Dans le jardin de l'ogre de Leïla Slimani
Quand ils font l'amour, les hommes regardent leur sexe. Ils prennent appui sur leurs bras, penchent la tête et observent leur verge pénétrer la femme. Ils s'assurent que cela fonctionne. Ils restent quelques secondes à apprécier ce mouvement, à se réjouir peut-être de cette mécanique, si simple et si efficace. Adèle sait bien qu'il y a aussi une forme d'excitation dans cette auto-contemplation, dans ce retour vers soi. Et que ce n'est pas seulement leur sexe à eux, mais aussi le sien qu'ils contemplent.
A chaque saison, à chaque anniversaire, à chaque événement de sa vie correspond un amant au visage flou.
Elle est exaltée comme le sont les imposteurs qu'on n'a pas encore démasqués. Pleine de la gratitude d'être aimée, et tétanisée à l'idée de tout perdre.
(...) il faudra bien qu’elle trouve une raison de vivre. Un au-delà au prosaïsme, qui déjà enfant l’étranglait et lui faisait dire que la vie de famille était une effroyable punition. Elle en aurait vomi de ces journées interminables, à être juste ensemble, à se nourrir les uns les autres, à se regarder dormir, à se disputer une baignoire, à chercher des occupations. Les hommes l’ont tiré de l’enfance. Ils l’ont extirpée de cet âge boueux et elle a troqué la passivité enfantine contre la lascivité des geishas.
A présent, elle réfléchit en opiomane, en joueuse de cartes.
Je l'ai épousé parce qu'il me l' a demandé. C'est le premier et le seul à ce jour. Il avait des choses à m'offrir. Et puis, ma mère était si contente. Un médecin, tu te rends compte ?
Adèle ne tire ni gloire ni honte de ses conquêtes. Elle ne tient pas de livre de comptes, ne retient pas les noms et encore moins les situations. Elle oublie très vite et c’est tant mieux. Comment pourrait-elle se souvenir d’autant de peaux, d’autant d’odeurs ? Comment pourrait-elle garder en mémoire le poids de chaque corps sur elle, la largeur des hanches, la taille du sexe ? Elle ne se souvient de rien de précis mais les hommes sont les uniques repères de son existence.
le jour où tu accepteras que tu es aussi ordinaire que nous, tu seras beaucoup plus heureuse.
Les gens insatisfaits détruisent tout autour d'eux.
Ça n'en finit pas , Adèle .Non,ça n'en finit pas.L'amour ,ça n'est que de la patience.Une patience dévote, forcenée,tyrannique.Une patience déraisonnablement optimiste.
Nous n'avons pas fini.( Page 228).