime réalité. » ;

Le combat de Semprun pour l'écriture, une résurrection :

« Je payais cette réussite, qui allait changer ma vie, par le retour des anciennes angoisses »

Ce libre de Semprun est un voyage au bout de nuit, une immersion dans la tragédie de la condition humaine mais c'est aussi un bouleversant hymne à l'écriture et à la vie.
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Si l'on veut comprendre pourquoi il ne faut pas toucher à la Shoah il faut lire l'oeuvre de Jorge Semprun . En peu de livres cet homme à su faire découvrir l'enfer de ce qu'a était cette vie qui n'en était plus une . Ce texte démontre bien combien certaines choses étaient cruciales pour ne pas sombrer . Il est difficile , voir méme impossible de parler de ce livre , alors je dirais juste : si vous devait lireun livre dans votre vie , que ce soit celui çi .
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Aujourd'hui, je critique une quinzaine d'années après lecture, les livres de mon île déserte (parait-il on en met 6, un dans chaque main, et 4 sur le dos). Je ne peux critiquer le fond et la forme, je n'ai plus guère de souvenirs..Je ne peux que crier mon amour.

Ce livre fut une...claque ! Une claque de pleurs, de devoir de mémoire, d'incompréhension de notre monde, de respect et de vénération pour M. Semprun, rien que ça...

Ce livre, cette expérience personnelle en camps de concentration puis, l'essai de reconstruction d'une vie (après la mort...ni plus ni moins, après l'Enfer) et tout ce qui essaiera de l'amener à l'écriture, parce que pendant une énorme partie de sa vie post prisonnier, il considère qu'en écrivant, il se remémore et se tue... d'où : l'écriture OU la vie.

Je frissonne rien qu'en me disant qu'il va falloir que je le relise, parce que M. Semprun, vous avez changé ma vie...
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Plongée dans une philosophie de vie que la mort s'amuse à instiller dans le quotidien de certaines de ses victimes se refusant à elle.

Horreur, malheur et décadence, Dante croise Kant et Goethe se remémore ses dialogues sur une certaine butte d'Ettersberg, cicatrice d'une printanière Thuringe d'autrefois.

Mourir de son vivant ou bien vivre malgré cette mort qui se veut compagne de nos jours?

Chapitres à suivre et découvrir avec autant de réflexions que vie et de soif de découvertes.
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La plupart des livres de Jorge Semprun ont un ancrage autobiographique évident. Même s'il change des noms, des lieux, des faits, même s'il ajoute un personnage ou en modifie des caractéristiques essentielles, il écrit sur lui, à partir de lui, et aussi... pour lui.

Pour vivre, pour exister.

Il le dit à plusieurs reprises dans L'Ecriture ou la Vie, il faut écrire pour être entendu, mais aussi la réalité doit être romancée pour être assimilée par le lecteur. D'ailleurs, il considère aussi que tous les écrits (sauf un, dont je ne me souviens plus du nom, de Serge Miller, je crois) ont été produits trop tôt après la Seconde Guerre mondiale pour être vraiment lus et assimilés.

Alors, Jorge Semprun nous raconte, sans en faire un roman cette fois, son parcours d'écriture pour vivre. Et ce ne fut pas évident. Pendant de longues années, il a souffert... souffert de se rappeler le passé pour être à même de l'écrire. Sentir compulsivement que les choses doivent être écrites mais souffrir en les extirpant de soi... le calvaire que Jorge Semprun nous fait partager. Il avoue même avoir plus de mal à vivre après Buchenwald que pendant Buchenwald... car tout est à reconstruire, à vivre, il faut se projeter dans le futur, alors qu'à Buchenwald, seul le présent importait.

Le lecteur est balloté au fil de ses réflexions. Mais ce qui pourrait être chaotique reste en fait très fluide. Semprun passe d'une année à une autre par association d'idées, d'un personnage à un autre, d'un événement à un lieu, et vice versa... le lecteur suit.

Cette plongée dans le processus de création (d'un livre, d'une oeuvre et d'un homme retrouvé) est fascinante. Cela m'a rappelé Imre Kertescz, surtout dans le Refus.

