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"Long périple qui est le tien, Gilgamesh ! Et pour quelle victoire ? Jamais tu ne trouveras la vie que tu cherches.
- Je compte y parvenir, divin prince.
- Ah, Gilgamesh, Gilgamesh, pauvre fou !"

Gilgamesh, ou la quête d'immortalité d'un grand roi...
Je n'ai lu jusqu'à présent qu'un seul livre de Silverberg, "Les temps parallèles", et j'étais agréablement surprise : c'est un petit roman SF qui vous fait voyager un peu partout dans le temps, mais surtout à Byzance. Avec "Gilgamesh, roi d'Ourouk", oubliez la SF, mais préparez vous à voyager encore plus loin : une vingtaine de siècles avant Homère, aux temps de Sumer, berceau de l'écriture et de la civilisation qui nous a laissé des fragments de tablettes avec la légende de Gilgamesh. le premier "super-héros" connu de l'histoire de l'humanité, il y a presque 3000 ans. Il n'est pas étonnant qu'il ait retenu l'attention de Silverberg !

Chose étrange : l'auteur respecte scrupuleusement la trame originale de la véritable épopée, telle qu'elle était assemblée à partir de divers fragments dans sa version akkadienne. Mais là où la version originale nous parle des dieux, monstres et manifestations surnaturelles, Silverberg opte pour un récit réaliste à la première personne, et choisit toujours une explication rationnelle. Alors, qui sait ? Cela aurait vraiment pu se passer comme ça...
D'autant plus que les héros de l'épopée - Gilgamesh, son père Lugalbanda et son grand-père Enmerkar, Agga le roi de Kish, et bien d'autres - sont souvent mentionnés sur les stèles sumériennes en tant que personnes réelles. Pour plus d'authenticité, Silverberg va choisir l'ancienne version sumérienne des noms propres (Ishtar babylonienne reste Inanna, le monstre Humbaba redevient Huwawa, et le célébre Uta-Napishtim, l'unique survivant du Déluge, se nomme Ziusoudra, dans le livre). Si vous connaissez déjà l'épopée, vous avez probablement lu une traduction de la version akkadienne, ultérieure à l'original, qui ordonne les fragments pour former une histoire cohérente.
De plus, Silverberg émaille son livre de mythes et croyances sumériennes : les rivalités entre les dieux, la descente d'Inanna aux Enfers, la création du monde et de ses habitants, et bien sûr, le Déluge, étonnamment ressemblant au récit biblique. Cela permet de comprendre davantage la mentalité de cet étrange monde archaïque.

Tout est donc réuni pour une excursion derrière les remparts d'Ourouk, quelque part aux alentours de 2500 av. J. -C.
Gilgamesh est un colosse qui ne connaît ni peur ni fatigue, de deux-tiers divin et d'un tiers humain. Il devient roi après une enfance mouvementée, et il règne en despote éclairé sur sa cité prospère. Il possède mille femmes, mais la seule qui l'obsède, la grande prêtresse d'Inanna, lui reste inaccessible. Il a mille courtisans, mais il se sent désespérément seul. Cela va changer quand il se lie d'amitié avec Enkidou, un homme sauvage, le seul qui l'égale en force, et qui va devenir son alter-ego rempli de joie de vivre.
Ils vont traverser bien des épreuves et terrasser plus d'un démon ensemble, mais il faut se méfier de la vengeance des dieux, et Enkidou meurt. C'est à ce moment-là que Gilgamesh réalise que la mort nous attend tous - une chose inacceptable - et il quitte Ourouk à la recherche de la vie éternelle.

Tandis que la première partie est brutale et héroïque, la deuxième, plus posée, est faite d'errances, rencontres, et réflexions existentialistes bien avant Sartre, Camus ou Kafka. La vie et la mort : une question qui taraude l'humanité depuis toujours. La vie humaine a t-elle un sens ? Peut-on éviter la mort ? Gilgamesh va se rendre aux confins du monde pour chercher des réponses.
Est-ce que la tavernière Sidouri va le convaincre avec sa vision hédoniste ? Ou faudrait-il aller encore plus loin, pour trouver le sage Ziusoudra, à qui les dieux ont accordé l'immortalité ?
Gilgamesh trouvera sa réponse, et vous aussi, si vous lisez le roman. Non seulement parce que cette épopée, très bien rendue par Silverberg, fait partie de notre patrimoine culturel. Mais aussi parce que dans cette culture, tellement ancienne qu'on n'arrive même pas à l'imaginer, où les gens vivaient au rythme des inondations et de la sécheresse; au rythme de leurs dieux et de la magie, les héros se posaient des questions qui sont toujours d'actualité.

