Polar sociétal réussi, Lost Lad London apporte ici la dernière touche à l'édifice lentement mis en place par
Shima Shinya tout au long de ces trois tomes d'une enquête pour meurtre assez classique mais sur un fond racial et familial très pertinent.
Coup de coeur lors du premier tome grâce à une science du découpage servant une ambiance de polar noir très urbain, cela s'est confirmé dans les tomes suivants même si ceux-ci sont peut-être un peu plus faibles car devenant assez classiques au fil de l'avancement de l'histoire. Cependant, je ne peux nier être restée scotchée devant mon livre tout au long de la lecture, peut-être pas toujours à cause de l'enquête, mais assurément pour le décor choisi et développé.
Dans ce dernier volet, nous suivons l'assemblage des dernières pièces du puzzle et la confirmation de l'identité et des motivations du coupable. Pas de surprise au final, mais ce n'est pas là qu'est l'intérêt de l'histoire ou si peut. Nous sommes dans une banale vengeance par quelqu'un de légèrement déséquilibré à qui un point de bascule aura suffit pour passer à l'acte et régler une situation qui le gênait depuis longtemps.
Mais plus que ça, c'est tout ce qu'il y a autour de l'enquête qui a su me passionner. J'ai aimé tout d'abord les discours raciaux du titre, avec une autrice dénonçant la situation des noirs, des femmes et des musulmans mais aussi des asiatiques au Royaume-Unis avec ces délits de faciès, ces blocages à l'avancement et j'en passe. C'est tellement vrai et toujours actuel malheureusement, et pas que chez eux. J'ai également apprécié le discours sur ces familles bourgeoises créées autour de l'apparence qu'on donne en société mais qui recèlent bien des secrets et bien des malaises dont tous pâtissent, femme, enfants, époux. Tout ça n'est qu'un joli masque et avec ici la famille d'un politicien, on a le pompon.
L'autrice a vraiment bien joué la carte urbaine dans ce titre, que ce soit dans les décors, les thèmes ou les personnages et le fait que ce fut une ville européenne fut vraiment savoureux pour quelqu'un qui, comme moi, lit surtout de la BD asiatique. Ça changeait et apportait une autre dynamique visuelle mais aussi relationnelle. En plus, avec les noirs très sombres de ses dessins, j'étais vraiment dans cet univers urbains saccadé, presque sombre et étouffants comme dans les vieux polars ou les polars scandinaves. Une ambiance rétro chic, rétro remis au goût du jour, que j'affectionne.
Alors oui, on perd en intensité au fil des tomes, intensité graphique, intensité narrative. On devine vite le coupable. Les ressors scénaristiques autour des questions de société se devinent vite aussi. Mais l'ensemble est vraiment de qualité et nous sommes avec un polar solide au héros incarnant très bien le vieux flic avec de la bouteille et des cadavres dans son placard. On a une vision à la papa de la criminelle qui m'a bien plu, avec son lot de critique mais aussi de topos bien ancrés dans notre imaginaire. Un final un poil plus travaillé n'aura pas été plus mal, l'autrice va un peu trop vite dans les ultimes pages même si on sait qu'elle n'avait pas grand-chose de plus à raconter, prendre le temps de poser cela sur plus de cases, plus de pages, ne m'aurait pas déplu.
J'ai été contente de me frotter à la plume très européenne de
Shima Shinya qui offre ici un polar noir solide et classique sur fond de questions raciales et familiales. C'était une chouette incursion dans un univers très urbain, des dessins, aux thèmes, en passant par l'histoire et la mise en scène. Pour les amoureux d'enquêtes à la papa et de critiques sociétales, c'est une chouette lecture, un peu rapide, un peu facile, mais efficace et prenante. Je relirai volontiers l'autrice !
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