Semprun nous montre l'humanité de la guerre en général, et de Buchenwald en particulier. Car le mal est humain, n'en doutons pas.
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Un vrai chef d'oeuvre. Une brillante mise en abyme de littérature dans la littérature, l'auteur scrute le mal concentrationnaire à travers le miroir déformant de la poésie, tel Persée devant sa Gorgone.
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L'écriture ou la vie est un des meilleurs livres que j'ai lu de toute ma vie. Jorge Semprun reflète son passé à travers son écriture et son histoire avec une plume accrocheuse. C'est difficile de ne pas passer à travers ses pensées. On ressent ce qu'il vit à chaque page tourner et on se demande juste: comment a-t-il fait pour ne pas sombrer dans cette folie d'avoir échapper in extremis à la mort dans les camps et d'avoir vu tout ce qu'il a vu? On ne peut pas l'imaginer sans l'avoir vécu mais avec ce livre on se rapproche d'une des pires périodes de l'histoire et on se demande alors: comment pouvait-on vivre dans une telle société? Merci Jorge pour ce livre qui nous fait pleurer, qui ne nous laisse pas indifférent.
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La grande originalité de ce roman est qu'il ne s'attarde pas tant sur l'horreur des camps que sur la difficulté (l'impossibilité ?) de vivre lorsqu'on en est rescapé. le titre même tente de traduire cet amer constat : l'écriture ou la vie, faut-il le comprendre comme un choix à faire entre les deux (et alors l'écriture deviendrait synonyme de mort), ou considérer que la vie est un équivalent de l'écriture, dans la mesure où écrire l'indicible et l'horreur des camps permet peu à peu de reprendre vie ? Jorge Semprun se considère, pendant ces 400 pages, comme un revenant, qui n'est précisément pas tout à fait "revenu" des camps, où il a laissé sa jeunesse, ses illusions, ses souvenirs. Un récit bouleversant, à l'écriture épurée et sensible, où toute l'horreur transparaît dans la sobriété et la retenue. Non pas un énième livre sur la Shoah, mais un véritable témoignage, plein de pudeur, aussi touchant et marquant que celui de Primo Levi. Tout simplement magnifique.
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
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Il a fallu à l'auteur plus de quarante années avant de pouvoir écrire ce livre. Impossible, au sortir du camp de concentration de Buchenwald, de décrire la souffrance endurée, le deuil des amis n'ayant pas résisté à la faim, aux coups, à la maladie. Impossible de faire comprendre au monde comment la solidarité entre ces détenus, pour la plupart porteurs d'un idéal et précisément enfermés pour cela, a permis de se ménager des petits instants de bonheur : partager un mégot, monter un orchestre improvisé, jusqu'à des actes beaucoup plus risqués comme détourner des armes pour le jour, incertain, où l'on pourra se libérer. Ce jour tant attendu est enfin arrivé en avril 1945, c'est le début du roman, lorsque l'auteur se rend compte qu'il fait physiquement peur aux trois officiers en uniforme britannique se présentant à l'entrée du camp, trois soldats pourtant habitués aux scènes d'horreur vues sur les champs de bataille. Raconter l'indicible, l'auteur l'a tenté, puis y a rapidement renoncé, ne trouvant ni les mots ni le ton juste à adopter. Il préférera l'action, la vie, cette vie de militant apatride qui va l'amener à défendre des causes qu'il reniera par la suite, longtemps après, lorsque l'envers du décor, sordide, lui apparaîtra. Comme dans toute son oeuvre, Jorge Semprun ne raconte pas une histoire, mais plutôt son travail d'écriture autour de quelques faits saillants restés gravés dans sa mémoire ou resurgissant soudainement au détour d'une lecture, d'une rencontre. Une oeuvre en creux, faisant penser à un sculpteur qui n'aurait conservé que les moules de ses créations. Un roman passionnant, qu'il faut lire en prenant son temps, en suivant patiemment l'auteur là où il veut nous mener, ou nous égarer…
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J'ai quitté le système scolaire il y a trente ans et je ne me souviens pas avoir étudié en cours d'histoire les camps nazis. Je me souviens d'avoir appris les faits importants concernant la Seconde Guerre mondiale (la résistance, la collaboration, le régime de Vichy, Pétain, Laval et le général De Gaulle, les nombreuses batailles sur le territoire africain, le débarquement sur les côtes italiennes, les bombes atomiques…).Je pense qu'il y a trente ans, certains sujets étaient encore tabous.
Jorge Semprun a été déporté dans le camp de concentration de Buchenwald après son arrestation en septembre 1943. Sa famille avait fui après la guerre d'Espagne et avait trouvé refuge en France. Pour un temps. La Seconde Guerre mondiale a surgit et Semprun s'est engagé dans la résistance.
« L'écriture ou la vie » est un témoignage sur le retour difficile à une existence ordinaire et ordonnée. Jorge Semprun raconte le combat qu'il a mené pour redevenir un homme vivant, pour faire disparaître l'odeur de la mort, celle des latrines du Petit Camp, celle des fours crématoires. La vie dans les camps et la vie civile sont deux réalités d'une seule mémoire. Même si, secrètement, un semblant de vie culturelle subsistait grâce à la création dans le camp d'un ensemble de jazz. le camp de Buchenwald se trouvait dans la vallée de l'Ulm près de la ville de Weimar. le premier camp de concentration est construit en 1933 à Dachau. Celui de Buchenwald est entré en service en 1937. Il accueillait principalement des prisonniers politiques de toutes origines et, plus tard, des polonais.
Le camp de Buchenwald a été libéré en avril 1945. La première rencontre avec le monde extérieur passe par le regard de l'autre, rempli d'horreur. Cela fait des mois que Jorge Semprun ne voit pas son corps s'amaigrir, s'assécher. C'est un survivant, un revenant. Maurice Halbwachs et Henri Maspero tous deux professeurs universitaires n'ont pas eu cette chance. Jorge Semprun est en quarantaine dans le camp avant de rentrer en France. Il raconte les dimanches où certains d'entre eux se réunissaient auprès de ces deux hommes, le jazz, son rapport à Dieu. Son retour en France est décousue et hésitant. Il cherche à rendre son âme de nouveau habitable. Ses rapports et son intimité avec les femmes réveillaient en lui la mort qu'il voulait oublier. On devine sa solitude, sa douleur, ce travail de deuil, d'oubli. Cet ouvrage est pour Jorge Semprun un « exorcisme intime ». Après avoir oublié ce traumatisme pour pouvoir vivre, le désir de témoigner « redevenait appétissante ». Il choisit l'écriture et la vie afin de transformer le monde, d'en voir sa beauté. le monde redevient une réalité. J'ai aimé la forme et le style de l'ouvrage. J'ai préféré lire « L'écriture ou la vie » de Jorge Semprun avant d'entrer dans l'oeuvre de Primo Levi.
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