4/5 pour le grand roi Gilgamesh, et un remerciement au roi Thimi, qui m'a donné envie de lire le livre, il y a à peu près 2500 ans.
Chaque chose en son temps, Gilgamesh, puisque la mort n'existe pas...
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Devenir immortel ?
Ce roman de Silverberg est inspiré de la plus ancienne épopée de l'humanité, écrite aux alentours de 1000 avant Jésus-Christ, l'épopée de Gilgamesh (prononcez Ghilgamesh), roi qui aurait gouverné la cité d'Ourouk en Mésopotamie (l'Irak actuel) vers 2500 avant J.-C. .
Contrairement à l'épopée antique, le roman est écrit à la première personne, ce qui rend le récit des aventures de Gilgamesh d'autant plus vivant.
Habité par une présence divine, il vainc ses adversaires, combat des monstres, construit de somptueux édifices, mais son orgueil démesuré lui attire l'hostilité croissante de la grande prêtresse de la cité, incarnation de la déesse Inanna.
Dès lors, la mort frappe autour de lui et Gilgamesh, habité par une terrible angoisse, part à la recherche du mystérieux Ziusoudra (Ut-Napishtim dans l'épopée antique) auquel les dieux ont accordé l'immortalité, afin qu'il partage avec lui son fabuleux secret…
Roman historique bien documenté (la couleur locale est particulièrement bien restituée), récit d'aventures mythologiques où les sentiments ne sont pas oubliés (amours tumultueuses et magnifique amitié), mais aussi roman initiatique au plein sens du terme : les épreuves endurées par Gilgamesh et son voyage aux confins du monde lui permettront d'acquérir savoir et sagesse, ainsi qu'une humanité qui interpelle profondément le lecteur.
Une oeuvre tout à fait réussie.
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Oui, il est possible de faire revivre avec brio une époque si lointaine qu'elle en est tombée en poussière ; en tout cas quand on s'appelle Robert Silverberg.

Essayez de prendre conscience de la distance qui nous sépare de l'époque de Gilgamesh d'Uruk, en Mésopotamie. Une bonne façon est de réaliser qu'il s'est passé à peu près autant de temps entre lui et Alexandre le Grand qu'entre ce dernier et nous. Silverberg ressuscite ce temps des débuts de la civilisation urbaine. A travers ce qu'on pourrait nommer les mémoires du roi au deux tiers dieu Gilgamesh, il nous donne à vivre un Pays à taille humaine, où chacun, quel que soit sa place dans la société, se préoccupe d'irriguer et cultiver les champs, de nettoyer les canaux, de bâtir des temples et d'offrir des libations aux dieux multiples et omniprésents, de commercer et de faire la guerre aux voisins.
L'écologie du Pays est difficile, sa nature dure à dompter. L'eau menace d'inonder ou de se faire rare ; les déserts restent à proximité ; les animaux sauvages – si proches de ceux de la savane africaine – sont légion. L'homme a besoin de l'aide des dieux pour sa protection. Enlil, Inanna, An, Enki, le panthéon est immense, mais chaque ville en privilégie un tout en les adorant tous. Dans la mythologie sumérienne, les hommes ne sont que les serviteurs des dieux. Leur libre arbitre est limité.

Robert Silverberg choisit de nous conter un récit réaliste, où les dieux restent à leur place dans les temples, les rêves ou « incarnés » dans une prêtresse ; où les démons prennent la forme de catastrophe naturelle et où les taureaux célestes sont de vrais taureaux. Mais l'auteur maîtrise l'image qu'il veut nous faire approprier. Quoi que soit ce que le lecteur voit, il le voit à travers le prisme des sumériens ; il voit le démon ; il voit la déesse. On ne s'en rend presque pas compte et c'est là que réside la réussite du roman.
Evidemment tout tourne autour de Gilgamesh. le personnage est impressionnant de carrure et j'imagine que ses exploits ont dû inspirer le mythe d'Héraclès. Il est au deux tiers dieu et est habité par son père divinisé Lugalbanda. du moins tout le monde en est-il persuadé. Il est à la fois imbu de sa personne et de sa position, et proche de son peuple. C'est un être profondément seul jusqu'au jour où les dieux lui octroient un ami aussi costaud que lui : Enkidu. Il évolue beaucoup au fil du récit. Il a engagé une lutte sans merci avec la mort, qu'il refuse absolument pour lui-même (un des thèmes favoris de l'auteur). Cette quête acharnée de l'immortalité laissera sa marque en l'homme.
Gilgamesh partage en Uruk le pouvoir avec la déesse Inanna, ou son incarnation. Les relations entre les deux personnages sont passionnées. Elles m'ont rappelé l'amour-haine de Gregory Peck et Jennifer Jones dans le film Duel au Soleil. Deux pouvoirs aussi puissants ne pouvaient régner ensemble sereinement. Silverberg exploite son expérience d'écrivain de romans érotiques, comme souvent.

