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3,48

sur 235 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je n'ai sans doute jamais lu un roman aussi riche, en si peu de pages.

Les abysses est un roman fantastique, dans toutes les acceptations du terme, à tel point qu'il en devient une histoire universelle, une mythologie en peu de mots, créée par un écrivain qui maîtrise la métaphore comme personne.

Imaginez et laissez vous transporter par la parole de Yetu, historienne torturée. Elle fait partie des Wajinrus, peuple marin qu'on peut assimiler aux sirènes (moins éloigné des hommes qu'il n'y paraît), et qui descend des femmes noires enceintes jetées par-dessus bord des navires esclavagistes. Elle raconte son histoire, tout comme celle de sa tribu.

200 pages, ça paraît court, et pourtant ce récit est incroyablement immersif (sans mauvais jeu de mots), prenant, poignant. Intellectuellement et émotionnellement enrichissant au possible.

Pas étonnant qu'il ait été remarqué par plusieurs prix prestigieux (finaliste des Hugo Awards, finaliste des Nebula Awards, finaliste des Locus Awards, lauréat des Lammy Awards).

C'est une histoire tout en nuances que nous propose Rivers Solomon, à lire entre les lignes. Métaphorique, mais toujours d'une étonnante clarté et distillant un nombre incroyable de thématiques. Au point d'en rester souvent bouche bée devant tant de clairvoyance, avec l'envie de surligner nombre de passages du texte, encore et encore.

Ce livre est d'une telle force émotionnelle, poétique et d'évocation qu'il est à conseiller au plus grand nombre. L'aspect fantastique n'est qu'un prétexte pour faire réfléchir sur des sujets profonds et ressentir des troubles face à ceux du personnage principal (et par ricochet ceux de son peuple).

Il y est question (entre autre) du devoir de mémoire. Une idée poussée dans ses retranchements, parce que le poids du passé peut être la source d'une douleur indicible. Les conséquences des actes des générations antérieures ont toujours des répercutions.

La vie peut être fardeau, par son passé, par sa manière d'être soi. Rivers Solomon raconte aussi la différence, prône la tolérance. L'auteur/trice est une personne transgenre qui sait sans doute parfaitement ce qu'impliquent ces notions. Et arrive à en nourrir son héroïne de manière déchirante.

Malgré les apparences, Les abysses est un roman dense, évocateur d'un folklore, empli de réflexions pertinentes et d'une grande sensibilité.

Rivers Solomon nous fait nous pencher sur notre monde, ses racines. Mais aussi sur l'amour possible malgré l'impossible, sur le respect, sur l'appartenance… Et tant d'autres choses qui rendent cette fiction à la narration originale aussi unique, et intimement universelle.

Tous les lecteurs pourront y trouver leur compte, ce n'est pas le moindre des exploits de ce roman étonnant.
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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Ne lisez pas les quatrièmes de couverture.

Je répète (et c'est la dernière fois hein !):

N.E L.I.S.E.Z P.A.S. L.E.S Q.U.A.T.R.I.E.M.E.S D.E C.O.U.V.E.R.T.U.R.E

Voici plutôt mon quatrième de couverture personnelle :

Yetu se souvient … Elle est l'historienne d'un peuple qui vit dans les abysses.
Elle se souvient et le passé est douloureux.
L'histoire est traumatisante alors ils ont tout confié à l'historienne et oublié.
Mais une fois l'an, ils empruntent de nouveau les souvenances du passé.
Mais pour Yetu, le fardeau est bien lourd à donner et à reprendre

Bien mieux que de dire d'entrée de jeux “alors ce peuple est issu des …”, n'est-ce pas ?
Dévoiler la fin empêchera un nombre bien trop grand de lecteur de commencer cette lecture au prétexte de “ça parle de …”

Le livre parle beaucoup et avec brio de mémoire, de passé.
Sous couvert de récit, il pose de bonnes et vastes questions.
Devons-nous nous souvenir ?
Même si le passé est traumatisant ?
Devons-nous vivre dans l'oubli ?
Devons-nous déléguer le travail de mémoire, de conservation à d'autres ?
Avec Yetu, le cas est extrême (oubli total et un seul porteur de mémoire), mais sommes-nous si différents ?
Je ne pense pas.
Pour prendre mon cas personnel, j'ai lu récemment quelques brillants livres sur le nazisme et j'ai trouvé que l'on avait oublié.
Certes. Nous n'avons pas oublié les dates, les évènements les plus importants, quelques noms, quelques lieux, …
Mais que savons-nous du terreau ? de l'époque ? Des “valeurs” de la société, peu de choses vraiment.
On a oublié à quel point la société européenne fut un milieu de darwinisme social, de colonialisme.
Un terreau fertile.
La plante vénéneuse fut coupée. Mais l'humus est encore là… Et cette connaissance du passé est tellement mal répartie, peu ou mal visible, mal reconnue.

