Être comédien, c’est savoir lâcher prise.
Il n'a pas fermé les volets et alors qu'elle se glisse dans le lit, Adèle peut voir les traits apaisés de son mari. Il lui fait confiance. C'est aussi simple et aussi brutal que cela. S'il se réveillait, verrait-il sur elle les traces que cette nuit a laissées ? S'il ouvrait les yeux, s'il se rapprochait d'elle, sentirait-il une odeur suspecte, lui trouverait-il un air coupable ? Adèle lui en veut de sa naïveté, qui la persécute, qui alourdit sa faute et la rend plus méprisable encore. Elle voudrait griffer ce visage lisse et tendre, éventrer ce sommier rassurant.
Elle l'aime pourtant. Elle n'a que lui au monde.
Elle se convainc que c'était sa dernière chance. Qu'on ne l'y reprendra plus. Qu'elle dormira désormais dans ce lit la conscience tranquille. Il pourra bien la regarder, il n'y aura rien à voir. (p. 52)
Les gens insatisfaits détruisent tout autour d'eux
Adèle a fait un enfant pour la même raison qu'elle s'est mariée. Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s'est nimbée d'une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s'est construit un refuge pour les soirs d'angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche.
(p. 39)
Parfois elle a l'air d'un oiseau affolé, cognant son bec contre les baies vitrées, brisant ses ailes sur les poignées de porte.
Adèle a bien dormi. La couette ramenée sur le menton, elle raconte à Richard qu'elle a rêvé de la mer. Pas la mer de son enfance, verdâtre et vieille, mais la mer, la vraie, celle des lagons, des calanques et des pins parasols. Elle était couchée sur une surface dure et brûlante. Un rocher peut-être. Elle était seule et avec précaution, avec pudeur, elle enlevait son soutien-gorge. Les yeux mi-clos, elle se tournait vers le large et des milliers d'étoiles, reflets du soleil sur l'eau, l'empêchaient d'écarter les paupières. "Et dans ce rêve, je me disais : souviens-toi de ce jour. Souviens-toi comme tu as été heureuse." (p. 53)
Les gens insatisfaits détruisent tout autour d'eux.
Adèle a fait un enfant pour la même raison qu'elle s'est mariée. Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s'est nimbée d'une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s'est construit un refuge pour les soirs d'angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche.
Les hommes l’ont tirée de l’enfance. Ils l’ont extirpée de cet âge boueux et elle a troqué la passivité enfantine contre la lascivité des geishas.
Il lui a posé des questions. Des milliers de questions. Il ne lui a pas laissé une minute de répit. Il l'a réveillée en plaine nuit pour confirmer un soupçon, pour lui demander des détails. Il était obsédé par les dates.