Origines du récit du Déluge, batailles fracassantes où les chars sont menés par des ânes (lol !) … Il y aurait encore tellement à dire. Mais je vous laisse le découvrir par vous-mêmes si ce n'est déjà fait. Je termine en remerciant chaleureusement Srafina, avec qui j'ai effectué cette lecture en commun. Nous en avons bien profité pour nous renseigner plus avant sur cette époque. de mon côté, je ne peux que vous conseiller de vous abreuver à un livre de référence : La Mésopotamie : de Gilgamesh à Artaban 3300 - 120 av. J.-C., édité chez Belin.
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Tout d'abord un grand merci à Nadou38 pour cette LC pas comme les autres. J'ai lu à son rythme, cela m'a changé de mes habitudes ^_^

Ma critique ne sera pas longue, je suis grippée et mes idées se sont fait la malle. Cela étant dit, je pense ne pas me tromper en disant que Nadou et moi avons été sur la même longueur d'onde tout au long de cette lecture. Et donc, je plussoie à tout ce qu'elle a écrit :-)

Robert Silverberg nous embarque donc en Mésopotamie antique pour découvrir un personnage fascinant : Gilgamesh, le roi d'Ourouk.

Sincèrement, aucun bémol à la clé : une écriture parfaite, un récit vraiment bien structuré, des personnages inoubliables (Gilgamesh, Enkidou et Inanna pour les 3 principaux). J'ai trouvé la fin vraiment excellente. Un vrai coup de coeur.

C'est toujours très actuel comme réflexion : la mort d'un proche, comment on se sent face à l'idée de sa propre finitude.

« … la mort l'a emporté. Depuis ce jour, l'ombre de ma propre mort est tombée sur moi. Elle obscurcit ma vie. Je la vois s'allonger et je ne vois rien d'autre. »

À trop y penser, on en oublie de vivre.

Lire ce roman de Silverberg nous a donné envie de lire L'épopée de Gilgamesh. Pour ma part, j'ai choisi la version d'Abed Azrié. L'auteur est aussi chanteur-compositeur et j'ai déjà écouté la version audio (version chantée avec musique) qui est très sympa même si elle n'est pas en français.



Challenge multi-défis 2019
Challenge livre historique 2019
Robert Silverberg, le club
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Parmi la multitude de romans nés de la plume de Robert Silverberg, difficile de ne pas remarquer l'affection particulière que semble porter l'auteur aux civilisations anciennes, qu'elles soient romaines (Roma Aeterna), grecques (Le dernier chant d'Oprhée) ou encore sumériennes. Et c'est justement cette dernière qui est à l'honneur dans cette réinterprétation de l'une des plus célèbres épopées antiques de notre histoire, celle de Gilgamesh, roi d'Ourouk. Nous voilà donc transportés au coeur de la Mésopotamie du troisième millénaire avant notre ère, région prospère dominée par quelques grandes cités entretenant des rapports plus ou moins courtois selon les périodes et les souverains. Malgré le caractère très lacunaire des renseignements dont nous disposons aujourd'hui concernant cette époque et cette civilisation, Robert Silverberg propose une vision très réaliste de ce qu'aurait pu être la vie dans la Mésopotamie antique. Les coutumes, l'architecture, les croyances, la politique..., l'auteur nous dépeint avec un luxe de détails un univers d'une richesse incroyable et dont certaines traditions ne manqueront pas de surprendre le lecteur (imagineriez-vous, par exemple, un roi travailler aux champs ou se livrer à d'harassantes activités comme n'importe quel autre de ses sujets ?).