Je m'égare, mais c'est la preuve que c'est un excellent roman fantastique.
Un roman dans un univers “fictif”.
Un univers qui est tellement le nôtre ou pour être honnête le leur.
Celui de ceux qui ont été et sont victimes de ce commerce.
Quoi de mieux que les abysses pour ressentir un peu ce qui fut et ne devrait plus être.
Jamais.
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Toutes les grandes histoires ont un début.
Pour Les Abysses, l'histoire commence avec Drexciya, un duo techno-électro de la ville de Détroit composé de James Stinson et Gerald Donald.
Drexciya invente à travers sa musique une fascinante mythologie : imaginez que les esclaves africaines jetées par dessus bord des bateaux négriers aient donné naissance à un nouveau peuple marin capable de construire leur propre civilisation et de bâtir petit à petit une nouvelle utopie ?
Bien des années plus tard, en 2017, le groupe de hip-hop Clipping — composé de Daveed Diggs (que vous pouvez suivre dans la série le Transperceneige), William Hutson et Jonathan Snipes — exhume le mythe Drexciyien à l'occasion d'un épisode science-fictif de l'émission de radio This American Life. le résultat : la chanson The Deep qui remporte dans la foulée le prix Hugo de la meilleure présentation dramatique.
L'histoire aurait pu s'arrêter là mais c'était sans compter sur l'arrivée de l'autrice Rivers Solomon qui transforme la chanson en un roman court du même nom et qui débarque aux éditions Des Forges Vulcain sous le titre français Les Abysses.

Le poids d'un Peuple
Dans son premier roman, le fabuleux L'Incivilité des fantômes, Rivers Solomon imaginait la course du Matilda, un immense vaisseau spatial divisé en ponts à la façon d'un gigantesque navire et qui séparait ses occupants selon leur classe sociale (comme dans le Transperceneige) et leur couleur de peau. Guidée par Aster, personnage transgenre noire et autiste, le lecteur découvrait l'horreur de la suprématie des riches blancs à la façon de l'esclavage de jadis transposé dans un cadre futuriste.
Roman sur le racisme, L'Incivilité des fantômes était aussi, et surtout, un roman sur l'importance de la mémoire et de la quête du souvenir à travers l'enquête d'Aster autour du suicide de sa mère, Lune.
Quoi de plus naturel que de retrouver Rivers Solomon impliquée dans l'aventure transgénérationnel autour de l'oeuvre de Drexciya ?
Les Abysses raconte en moins de deux cent pages l'histoire de Yetu, Historienne du peuple des Wajinrus, descendants-sirènes des enfants d'esclaves jetées à la mer car trop encombrantes et improductives.
Par le truchement d'une intervention fantastique de l'océan (ou d'un Dieu caché en son sein), les bébés voués à une mort certaine s'extirpent du ventre des mères-martyres pour devenir des êtres amphibies recueillis par des baleines jusqu'à la prise de conscience de l'une d'entre elle, Zoti, sur la nécessité de rassembler ce nouveau peuple et de lui offrir une mémoire de ce terrible passé.
Race hermaphrodite/intersexuée, les Wajinrus éprouvent différemment l'individualité et le rapport aux autres. Dans cet univers radicalement autre, Yetu, dernière Historienne en date, se charge de recueillir en elle toutes les souvenances des Wajinrus passés. Réceptacle de la souffrance de tout un peuple, Yetu restitue son savoir lors de la cérémonie du Don de Mémoire où tous les Wajinrus se réunissent pour revivre leur naissance et leur histoire tourmentée. Mais Yetu n'en peut plus, Yetu a mal, Yetu est seule, Yetu veut vivre…et elle décide de quitter la cérémonie en cours de route en abandonnant aux autres Wajinrus son fardeau mémoriel.

