J'adore relire ce livre de temps en temps. L'idée qu'à l'origine, les auteurs voulaient réaliser un périple bien précis, très long. Et qu'au final, ils ne soient pas allés là où ils avaient initialement prévu d'aller.
J'ai mis des années à le comprendre, mais au final, il me semble que le vrai voyage, c'est vraiment cela. Ne pas se fixer un but précis. Aller au hasard des rencontres. Éviter les célèbres "incontournables" et autres "1000 lieux qu'il faut avoir vu dans sa vie". Découvrir petit à petit. Se laisser porter...
Et puis, il y a le style de Sepulveda. Entre farce, colère, et dérision. Farce lorsqu'il nous raconte ses pérégrinations dans Buenos Aires, afin de savoir où et comment acheter des billets pour le
Patagonia Express. Ses rencontres pleines d'humanité avec les personnes qu'il va être amené à croiser dans ce désert. El Tano, par exemple, artisan fabricant de violons, capable de marcher des heures à la recherche du morceau de bois dont il tirera un instrument. Coquito le lutin. Rase-mottes le gaucho qui ne fait qu'un avec son cheval. Martin Sheffields, capable de tromper les autorités scientifiques en leur faisant prendre une peau de vache pour les restes d'un animal préhistorique. Et bien d'autres.
Et il faut dire un mot des photos de
Daniel Mordzinski. Loin des clichés spectaculaires de la Patagonie. Pas de glaciers ici, pas de montagnes déchiquetées, pas de guanacos bondissants parmi les nandous. Je retiendrai les portraits de ces deux vieilles femmes solitaires: l'une pensive et autoritaire à la fois, à la porte de ce qui paraît être une cabane. le toit est de tôle ondulée. Une feuille bien floue au premier plan vient croiser son bras, appuyé sur une planche qui pourrait être un comptoir rudimentaire. Bref, ce qu'il ne faut pas faire en photo, selon les experts... L'autre file de la laine, souriante, au coin de la cheminée, sous les portraits sévères d'un homme et d'une femme engoncés dans des tenues très 19ème.