J'étais curieuse de voir à quoi ressemblait le célèbre commissaire
Maigret à ses débuts. Mais dès le premier volet, publié en 1931, nous sommes directement poussés dans le grand bain. Difficile de deviner qu'il s'agit du premier volet de la série. Avec son pardessus noir, son imposante stature, sa pipe, ses penchants pour la bière, la bonne ripaille et ses manières bourrues, il est déjà tout à fait identifiable. Avec en plus une attirance irrépressible pour la chaleur d'un bon poêle, comme un félin en quête de quiétude (?). On aura même droit à une apparition de Mme
Maigret.
C'est que notre policier a déjà de la bouteille. Il est commissaire de la première Brigade mobile, vous savez ces fameuses brigades mobiles créées par
Georges Clemenceau et plus communément appelées Brigades du Tigre, depuis la série éponyme de
Claude Desailly diffusée dans les années soixante-dix. Elles vont révolutionner les méthodes d'investigations policières. Toute une époque… Evidemment, nous sommes à des années lumières des techniques d'aujourd'hui mais peu importe.
Maigret ne mise pas sur la technique mais sur la psychologie humaine, le décryptage des motivations des hommes. C'est ce qui fait sa force.
L'histoire démarre pourtant comme une affaire réglée d'avance. Averti de la présence de
Pietr-le-Letton, escroc d'envergure internationale, dans
l'Etoile-du-Nord (ancêtre du Thalys),
Maigret est sûr de pouvoir l'identifier grâce à la description « photographique » qui lui a été transmise et notamment les détails de son oreille : «
Pietr-le-Letton 32 169 01512 0224 0255 02732 03116 03233 03243 03325 03415 03522 04115 04144 04147 05221… etc. » eh oui, c'est bien notre malfrat. Dingue ce que quelques chiffres peuvent indiquer d'un homme !
Et il le repère en effet assez vite parmi la foule à la descente du quai. Sauf que… sauf que dans le compartiment où aurait dû voyager
Pietr-le-Letton, devinez un peu ce qu'on découvre ? Un cadavre… un cadavre dont l'oreille correspond également parfaitement au signalement de
Pietr-le-Letton. de quoi faire grogner notre commissaire.
C'est le début de longues filatures et savoureux rebondissements ...
Maigret va être sérieusement malmené mais il ne lâche rien. C'est un redoutable observateur qui se laisse guider par son instinct. Il est comme un chasseur à l'affut de sa proie qu'il cherche à pousser dans ses retranchements pour mieux la débusquer. Il y a vers la fin un formidable passage de connivence et respect mutuel entre le policier et le criminel, entre le traqueur et le traqué.
Chez
Simenon, les coupables ne le sont jamais complétement,
les innocents non plus. Ni blanc, ni noir, on oscille dans la grisaille et une certaine conception de la justice humaine (qui n'est pas forcément celle de la loi). Notre indémodable
Maigret traverse les années en faisant voleter les particules de poussières et j'adore ! Un premier épisode très réussi.