Qu'est-ce que la mémoire ?
Les Abysses, contrairement à ce que laisse penser son nombre de pages congru, est un roman dense et extrêmement riche.
Son noyau central, c'est ce peuple des Wajinrus et son rapport à la Mémoire, aux souvenirs (appelés souvenances) et à l'Histoire en général.
Rivers Solomon témoigne de l'holocauste noir pour réfléchir sur son apport aux jeunes générations et à tout un peuple.
Le travail de mémoire n'est pas traité ici de façon manichéenne et unidimensionnel, il est multiple, ambiguë, contradictoire, éreintant, libérateur et poignant.
Qu'est-ce que la mémoire ? Voilà la question posée par Les Abysses.
Au lieu d'asséner une réponse lisse et toutes faites, Rivers Solomon montre le beau et le laid, la douleur et la colère, la solitude et le partage.
Pour Yetu, la mémoire est un fardeau, une malédiction, la source d'une souffrance sans fin que d'être le réceptacle de l'Histoire de tout un peuple traumatisé et martyrisé. Que faire de ce poids ? Comment gérer toute cette souffrance quand, à quatorze ans, vous en recevez toute la violence sur les épaules d'un seul coup ?
Rivers Solomon réfléchit sur l'impact de l'Histoire sur les jeunes générations qui la découvrent, sur la solitude et l'horreur que cela peut entraîner si ce passé devient une ancre que l'on ne partage pas, qui nous entraîne vers le fond.
Définir la mémoire prend du temps à Yetu, et bien des peines.
Que devient un peuple qui ne vit que dans le passé ? Et, au contraire, à quoi peut aspirer un peuple qui oublie d'où il vient ?
Le choc des idées offre au roman une force de réflexion protéiforme impressionnante où le lecteur comprend que le besoin de se souvenir n'est pas une chose aussi évidente qu'on ne le pense.
Par l'intensité de sa réflexion et sa transposition à un peuple imaginaire (mais hautement métaphorique), Rivers Solomon dépasse le simple cadre de la cause Noire et parle de tous les peuples qui ont du, un jour, affronter l'horreur du génocide. du juif à l'arménien en passant par le tutsi et l'amérindien.
Les Abysses parle d'abord de ça, de vivre avec son passé, de le partager et d'en faire une chose constructive et non destructrice.
Une chose qui fera grandir et non mourir.

Un seul Monde
À côté de ce travail sur la mémoire, Rivers Solomon présente une espèce radicalement différente, les Wajinrus, et pourtant si proche des « deux-jambes » dont ils sont issus. Dans Les Abysses, comme dans L'Incivilité des Fantômes, c'est un personnage au genre non défini qui nous accompagne et qui découvre que le monde extérieur peut violemment le rejeter pour ce qu'il est. En rencontrant Suka, Yetu éprouve une chose unique et précieuse : l'acceptation.
« Je voulais dire, vous êtes comme nous » lui dira Suka surprise par la possibilité du langage chez cet étrange poisson qui s'est échoué sur la côte.
Rivers Solomon glisse son lecteur dans un corps différent mais qui ne constitue pourtant pas un obstacle à l'amour ou à l'humanité.
Dans Les Abysses, c'est le fait de communier à l'échelle de l'humanité entière qui ouvre la bonté des uns et des autres, c'est le fait de briser les barrières pour faire cause commune et comprendre que l'autre, malgré ses différences physiques ou culturelles, nous ressemble.
Une tolérance qui permet d'exister et de souffrir moins. de vivre même.
C'est le côté organique et sensible des sentiments qui traversent le roman qui rend Les Abysses si intense. Yetu n'est pas seulement une Historienne pour les Wajinrus, c'est le symbole d'un passage de flambeau, d'une nouvelle ère de réconciliation et d'ouverture. le symbole que tout peut changer.
Entre les lignes, le lecteur verra également un couplet écologiste dans Les Abysses, sur ces « deux-jambes » infâmes qui viennent voler les ressources des Wajinrus en les décimant, ces « deux-jambes » qui n'arrivent pas à coexister avec la Nature mais veulent la posséder, la dominer.
Mais surtout, entre les lignes, c'est une histoire d'amour pudique et sincère au-delà des apparences que suivra le lecteur. La rencontre de deux personnes accablées par le poids de la perte, du passé et de la responsabilité. Deux personnes qui ne savent plus si se souvenir est une malédiction ou un fardeau et si la vengeance amènera autre chose qu'un vide nouveau.

