Au fond — et sa femme devait le soupçonner depuis longtemps — si Maigret. lorsqu'il était plongé dans une enquête, rentrait rarement chez lui pour les repas, c'était moins pour gagner du temps que pour rester comme replié sur lui-même, à la façon d'un dormeur qui, le matin, se recroqueville, entortillé dans les couvertures, pour mieux s'imprégner de sa propre odeur.
C'était l'intimité des autres, en somme, que Maigret reniflait, et maintenant, par exemple, dans la rue, les mains dans les poches de son pardessus, de la pluie sur le visage, il restait plongé dans l'ahurissante atmosphère du quai de la Gare.
N'était-ce pas naturel qu'il répugne à rentrer chez lui, à retrouver son appartement, sa femme, ses meubles, un ordre de choses comme definitif qui n'avait rien à voir avec des Lachaume plus ou moins dégénérés?
Ce repliement sur lui-même et d'autres manies, y compris sa mauvaise humeur légendaire dans ces moments-là, son dos rond, ses airs bourrus, faisaient partie d'une technique qu'il avait inconsciemment mise au point avec les années.
C'était un de ces mois de mai exceptionnels comme on n'en connaît que deux ou trois dans sa vie et qui ont la luminosité, le goût, l'odeur des souvenirs d'enfance. Maigret disait un mois de mai de cantique, car cela lui rappelait à la fois sa première communion et son premier printemps de Paris, quand tout était pour lui nouveau et merveilleux.
"L'Homme de Londres", Georges Simenon, aux éditions le libre de poche
Mila Boursier, libraire à La Grande Ourse à Dieppe, nous parle du roman "L'homme de Londres" de Georges Simenon.
Dans ce polar, l'auteur ne nous parle pas de Maigret, mais d'un homme qui prend une mauvaise décision un soir à Dieppe. de fil en aiguille, le lecteur parcourt les rues de la ville dans une haletante chasse à l'homme.
Un entretien mené à Dieppe, à la librairie La Grande Ourse.
Vidéo réalisée par Paris Normandie.