Mais au-delà de la qualité de sa reconstitution historique, le roman de Silverberg séduit également par le charisme de son protagoniste. Mais pouvait-il en être autrement lorsque le protagoniste en question se révèle justement être l'un des plus grands héros de notre histoire ? Souverain excessif mais dévoué à sa cité, homme doté d'une force exceptionnelle et n'ayant aucun égal parmi les mortels, moitié divin selon certains.., Gilgamesh fascine aussi bien ses contemporains que les générations futures qui en gardent aujourd'hui encore le souvenir, cinq millénaire après sa mort. Comme les douze travaux pour Hercule ou bien les étapes du voyage de retour vers Ithaque pour Ulysse, on retrouve ici les principaux événements qui forgèrent la légende de Gilgamesh : son affrontement avec le roi de la cité de Kish, son combat contre le démon de la forêt Huwawa, sa quête de la vie éternelle... du côté des personnages secondaires on pourrait regretter que deux seulement tirent à eux la couverture, Enkidou, le meilleur ami du roi, et la prêtresse Innana, même si la tumultueuse relation entretenue entre cette dernière et Gilgamesh constitue sans aucun doute l'un des aspects du roman les plus intéressants.

On pourrait cela dit regretter le ton assez distant employé par l'auteur qui, en adoptant une narration se voulant la plus proche possible de celle des épopées antiques, prend le risque de parfois perdre l'intérêt du lecteur. Certes, le récit des exploits accomplis par Gilgamesh est intéressant, mais l'auteur nous les rapporte de façon très sobre et ne donne ainsi pas l'opportunité au lecteur de bien saisir leur véritable signification et leur portée. La seconde partie du roman s'apparente par exemple un peu trop à une énumération des aventures vécues par le héros qui multiplie les exploits sans guère de difficultés, au point d'en devenir presque agaçant. L'arrogance dont il fait preuve à l'égard des autres, bien incapables d'égaler le colosse, fait notamment mauvais ménage avec l'égoïsme et la faiblesse dont il fait paradoxalement preuve dès lors qu'est évoquée la question de son propre trépas. La première partie du roman est en comparaison beaucoup plus captivante car consacrée à l'enfance du futur roi que l'on découvre sous un jour plus sympathique et plus humain, à la fois parce qu'on est touché de le voir emplis de doutes quant à son avenir et sa capacité à régner, que parce que l'auteur nous donne l'occasion de le voir interagir davantage avec les autres personnages.

Avec cette réinterprétation de l'épopée du roi Gilgamesh, Robert Silverberg signe un roman dépaysant qui nous transporte, l'espace de quelques centaines de pages, en un autre temps où héros et rois ne faisaient qu'uns, où les dieux pouvaient interférer dans les affaires des mortels et où les hommes avaient l'opportunité d'accomplir des exploits dignes d'être racontés bien des siècles après leur trépas. A réserver cela dit aux amateurs d'histoire et de récits épiques.
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Quelle aventure ! Je ne m'attendais pas à vivre un tel voyage en lisant «Gilgamesh, roi d'Ourouk».

Voyage magnifique dans l'espace et le temps car c'est en Mésopotamie et plus de 2500 ans av. JC que nous emmène Robert Silverberg dans son roman. Il s'est largement inspiré pour cela de «L'épopée de Gilgamesh», une des plus anciennes oeuvres littéraires de l'humanité.

«Dans ce livre, je me suis principalement intéressé au Gilgamesh de l'Histoire, sans pour autant négliger le personnage mythique, le héros de la plus ancienne littérature épique ayant traversé les âges jusqu'à nous.» R. Silverberg (Postface)

Et c'est parfaitement réussi ! Il nous offre là une excellente version romancée de l'histoire de Gilgamesh pour qui souhaite entrer dans l'univers de la mythologie mésopotamienne.

Car c'est avec une plume toujours aussi agréable que l'auteur donne ici la parole à Gilgamesh lui-même, le dotant d'un humour le rendant bien sympathique malgré ses exigences royales, pour nous faire le récit de son histoire.

On va découvrir un enfant, puis un jeune homme fier et volontaire, qui n'aura de cesse d'avancer et de se montrer aussi digne et valeureux que son père, ancien roi devenu dieu.
Parcours initiatique pour ce héros qui nous contera ses batailles, d'abord aux côtés du roi de Kish, puis face à lui. Il partagera avec le lecteur ses interrogations dans sa relation chaotique avec la prêtresse Inanna, sa grande joie lorsqu'il rencontrera son grand et unique ami Enkidou. Il nous fera le récit de leurs exploits célèbres face au Gardien de la Forêt de Cèdres et au Taureau Céleste par exemple.
Mais c'est marqué aussi par la peur de la mort que Gilgamesh, ce roi qui ne voulait pas mourir, aura pour quête de s'opposer à cette issue pourtant commune à tous... quête solitaire qui l'amènera à se questionner sur le sens de la vie.