Avec Les Abysses, Rivers Solomon confirme.
Elle confirme son talent exceptionnel et sa sensibilité, son intelligence et son sens de la nuance. Roman fantastique dans tous les sens du terme, Les Abysses remue et renverse, comme un ouragan en plein océan, comme une façon de se souvenir et de mûrir sans mourir.
Lien : https://justaword.fr/les-aby..
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Je souhaitais avant tout remercier David Meulemans et les éditions Aux Forges de Vulcain pour l'envoi de ce livre à un râleur invétéré (oui, moi).

Après L'incivilité des fantômes, dont j'avais autant apprécié la démarche militante que regretté l'histoire un peu en retrait, j'ai donc souhaité renouveler l'essai avec l'auteurice, dans une proposition plus courte mais pas moins engagée. Alors, remonte-t-on de cette plongée dans les abysses, ou touche-t-on le fond ?

Petit élément de contexte amusant : le roman est inspiré d'un morceau (The Deep, Clipping) lui-même hérité d'un groupe de musique électronique, Drexciya, qui avait imaginé une civilisation sous-marine née de l'assassinat lors de la traite négrière d'esclaves enceintes, jetées à la mer.

L'incivilité des fantômes m'avait véritablement marqué pour la rage qu'il dégageait. Solomon y abordait des sujets difficiles tels que l'esclavage, le racisme, les violences sexistes et sexuelles, la mémoire… Avec son deuxième essai, l'auteurice poursuit son exploration des ravages de la traite négrière et imagine donc tout un peuple aquatique né de la mort d'esclaves considérées comme inutiles. Ou comment se (re)construire après ça…

Avec une langue flirtant avec le conte, Solomon affiche une maîtrise stylistique que je ne lui avais pas trouvée dans son premier roman. le format, plus court, lui permet d'éviter les quelques chutes de rythme ressenties avec L'Incivilité des fantômes. le tout en proposant une densité thématique rare pour un livre de moins de 200 pages.

Mieux écrit, mieux maîtrisé, Les Abysses n'en oublie pas pour autant ce qui faisait les forces du précédent roman de Solomon : un engagement toujours très fort, et de l'émotion, beaucoup d'émotions. A la rage de L'Incivilité des fantômes s'ajoutent également une certaine mélancolie, une atmosphère parfois plus douce, qui donnent à l'ensemble un meilleur équilibre.

En bref, un roman parfaitement maîtrisé, qui laisse une impression douce-amère.

J'ai aimé :
- L'engagement de l'auteurice
- L'univers proposé
- La maîtrise de l'ensemble

J'ai moins aimé :
- …
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La couverture de ce roman nous plonge immerge immédiatement dans l'histoire de ce peuple issu du trafique d'esclave. Des femmes enceintes et des bébés qui ont muté, des sortes de sirènes. Un peuple qui s'est crée tout seul par la volonté de certaines survivantes et qui s'est donné comme nom les « wajinrus ». Car pour exister il faut avoir un nom, pour survivre il ne faut pas être seul. La narratrice va comprendre l'importance des mots, du langage, des concepts plus abstraits.

Pour survivre il a fallu faire des concessions. Ces créatures ont mis en place un système de mémoire collective dont quelques porteurs appelés historiens sont les réceptacles. Les autres membres n'ont que qu'une mémoire partielle pour créer un peuple où le présent est basé sur les bonnes choses. Une fois par an les historiens déversent cette histoire commune et se rajoutent des évènements de l'année.

Cette fable pose beaucoup de questions. Qu'est-ce qui est gardé pour être transmis d'une génération à l'autre ? L'art des historiens de réécrire pour que ce soit facilement compréhensible et transmissible n'est pas sans danger. Que ce passe t-il si un historien disparait ? S'il ne supporte plus le poids de la souffrance de ce lourd passé ? et de là on passe à l'idée de destinée, une fois désigné comme historien c'est à vie… Il faut de l'abnégation, s'efface pour le groupe.

Quel lien reste t-il entre ce peuple des abysses et ceux de la surface, les deux-jambes ? que ce passe t-il lorsque ces deux mondes se croisent ?

J'ai beaucoup aimé tout ce qui touche à la mémoire. Ajoutez à cela mon autre thématique de prédilection « l'eau » : mémoire, temps, régénérescence, naissance et renaissance… et vous avez une lectrice qui plonge dans cette histoire.

