Voici un court roman gratifié d'un prix littéraire, le prix
Simone Veil en 2016, qui au surplus bénéficie d'une prestigieuse critique de la journaliste
Olivia de Lamberterie qui le présente comme "un livre absolument bouleversant écrit avec une délicatesse inouie".
Mazette ! Il faut s'attendre à une émotion littéraire !
Désolée mais ce ne fut pas vraiment le cas en ce qui me concerne. Ce récit sans fard n'est pas au surplus une oeuvre d'imagination comme je l'ai appris au fil de mes recherches sur Babelio mais il traduit une tragique histoire familiale qui avait déjà fait d'ailleurs l'objet d'un précédent roman en 2004 intitulé "Ca ne se fait pas " et racontant le meurtre du père par la mère puis le suicide de cette dernière dans la foulée.
Manifestement le premier de ces romans n'a pas exercé une puissance cathartique suffisante car l'auteur a éprouvé le besoin de parler à nouveau de sa mère pour chercher à réhabiliter sa mémoire et par la même occasion a mis en lumière sa grand mère maternelle en partant d'un ensemble de lettres et de photographies.
N'aurait-il pas mieux valu laisser l'oubli recouvrir les souvenirs douloureux et entrer de plein pied dans un avenir libéré des démons anciens ?
Ou alors exprimer une colère nourrie d'incompréhension et de rancune ?
Tel n'a pas été le choix de l'auteur qui faisant preuve d'une bienveillance particulièrement charitable a voulu retracer le parcours de ces femmes atypiques caractérisées par leur "allure folle".
Pourtant ce texte m'a paru particulièrement aride voire même décousu tant les deux vies sont survolées de façon lapidaire. J'ai l'impression d'avoir lu une trame de roman tant certains développement manquaient pour faire entrer le lecteur dans l'histoire.
Au surplus, aucune des deux héroïnes ne parait propre à inspirer la sympathie. La grand mère Mathilde, cocotte entretenue qui a cru ferrer un riche industriel italien en lui donnant une fille...et qui n'a pas totalement échoué dans son entreprise, puisque malgré les heurts au sein du couple, l'heureux papa a payé pour sa famille de la main gauche ....et de façon généreuse de surcroit.
La mère et la fille ont bénéficié, si ce n'est de la respectabilité, au moins d'une aisance financière enviable puisque toute notion de travail leur a toujours été inconnue...et qu'elles ont évolué dans des cercles privilégiés, drapées dans leurs carrés Hermès, fréquentant les endroits à la mode et anglicisant leurs prénoms avec un snobisme certain.
Après avoir épousé son amour de jeunesse et lui avoir donné trois enfants , la mère de l'auteur a quitté sa famille pour épouser un autre homme et faire trois autres enfants avec lui avant de l'abattre puis de se donner la mort. Bien sûr, elle s'est dévouée pendant la seconde guerre mondiale au sauvetage d'enfants juifs, suivant les traces de son premier mari engagé dans la Résistance. Elle est devenue une "Juste" dont le nom est gravé au Yad Vashem. Cela devait être dit, ne serait-ce que pour rappeler que chaque être humain est complexe et que les héros ne sont pas tous faits de la même étoffe.
Mais le premier devoir d'une mère n'est il pas de veiller sur ses propres enfants et de leur apporter l'amour et la protection qu'ils sont en droit d'attendre ? Se trouver confrontée à l'infidélité d'un homme, bien sûr cela fait mal mais si toutes les femmes trompées réagissaient avec autant de hargne, la courbe des décès croitrait de façon exponentielle ....Si les trois premiers enfants avaient encore leur père pour prendre soin d'eux, que restait-il aux trois suivants ? L'opprobre frappant la meurtrière ? La solitude et la tristesse d'avoir tout perdu ?
Bien sûr il est facile de condamner et de hurler avec les loups contre ceux qui se sont égarés du droit chemin et il faut quand même parfois faire preuve d'empathie, mais jamais je ne pourrai éprouver la moindre sympathie pour une mère qui abandonne sa progéniture à un triste avenir plombé par le double drame qu'elle lui a fait vivre.
Quelle tristesse pour cette famille ....et le temps n'apaise pas toujours la douleur , la preuve puisqu'on éprouve encore le besoin d'en parler si longtemps après.
Une lecture décevante .