J'ai été envoutée par ce récit qui ne s'essouffle à aucun moment, qui nous transporte en plein coeur de cette ancienne culture où tout s'interprète en fonction des volontés des dieux. Silverberg a su magnifiquement nous immerger dans ce monde de croyances où l'on côtoie les divinités tout en restant dans le monde réel, en jouant simplement sur l'interprétation.

A noter le Postface très intéressant où l'auteur explique ses diverses sources et son objectif dans ce projet littéraire.

Un grand merci à Fifrildi pour les sympathiques échanges autour de cette belle aventure, et aussi pour s'être alignée à mon mode tortue-lectrice, je mesure son effort pour ne pas avoir dévoré cette lecture en quelques heures. ;)

Lu dans le cadre du...
- challenge «Robert Silverberg : le club»
- Défi Livre Historique 2019
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Voici un livre qui était depuis longtemps en avant de ma Pal pour être lu. Pensez-donc un mythe de plus de 4000 ans qui nous est parvenu grâce à la première écriture sumérienne gravée sur des tablettes d'argile. Que ces écrits aient pu traverser les âges est déjà un grand exploit. le sud de la Mésopotamie est le berceau de l'écriture, le pays de Sumer est aussi le pays de Gilgasmesh, roi d'Ourouk.
Les Mésopotamiens sont polythéistes, l'épopée de Gilgamesh est remplie de références aux dieux et aux démons.
Dans les mains de Robert Silverberg, on en a une approche fidèle, mais aussi plus réaliste que le mythe tout en flirtant avec le fantastique. Tout y est bien imbriqué, coule de source. Son rapport à la mort déjà enfant, ses expériences, sa force, son endurance, son rapport à la déité : Gilgamesh dieu au deux tiers, homme au un tiers. Il est roi, soucieux de son peuple mais dur et intransigeant. Son amitié avec Enkidou le rendra plus humain et lui apportera la paix dans sa solitude d'homme et de roi. Il y a aussi Innana, la grande prêtresse servant la déesse du même nom, qui aura un grand pouvoir sur son coeur, mais que l'ambition dévore et aussi l'amour.
La perte de son ami, puis la peur de la mort, la recherche de l'immortalité le verra désemparé et il partira en quête de ce qu'il n'arrive pas à comprendre, la sagesse sera au bout.
A travers son roman Robert Silverberg, arrive à humaniser et rendre accessible le mythe de Gilgamesh à nos yeux modernes. Il intègre l'histoire de l'épopée originelle à son histoire. Les sentiments des héros sont identiques mais vécus d'une manière moins mystiques. Certains phénomènes démoniaques ou mystiques ont à travers sa narration une explication rationnelle, les démons sont des manifestations volcaniques, sulfureuses ou météorologiques. Je me suis même demandée, si à travers les crises mystiques de Gilgamesh, il ne nous parlait pas d'épilepsie.
En tout cas, ce fut une bien belle lecture, faite en compagnie de BazaR, nos échanges autour de Gilgamesh furent très agréables et intéressants. Merci à lui pour les liens qu'il m'a transmis. Et oui à travers ce livre je découvre la Mésopotamie, le début de l'écriture, Les premiers mythes, du Déluge qui est mentionné dans un tas de religions. En parallèle j'ai lu L'épopée de Gilgamesh de Jacques Cassabois, un petit livret classique pour les collégiens qui nous retranscrits 8 extraits principaux.. Fort instructif il m'a permis de faire la comparaison avec le roman de Silverberg. Et notre cher Robert colle vraiment au mythe. La seule différence : la fin. Ce fut une belle découverte pour les deux versions.
Excellent, et merci à toi Bazar pour ces beaux échanges.
Je vais continuer ma découverte de la Mésopotamie, ça c'est sûr.




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Je n'ai pas lu grand chose de ce monsieur, au vu de sa foisonnante bibliographie, mais je dois admettre que je n'ai jamais été déçu après avoir ouvert un de ses bouquins. Après Roma Aeterna lu au printemps dernier, on se replonge dans l'antiquité, du côté de Sumer ce coup-ci.

Inspiré d'un des plus vieux texte de l'humanité, ce roman nous dévoile la vie de Gilgamesh, roi sumérien de la cité-état d'Uruk, le tout narré par le principal intéressé, rien de moins.
C'était assez ambitieux de la part de Silverberg, à l'instar de Roma Aeterna cité juste au-dessus, mais l'auteur a maîtrisé son sujet avec brio, nous délivrant une lecture vraiment agréable, riche et envoûtante.

