L'ennemi d'un ennemi peut ne pas être un ami
Je commence par le Cahier de l'émancipation sur la Chine. Dans sa présentation, Questions chinoises, publiée avec l'aimable autorisation de la revue ContreTemps, (voir sur le blog entre les lignes entre les mots) Pierre Rousset interroge les transformations profondes de la société chinoise, la place géopolitique de cet Etat, le nouveau capitalisme chinois… Contre les positions dites « campiste » et l'idée dévastatrice des alliances avec « sa propre bourgeoisie » ou des « ennemis de mes ennemis », il développe des positions internationalistes, « l'urgence est de renforcer les coopérations entre mouvements progressistes de toute la région, en toute indépendance vis-à-vis des pouvoirs établis ».
Dans « Transformations de la société chinoise », Pierre Rousset souligne les bouleversements de la structure et des hiérarchies sociales, « transformation répétée de la condition faite à la paysannerie, aux femmes populaires mais aussi dans la trajectoire météorique d'un nouvel acteur (une bureaucratie d'un type très particulier) et dans ce que l'on peut appeler la recréation de classes fondamentales (bourgeoisie, prolétariat) ». Il revient sur les bouleversements sociaux sous le régime maoïste, la désintégration des classes dominantes de l'ancien régime, le recul de l'idéologie confucéenne, la bureaucratie d'Etat privilégiée, la subordination politique du prolétariat…
Il montre comment une « nouvelle bourgeoisie » s'est constituée dans les années 1980-90, comme « produit d'une évolution interne à la société ». La bureaucratie s'est auto-transformée pour devenir le « pilier d'un « capitalisme bureaucratique » spécifique ». Pierre Rousset parle du nouveau prolétariat « nourri par un exode rural massif et composé de « migrants de l'intérieur », sans papiers et sans droits, remplaçant la classe ouvrière de l'époque maoïste », de la paysannerie « menacée d'une privatisation légale et générale des parcelles dont elle a l'usufruit » par un changement juridique du statut des terres agricoles… L'auteur souligne aussi le rôle de l'Etat dans les « grandes transformations de l'ordre social ».
Dans « le PCC, le Japon et la mer de Chine du Sud : une rétrospective »,
Au Loong Yu présente à la fois l'évolution de sa position et des analyses liant questions nationales et revendications politiques. S'il insiste sur « le chauvinisme de grande nation du PCC », il trace aussi des perspectives d'union des mouvements populaires pour la paix.
Poe Yu-ze Wan, « Taïwan : démocratie, autodétermination et projet socialiste » propose de juger la démocratie libérale à Taïwan et les (prétendues) pratiques socialistes en Chine à l'aune d'une « approche radicalement démocratique du socialisme ». le titre de cette note est extrait de son texte. Il souligne, entre autres, les identifications entre « socialisme » – « collectivisme » et « dictature » dans la « gauche » taïwanaise, la distinction impérieuse entre « le nationalisme des oppresseurs et le nationalisme des opprimés ». L'auteur défend une « compréhension du socialisme comme autogestion démocratique ou autogouvernance », un projet visant « à la radicalisation de la démocratie »…
Holly Hou Lixian « Sur le mouvement LGBT en Chine continentale » parle de l'homosexualité dans les sociétés chinoises, du développement du mouvement LGBT, de lutte contre le sida, du mouvement lesbien, des « Lalas », de « Jolie combattante », des féministes Lala…
Le dossier se termine sur un article de Pierre Rousset « Quand la Chine bouleverse la géopolitique mondiale et asiatique »
Dans l'ensemble, un Cahier de l'émancipation intéressant mais trop court pour couvrir l'ensemble des champs de ce nouvel impérialisme en constitution, des contradictions engendrées par le « capitalisme bureaucratique » et les recompositions des classes sociales…
J'ai aussi particulièrement été intéressé par les deux articles de
Gilles Bounoure sur
Jean Arp et Hokusai.
Dans la partie « Classe ouvrière, syndicats et partis à l'heure du capitalisme global », je voudrais signaler des problématiques limitant sérieusement les analyses présentées. Je ne parlerai, ici, que de deux dimensions.
Les auteurs ne prenant pas en compte les divisions et les dominations internes aux classes ouvrières, ni les processus de racialisation ni les rapports sociaux de sexe. Pour n'en rester qu'à la sexuation du monde, il serait plus que temps, que toutes analyses des classes sociales prennent en compte que « Travailleuse n'est pas le féminin de travailleur » (Voir Danielle Kergoat : Se battre disent-elles…, La Dispute, legenredumonde 2012).
La seconde dimension problématique est un manque de critique face aux analyses et politiques des partis communistes, du « mouvement communiste officiel », dont les effets des dimensions staliniennes et/ou nationalistes, pour n'en citer que deux, sont très éludées…
Dans le cas de l'Afrique du Sud, j'invite à se reporter aux textes récents de Claude Gabriel publiés sur le site ESSF.
Je souligne que l'hommage, par ailleurs intéressant et nécessaire, à Henri Curiel est contaminé par cette dimension, que l'on peut qualifier de « campiste ».
Lien :
https://entreleslignesentrel..