La mémoire collective, la mémoire dans les corps, la relation face à la société… cela donne une communauté où la narratrice utilise le « nous » car elle est elle et elle est son peuple. Au début c'est surprenant lorsque apparaît ce nous, mais on a vite compris le sens profond.

Nous avons donc une nouvelle forme de société qui a débuté par des femmes, elles n'ont pas rejeté les hommes, elles ont trouvé une façon de survivre, pour procréer. Elles sont beaucoup dans l'accueil des autres femmes / enfants venus d'en haut.

Pour ce qui est de la constitution d'une société elles n'ont aucune base venue de l'autre monde. On est dans l'idée de collectif, le tout est un et un est le tout. Elles vont mettre leur modèle de société propre.

On va suivre plusieurs « expériences » ce qui va nous permettre de se faire une idée de ce que vivre dans les abysses implique.

Il y a de nombreuses émotions fortes dans ce roman il est question de vie et de mort, de souffrance et de reconstruction, d'identité et de communauté, de force et de faiblesse… Elle ne montre pas une société idéale ou idéalisée, elle regarde les choses en face.

Je vous laisse maintenant découvrir votre propre interprétation de ce qui est conté et ce qui n'est pas dit car c'est un roman qui fait appel à l'histoire personnelle de chaque lecteur.
Lien : https://latelierderamettes.w..
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Encore une baffe monumentale (décidément ces derniers temps, j'en mange à répétition).
Ce roman est tellement bouleversant, à la fois troublant d'imaginaire et tellement ancré dans la réalité.
La charge émotive est lourde, si concrète et transmise de façon si adroite que lecteur ne peut s'empêcher de communier avec les personnages.
Et, pour souligner la qualité de l'écriture de Rivers Solomon, tout cela est accompli avec une densité incroyable si l'on en juge d'après le nombre réduit de pages.
En dire beaucoup, énormément, en peu de mots, quel talent !
Sublime.
Lien : https://christophegele.com/2..
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Ce second livre de Rivers Solomon est clairement au-dessus du premier, tant dans l'aboutissement et la maîtrise du style d'écriture, que la pertinence et la profondeur du propos . Et si les sirènes étaient né-e-s de l'horreur, de ces femmes esclaves, enceintes, jetées par-dessus bord ? Comment un peuple peut-il vivre en connaissant l'origine traumatique de son existence ? Quelles relations peuvent exister entre ceux qui vivent profondément sous l'Océan et ceux de la surface ? Rivers Solomon aborde pour cela, et avec une grande finesse, la question de l'identité, de l'esclavage, de l'amour et de la survie.
De même, et c'est toujours l'intérêt de lire des auteurices de tout horizons, les personnages de Rivers Solomon transcendent la question du genre et de leur assignation. Grâce à l'Océan, ils se sont libérés du regard normatif qu'un personnage peut poser sur un autre : ils sont pour la plupart non-binaires et intersexes. Et ça fait du bien à lire.
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Yetu est l'historienne Wajinru, celle qui détient la mémoire collective de son peuple. Elle seule sait comment ses ancêtres sont devenus des sirènes. 🧜
Une fois l'an, elle partage ses souvenances avec son peuple lors d'une cérémonie, mais elle profite de cette occasion pour s'enfuir et abandonner pour toujours cette charge insupportable.
C'est ainsi qu'elle va rencontrer le peuple des 2 jambes...

⚠️ comme lu dans plusieurs chroniques, évitez de lire le résumé de l'éditeur avant ⚠️

Les Abysses c'est un court roman afrofuturiste. 🧑🏿‍🚀
Les Abysses, c'est une histoire qui part d'une des plus horribles tragédies de notre Histoire pour créer un monde fantastique au fond des océans. 🐠
Les Abysses, c'est l'histoire émouvante d'une Sirène qui ne supporte plus la charge que son peuple fait peser sur ses épaules. 🏋‍♂️
Les Abysses c'est la rencontre improbable de 2 êtres solitaires. 💔
Les Abysses c'est une histoire poétique qui traite de l'importance de ne pas oublier le passé. ⏰️
Les Abysses c'est à lire absolument ! 📖
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�itation: « Elle ne savait pas si elle disait vrai ou non. Emportée par un souvenir qui n'était pas le sien, elle avait été absente tandis qu'elle dérivait vers les requins qui voulaient la dévorer. Ce moment qu'elle vivait, à cet instant, était-ce réellement le présent ?»🧋

J'ai été très agréablement surprise pas ce livre. J'avais lu le résumé et j'avais un peu peur que je me retrouve dans un univers trop difficile à supporter, avec trop de drames.