Nous voilà donc dans les pas de ce roi légendaire, à le voir devenir homme dans un premier temps, et rapidement, par la suite, à vivre sa grandiose épopée, faite d'exploits et de mythes, de batailles et de politique, sans oublier un sens de la fête assez particulier...
Hormis la prêtresse-déesse Inanna, et l'enfant-sauvage Enkidu, qui parviennent à se détacher du lot, peu de gens partagent l'intimité de notre héros, ramenant les personnes rencontrées à des rôles souvent très secondaires. Malgré cela, l'auteur nous dépeint une galerie de personnages assez incroyable, détestables ou attachants à souhait, souvent les deux, et participant activement au côté épique du roman.

Pour ce qui est du contenu, c'est tout simplement passionnant. Un récit drapé de mythologie, bénéficiant d'un style onirique parfaitement calibré, qui nous fait découvrir la période sumérienne, ses décors et ses légendes.
Même si il est bourré d'intrigues et de complots, ce roman revêt progressivement une allure plus philosophique, à la frontière du conte parfois, où les thèmes de la mort et de la solitude sont prépondérants, le tout sans réellement cassé le rythme de l'ensemble.

Merci à Nadou pour la suggestion, encore un point pour Silverberg. On est sur une bonne série là, et je n'ai plus rien de lui sous le coude.
Il y aurait bien ce cycle de Majipoor, qui me fait de l'oeil depuis un moment pour intégrer ma PAL...
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Superbe ! Magnifique ! Grandiose !

Ou comment Silverberg met une épopée antique mythique à la portée de tout le monde !
Ce qui n'est pas forcément des plus faciles à faire...
Et dans un texte en "je", s'il vous plait...
Et en collant au texte original...
Incroyable.

Alors oui, je ne connaissais Gilgamesh que de nom. On ne peut pas s'intéresser à tout, et si je suis pointue en mythologie égyptienne, si je connais bien celles des grecs et des romains, bah la sumérienne m'était inconnue.
J'ai donc fait des recherches. Et il s'avère qu'effectivement, ainsi que l'auteur le dit dans sa postface, il s'est rapproché au maximum des sources antiques, dont la plus longue disponible date de - 700, d'après ce qu'il dit.
"Le système d'écriture mésopotamien est le plus ancien système d'écriture connu à ce jour." (Wikipedia).
Ecriture sur argile, qui, outre son utilité comptable et changements de propriétés (et oui, c'est sans doute pour ça que ça a été inventé, de base, on n'en sort pas), a été le support des premières oeuvres littéraires, dont l'épopée de Gilgamesh. Texte fondateur s'il en est, puisqu'on y retrouve "Le Déluge" de la Bible (à ma grande surprise, hein, je vous l'ai dit, je ne connaissais pas.)
Alléluia ! (Car sans écriture, pas de livres, et sans livres... Sans livres ? non ça c'est pas possible...)
Mais je m'égare.

Bref, Silverberg a du talent. ça tout le monde le sait, et si vous ne le savez pas, il est grand temps pour vous de le découvrir. Silverberg a, comme beaucoup d'auteurs que j'aime, un profond amour de l'Histoire, une philosophie on ne peut plus riche, voire un mysticisme (si le terme vous déplaît, on va dire une spiritualité) que l'on retrouve partout dans ses écrits en filigrane.

Du coup, quand il s'attaque à une épopée mythologique, qu'il essaie d'ancrer dans la réalité, cela donne un récit d'une richesse inouïe mais pas inabordable. Certes ce n'est pas batailles et action à tous les étages. Beaucoup d'intériorité dans ce livre. Beaucoup d'humanité aussi, pour un "deux tiers dieu, un tiers homme seulement" ! :)
Une épopée et un voyage initiatique qui m'ont transportée, ravie, enthousiasmée.
D'autant plus que c'était une totale découverte.

L'humanité est décrite avec une plume poétique, (bien traduite, en plus), mais, d'idéalisée au début, elle devient de plus en plus humaine au fil du récit, pour finir sur les interrogations et questionnements métaphysique de tout un chacun...
Les voyages et récits initiatiques, c'est là que Silverberg est le meilleur, de mon point de vue. (Si vous ne connaissez pas "Les ailes de la nuit", précipitez-vous).

Bref, encore un coup de coeur, pour encore un livre initiatique... ça doit être ma période "initiation".

