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Critique de berni_29


Patti Smith, c'est un fragment de ma jeunesse insouciante.
J'ai dansé, que dire... j'ai déployé mes ailes, tour à tour dépliées repliées, sur Because the night, celles et ceux qui sont de ma génération se reconnaitront dans l'imagination de quelques délires nocturnes.
Dans ce journal presque intime, un véritable blues littéraire, Patti Smith nous invite dans ses déambulations et nous partage ses voyages, ses rencontres, ses souvenirs aussi. C'est une envoûtante alchimie des mots et des sensations qui m'a emporté...
Elle parle aux objets, aux livres, aux maisons dont elle franchit les portes. Parfois avant de prendre la route, elle sort de son sac à main un jeu de tarot, tire une carte et cela lui indique le ton de la lumière qu'il y aura sur ce chemin. On devrait faire cela plus souvent, on aurait moins de mauvaises surprises...
Patti Smith aime les livres, la photographie, le café, les chats et les séries B à la télévision... Elle avoue qu'elle peut boire jusqu'à quatorze cafés par jour sans que cela ne vienne troubler son sommeil...
Elle fréquente assidument un lieu de New-York, le Café ‘Ino, et nous y invite avec allégresse, elle y a sa table attitrée où elle lit et écrit, parfois la table est déjà prise, et c'est une violence douloureuse, sourde, qui grogne en elle... Patti Smith rockeuse des seventies, mais le terme lui déplairait je le sais à présent, aime les rituels silencieux, presque chamaniques... Ramasser une pierre dans une montagne et vouloir la garder dans sa poche, l'étreindre avec les doigts comme un chapelet... Je l'ai découvert avec étonnement et éblouissement dans ses silences.
Au Café ‘Ino, elle n'est pas seule, elle vient avec sa bande d'amis : Mikhaïl Boulgakov, William Burroughs, Albert Camus, Jean Genet, Antonin Artaud, Vladimir Nabokov, Haruki Murakami, William Blake, Frida Kahlo, Hermann Hesse, Virginia Woolf... J'en oublie sans doute et c'est déjà beaucoup pour une bande d'amis...
M Train est un voyage autant intérieur qu'extérieur. Nous voici plongés dans les chemins de Patti Smith qui court avec son polaroïd et c'est un délice. Parfois le prétexte est de venir goûter le meilleur café de la planète, celui des hauts plateaux au-dessus de Vera Cruz. La prison de Cayenne en Guyane française, désormais vide, quoique... La chambre de Frida Kahlo...
Un roman lui tient à coeur, celui de Haruki Murakami, Chroniques de l'oiseau à ressort, et je m'en suis réjoui car ce fut aussi pour moi bien plus qu'un coup de coeur, une déflagration.
D'ailleurs, l'univers de Patti Smith ressemble étrangement à ce roman. La promesse d'un jardin presque inaccessible au départ, un puits presque sans fond où elle chute, et puis, à force de tâtonner, tout au bout d'un tunnel une porte s'ouvre sur l'horizon plus vaste qu'on ne l'imaginait.
Elle refuse d'être l'Alice au pays des merveilles, cependant qu'elle en prend, selon moi, parfois follement le chemin innocent et inconfortable.
M Train est un carnet de voyages magnifiquement écrit, - et donc magnifiquement traduit, épris de pudeur et de nostalgie, l'enfance n'est jamais loin et plus tard on y découvre la douleur de l'auteure d'avoir perdu son compagnon de route et de vie, Fred « Sonic » Smith, père de ses deux enfants, décédé brutalement d'une crise cardiaque en 1994, à quarante-cinq ans, évocation d'un souvenir qui vient comme des bulles qui remontent à la surface de l'eau d'un lac...
Il y a toujours comme une part de crépuscule qui s'éventre, le sommeil qu'on repousse à la lisière de la nuit et des mots.
M Train c'est aussi une bande-son. On entend au loin Riders on the Storm, des Doors... Mais musicalement c'est l'univers de Neil Young et du Crazy Horse, dont elle est le plus proche...
Pendant longtemps, c'est-à-dire 260 pages, j'avais oublié que Patti Smith était née en 1946. Je découvre qu'elle pourrait presque être ma mère... Pendant plus d'une décennie je l'ai prise pour une soeur et dans ce récit ici aussi... Longtemps j'ai pensé que Patti Smith avait vingt ans...
J'ai découvert ici qu'elle travailla dans une librairie avant son goût pour la chanson et la scène...
Les mots de Patti Smith semblent portés par le vent. Ce sont les mots d'une femme solitaire, peut-être seule qui vieillit avec rêverie, qui se souvient...
« Nous désirons des choses que nous ne pouvons pas avoir. Nous cherchons à retrouver tel moment, tel son, telle sensation. Je veux entendre la voix de ma mère. Je veux revoir mes enfants quand ils étaient petits. Petites mains, petits pas rapides. Tout change. le garçon a grandi, le père est mort, la fille est plus grande que moi, elle pleure après un mauvais rêve. de grâce, restez pour l'éternité, dis-je à ceux que je connais. Ne vous en allez pas. Ne grandissez pas. »
Ce récit de Patti Smith ramène aux heures des années soixante et soixante-dix, mais peut-être tout simplement à nos jours tout aussi effilochés que son récit et que nos existences, qui sont en attente de rencontres comme celle-ci.
Pour moi Patti Smith aura toujours vingt ans. Et quand je l'écoute ou je la lis, moi aussi...

Take me now, baby, here as I am
Pull me close, try and understand
Desire is hunger is the fire I breathe
Love is a banquet on which we feed

Come on now, try and understand
The way I feel when I'm in your hands
Take my hand, come undercover
They can't hurt you now
Can't hurt you now, can't hurt you now

Because the night belongs to lovers
Because the night belongs to lust
Because the night belongs to lovers
Because the night belongs to us
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