Au final pas du tout, je me suis très vite attachée à notre personnage principal, qui voulait juste vivre sa vie. Ce qu'elle ne pouvait pas, car elle était l'historienne. Elle conserve en elle tous les souvenirs de tout son peuple, elle connaît leur passé, elle les subit même parfois. Un poids qu'elle trouve trop lourd à portée, elle en souffre trop.

C'est comme ça qu'un jour lors d'une fête spéciale et annuelle elle va rendre tous ses souvenirs à tous les membres de son peuple et s'enfuir pour la surface. Là elle sera un moment bléssé et elle restera dans un bassin naturel pour reprendre des forces.

Elle perd ses souvenirs petits à petits, mais pas entièrement et elle rencontre une humaine, qui lui apporte du poisson pour qu'elle se nourrisse. La sirène et l'humaine vont apprendre à s'apprivoiser, parler ensemble, échanger jusqu'à ce qu'une tempête dangereuse comment à pointer le bout de son nez au loin.

Elle est causée par le peuple de sirène qui souffre de leurs souvenirs, que va-t-il donc se passer?

Je ne peux pas vous dire sans spoiler tout comme je ne peux pas vous dire les origines de ce peuple de sirène.

Acceptera-t-elle de retourner auprès de son peuple pour les sauver et donc reprendre sur elle le fardeau des souvenirs? Ou bien les laissera-t-elle souffrir au risque de déclencher des cyclones et des tsunamis sur Terre? L'amitié avec l'humaine va-t-elle évoluer ?🎏
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Ne lisez pas la quatrième de couverture !
De quoi est-il question ? Autant le dire d'entrée de jeu, je n'aime pas du tout la quatrième de couverture et nous allons essayer de l'oublier tant elle force la lecture de celle ou celui qui n'est pas encore entré dans l'oeuvre. C'est un roman fantastique qui a pour personnage principal Yetu, une créature marine intelligente, dotée d'une parole et d'une réflexion dans laquelle un point de vue interne nous plonge constamment. Et de plonger, il s'agit bien de cela. Yetu appartient à un peuple des abysses (comme l'indique le titre Français explicitant ce qui est plus polysémique en anglais « deep »). Elle y occupe la fonction prestigieuse d'historienne : à intervalles réguliers, elle se fait littéralement la voix de l'histoire. Cette fonction est en réalité une incarnation puisqu'elle reçoit le passé dans son corps, elle vit, elle souffre ce passé et le transmet à son peuple. Quel est donc l'étrange lien qui unit les Wajinrus aux « deux jambes » qui vivent sur la terre ? Telle est évidemment la question que l'on se pose et que l'enquête de Yetu permettra de découvrir. Car enquête il y aura même si ce n'est pas tout-à-fait celle à laquelle on pense. Yetu décide en effet de rompre, de renoncer à sa fonction et d'aller à la rencontre de la surface. le roman nous plonge dans les profondeurs maritimes mais aussi au plus profond de la mémoire (deep) et pose la question de la transmission . Comment se souvenir ? Comment transmettre la mémoire d'un peuple ? Comment survivre au passé si celui-ci est insupportable ? Qui doit transmettre ? Cette question, Yetu y répond : cela ne sera plus elle. le poids de l'histoire ne peut pas reposer sur un individu unique, il doit reposer sur le collectif tout en ménageant les individus. Mais ce n'est pas tout car Rivers Solomon incarne l'intersectionnalité et la lecture que je viens de faire est réductrice. Disons donc que Yetu est à la fois féminine et masculine, une et plurielle (très beau travail de l'écriture et de la traduction sur les pronoms personnels), animale et humaine. L'autre et nous-mêmes. 'ai particulièrement aimé dans ce roman le motif de l'eau, la mer qui est ici définitivement la mère (oui je sais, cela ne fonctionne pas en anglais). Il y a chez les Wajinrus cette continuité avec le milieu, sorte de liquide amniotique permanent. Pour conclure, il faut remercier les éditions Forges de Vulcain pour cette édition en français de l'oeuvre qui permet également de suivre le projet collectif dans lequel elle s'inscrit car la notion d'autorité de l'auteur est également repensée par Rivers Solomon. Pour lire des extraits cliquez sur le lien ci-dessous.
Lien : https://twitter.com/claire_t..
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