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Une étonnante réécriture d'un des plus anciens textes au monde

Ce roman de Robert Silverberg, géant de la science-fiction, sorti en 1984, est en fait une réécriture (nous développerons plus loin) du plus ancien texte épique au monde (27ème siècle avant J-C !), l'Épopée de Gilgamesh, qui, mille ans avant les douze travaux d'Héraclès, narre ceux du roi Sumérien du même nom. L'auteur comble les blancs du texte antique (il fait du prologue de ce dernier une partie de plus de 100 pages) et change la fin pour que ceux qui connaissent la légende soient tout de même un minimum surpris, mais fondamentalement, c'est la même chose, sous une forme romancée.

- Ramage et plumage

Avant d'examiner le fond, à savoir le texte lui-même, parlons de la forme, et cette fois il y a beaucoup à dire : étant passé depuis peu à la lecture sur liseuse (pour des questions d'espace de stockage et de budget), il faut vraiment une édition soignée, désormais, pour me convaincre d'acheter un exemplaire physique.

Dans le cas de ce roman, il faut avouer que l'Atalante a mis les petits plats dans les grands pour cette réédition, jugez plutôt : couverture ayant la texture du cuir, impression en relief du profil du roi sumérien, reliure impeccable, « lacet » marque-page à l'ancienne, papier de très bonne qualité (comme souvent chez l'éditeur) et impression sans défaut (idem).

La couleur verte interpelle au début (j'aurais préféré du marron – couleur vieux cuir- ou du noir, personnellement), mais finalement je trouve ça plutôt d'un bel effet. En tout cas, l'éditeur a produit un travail à la fois recherché, de standing et de qualité, et on ne peut que le féliciter pour cet effort. Voilà une édition qui donne clairement envie d'être acquise sous forme physique et pas numérique.

- le concept, le genre

L'auteur s'est donc basé sur deux traductions anglaises de l'oeuvre, les a complétées (notamment sur ce qui se passe avant que Gilgamesh n'entame ses exploits ou ne devienne roi), romancées, a changé la fin, et surtout a changé le genre du texte. En effet, l'Épopée de Gilgamesh, c'est un peu l'ancêtre de l'Heroic Fantasy moderne : il y a des monstres, des dieux et des démons. Vu l'oeuvre de Silverberg, on aurait pu s'attendre à ce qu'il aille dans cette veine là, quitte à changer 2-3 choses au passage. Ce n'est pas la voie choisie par l'auteur, pourtant. Au contraire, il propose un roman à deux lectures possibles, dont une est évidemment hautement privilégiée.

En clair, il rationalise complètement les aventures extraordinaires du roi d'Ourouk. Vous pouvez certes toujours lire ce livre sous un angle surnaturel (et c'est d'ailleurs pourquoi j'ai classé ce livre dans la catégorie « Fantastique »), en mettant la célèbre « suspension d'incrédulité » en mode on, ou bien vous pouvez faire ce que Silverberg vous propose, c'est à dire considérer que Gilgamesh fait une crise d'épilepsie au lieu d'entrer en communication avec les dieux, ou bien qu'il est en relation avec la grande prêtresse d'Inanna et pas avec la déesse elle-même. de même, à un certain moment, certains verront un démon, d'autres une résurgence de gaz naturel dans ces terres sumériennes (=irakiennes modernes). L'auteur a clairement choisi son camp (tout le passage avec le soi-disant survivant du Déluge le montre incontestablement), mais une deuxième grille de lecture reste possible.

- le style, le rythme

Bien, donc c'est rationalisé, humanisé, mais est-ce que ça reste épique ou est-ce que ça ressemble à du Christian Jacq ? Rassurez-vous, ça reste complètement épique (moins sur une partie de la fin, tout de même). Gilgamesh reste un héros hors-normes, et ses aventures (politiques, guerrières, et bien entendu sexuelles) demeurent passionnantes. On ne peut bien entendu pas attribuer la paternité du personnage à Silverberg, mais à partir d'une matière imposée, l'auteur a su rendre son protagoniste, ainsi que les personnages secondaires, marquants et intéressants : Gilgamesh, Enkidou, Inanna sont fascinants. Les qualités d'écriture de l'auteur, ainsi que celle de la traduction, n'y sont pas pour rien. La reconstitution de l'époque est, autant que je puisse en juger en tant que non-historien, absolument impressionnante, avec un tas de détails « qui sonnent vrai ».

