Ce livre est très bien fait. Il n'est ni trop lourd en terminologies scientifiques réservées à x professionnels ou sempiternels et finalement obscures classifications psychiatriques types DSM, CIM.
Il n'est pas non plus simpliste ! Il expose les choses, le problème, la maladie clairement, posément. Tous les niveaux et aspects sont abordés : médicaux, physiques, physiologiques, psychologiques, relationnels... On ne trouve pas de jugement, mais un regard intelligent, pas naïf, et souhaitant sortir des clichés pour entrer dans l'individualisation : l'anorexique est un individu souffrant, certes, mais n'est pas non plus que anorexique. le livre incite à développer et valoriser tous les autres aspects. Certes, connaître ce dont on souffre est fondamental, pour bien le combattre, mais TOUT le reste, TOUT ce qui fait une personne n'est pas oublié et est poussé à être mis en valeur.
Le livre est assez pratique également, donne des pistes, des idées quant au travail thérapeutique.
Certes, les professionnels ne seront pas étonnés par le contenu de l'ouvrage présent, mais sa rédaction et sa fausse simplicité peuvent ou doivent les inciter à le référencer, le conseiller à tout qui peu ou prou est concerné par la problématique. Que ce soit personnellement, ou par l'intermédiaire d'une connaissance, d'un proche...
Mon petit esprit critique ne peut toutefois pas m'empêcher de souligner un certain nombre d'évidences ou de précautions verbales un rien énervantes. Un exemple : "Jusqu'à présent, il n'a pas pu être établi avec certitude que l'anorexie de la mère augmente sensiblement le risque que leur fille devienne elle-même anorexique, même si certaines études le laissent supposer." Un vrai morceau de discours de politique tiède.
Je n'ai pas lu énormément de travaux concernant les troubles alimentaires. Mais je conseille ce livre pour toutes les raisons précitées.
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Les conséquences de la dénutrition perpétuent également l'anorexie en entretenant un état permanent de malaise physique et psychologique chez la personne. Par exemple, l'état de dénutrition consécutif à la restriction alimentaire, exacerbe les réactions anxieuses et dépressives. Par conséquent, plus la personne se prive de nourriture, plus elle accentue son état de dénutrition et plus elle se sent mal !
Généralement, l'anorexique ignore ce mécanisme-ci d'auto-perpétuation de son anorexie. Elle ne se sait pas victime de son anorexie, littéralement piégée par elle. Elle croit avoir le dessus, alors qu'elle est victime de sa maladie ! Paradoxalement, l'anorexie sert à amoindrir les conséquences négatives provoquées par l'anorexie elle-même, un peu comme l'alcool sert à la personne alcoolique à gérer les effets pervers de son propre comportement d'alcoolisation.
Des arguments de plus en plus solides plaident en faveur d'une modification du métabolisme cérébral consécutive aux conduites de régime. Cette modification pourrait rendre les femmes à risque de faire des crises de boulimie. Même si ces résultats n'ont peut-être pas de rapport direct avec l'origine de l'anorexie, ils montrent clairement que les régimes ne sont pas sans conséquences sur l'organisme.
Jusqu'à ce jour, on n'a pas pu mettre en évidence de molécules ou d'interactions biologiques directement responsables de l'anorexie. Les anormalités biologiques observées dans l'anorexie sont difficilement interprétables. Elles peuvent tout autant traduire des déficits biologiques primaires, c'est-à-dire antérieurs et peut-être "responsables" en tout ou en partie de l'anorexie, que des déficits secondaires, c'est-à-dire consécutifs à l'anorexie, notamment à l'état de dénutrition de l'organisme.
Dans nos sociétés occidentales, beaucoup de personnes, surtout des femmes, font un régime. Seul un petit nombre d'entre elles développe une anorexie mentale. Cette dernière n'est pas à proprement parler une "maladie de civilisation". Elle est connue depuis plus de 200 ans et dans des contrées où la minceur n'est pas aussi valorisée qu'en Occident. Il s'agit néanmoins d'une maladie que notre culture favorise.
... un régime continu perturbe la concentration de l'individu, lors de l'exécution d'épreuves mentales complexes où plusieurs informations à traiter entrent en compétition. Le régime interfère aussi avec les capacités d'attention du sujet. Ainsi, il ralentit le traitement d'informations non associées au régime lorsque des informations relatives au régime sont présentées simultanément ; ces dernières sont traitées en priorité, au détriment des autres informations, apparemment moins pertinentes pour l'individu. En outre, le régime biaise la mémorisation dans le sens des préoccupations de l'individu au régime. Ainsi, ce dernier se souvient-il plus aisément d'informations relatives à la nourriture et au poids que d'autres types d'informations non associées au régime.
L'anorexie est une réponse à une détresse
Il ne s'agit ni d'un caprice, ni d'un manque de volonté, ni d'une faiblesse quelconque. L'anorexie est un mode d'adaptation particulier dans un contexte d'insécurité personnelle. C'est une mauvaise solution face à de vrais problèmes psychologiques ou de vie.