Il nous paraît évident que les marxismes de Luxemburg, des Gauches communistes germano-hollandaises, italiennes, russes, etc., de Bilan, de Socialisme ou Barbarie, d'Invariance, des groupes comme le Courant Communiste International, Théorie Communiste, Bruno Astarian, éventuellement de Anselm Jappe, Robert Kurz et de la Wertkritik, malgré leurs tensions et conflits internes, sont plus intéressants, plus porteurs d'une compréhension réelle du monde comme d'une véritable critique de celui-ci, que les marxismes des morts-vivants que sont les stalino-maoïsmes et autres trotskismes.
Mais en dehors de notre seul goût, comment faire la discrimination ? Bien sûr, il faut s'approcher de la vérité, mais nul n'en a le monopole. Et bien souvent deux positions peuvent paraître également fidèles à la réalité des faits, en rendre compte peut-être aussi bien. Bien entendu, un marxisme qui est devenu doctrine d’État est immédiatement suspect de trahir, à chaque fois que c'est possible, la vérité, et de se draper de mensonge ; cela intervient très fortement dans une simple optique ''scientifique''. Mais il est possible en fait, et au risque de faire hurler tous ceux qui estiment la considération petite-bourgeoise, qu'un critère moral intervienne également dans notre choix. Il n'est pas honteux de le reconnaître : tous ces courants ont été du côté des victimes et non des bourreaux, du côté de la vérité contre le mensonge, du côté de la liberté contre la servitude, de la communauté contre la machine. Si le marxisme peut se regarder dans une glace sans vomir, c'est uniquement parce que ces courants ont existé et subsistent encore.
( J-C Brault et M Goulard, postface : ''Les courants hétérodoxes du marxisme'' )