Le rythme est très bon jusqu'au second exil de Gilgamesh, moins sur les dernières dizaines de pages. La thématique évolue, passant de l'héroïque à l'acquisition de la sagesse. le dernier chapitre est à cet égard assez magnifique. Par rapport à l'oeuvre originale, le début est extrêmement développé (l'accession à la royauté de Gilgamesh et son amélioration des murailles d'Ourouk représente, à ma connaissance, un bref résumé dans l'Épopée, alors qu'elles s'étendent sur 100 pages dans le livre, partie que j'ai d'ailleurs trouvé être la plus intéressante du livre), mais j'ai trouvé la fin relativement abrupte. L'auteur a repris tel quel, en certaines occasions, des passages de l'oeuvre originale (par exemple lors de l'arrivée d'Enkidou à la civilisation).

Le roman est écrit à la première personne du singulier : c'est Gilgamesh en personne qui nous raconte sa vie, ses exploits, ses joies, ses peines, ses peurs, ses ambitions, ce que la vie lui a appris. Il s'adresse aussi en quelques occasions directement à son lecteur.

Notez que le roman a une certaine atmosphère que je qualifierais de vaguement Shakespearienne, et qu'il fait souvent la part belle à un érotisme qui, sans être torride, est à signaler.

- A qui se destine ce livre ?

Voilà une question délicate. Ce roman relève en fait du roman historique. En tout cas, soyez bien conscient que ça ne relève en aucun cas de la Fantasy. Au final, il faut soit être intéressé par les romans consacrés aux civilisations anciennes (de Christian Jacq pour l'Egypte à Gary Jennings pour les Aztèques, vous avez le choix), soit par la mythologie pour pleinement apprécier ce livre, mais c'est aussi et surtout un bon roman en lui-même.

Attention toutefois, le héros, en plus d'être surhumain, est souvent une vraie tête à claques, deux facteurs qui peuvent agacer certaines catégories de lectrices et lecteurs. Au passage, notez qu'il pourrait faire mourir de rage même la moins radicale des féministes du fait de son traitement de la gent féminine (le père Gilgamesh, le droit de cuissage, il connaît, le détournement de mineure, il connaît pas…). Je le signale aussi car cela peut faire fuir certaines et certains.

- En conclusion

Sur la forme, un bien bel objet, qui mérite sa place dans votre bibliothèque du fait de la qualité extrême de cette édition.

Sur le fond, on peut déjà saluer l'initiative de Silverberg, qui, si elle n'est pas à proprement parler originale (un auteur de SF ou assimilé qui reprend son oeuvre préférée, c'est loin d'être rare, de Stephen Baxter avec Les vaisseaux du Temps à Kim Newman avec Anno Dracula, vous avez le choix…), reste singulière du fait du choix de l'oeuvre reprise et de la manière de la reprendre.

Ce roman se destinera surtout à l'amateur de roman historique, même s'il n'est pas dépourvu d'un aspect épique et peut être vu sous un angle fantastique. En tout cas, les qualités d'écriture de l'auteur sont toujours présentes, quel que soit le genre abordé, et cette écriture est sublimée par une traduction s'adaptant très bien à l'épopée épique. On est transporté dans ce monde flamboyant, si loin dans notre histoire mais que l'auteur parvient pourtant à rendre si palpable.

Bien que le surhomme arrogant et grand consommateur de femmes (ou de jeunes filles…) qui en est le protagoniste puisse agacer et faire croire à un roman bourrin, cette histoire ne manque pas de profondeur, on s'en aperçoit très rapidement, et particulièrement bien à la fin. J'en veux pour preuve l'absence de représailles du héros envers ceux qui l'ont persécuté dans son enfance, la profondeur de sa solitude pendant la très grande majorité de l'histoire, et les magnifiques 4 dernières pages de l'oeuvre.

De plus, ce n'est certainement pas un hasard si 5000 ans après, le nom de Gilgamesh résonne encore : s'il n'était pas intéressant, pour ne pas dire fascinant, il aurait été oublié depuis des siècles, pour ne pas dire des millénaires. C'est un juste retour des choses que la mythologie, qui a tant inspiré la fantasy et les littératures de l'imaginaire en général (demandez à Tolkien, Poul anderson ou Roger Zelazny…), fasse l'objet d'un roman par un des grands du genre, même si celui-ci rationalise des événements à la base présentés comme surnaturels : en fait, il humanise le surhomme, ce qui est, à mon sens, un gros point fort du livre.

Bref, comme souvent, c'est un roman que je conseille, mais plus encore que d'habitude, je ne vous conseille de le lire qu'en ayant une idée très précise de ce dans quoi vous vous engagez, ce qui a été l'ambition de cette critique.
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