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3,73

sur 384 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
A travers l'histoire de Freddy, le fils illégitime de Marx, Spitzer semble prendre le parti de valoriser, pour reprendre une formulation de Marx : "la critique des armes" sur "les armes de la critique". C'est plutôt bien écrit (même si, ça et là on pourrait trouver à y redire) et c'est surtout une histoire rapidement prenante et aux échos historiques et sociaux forts intéressants. La seconde partie de l'ouvrage est indéniablement le point fort du récit même si l'ensemble est cohérent. Je n'arrive toutefois toujours pas à savoir si l'ambition de ce roman est de raconter une histoire peu connue ou de nous faire voir la face obscure de révolutionnaires de plumes (réduction qui serait injuste) en insistant bien davantage, en ce qui concerne Marx et Engels, sur leurs travers de petits bourgeois dominateurs (Marx et son personnel féminin de maison) et encore leurs ambivalences voire leurs incohérences (la plus grande étant l'affairisme d'Engels, dans une industrie cotonnière qui eut partie liée avec la pire des exploitations humaines mais aussi avec des choix en matière technologique - le recours à la machine à vapeur, contre toute logique économique - aux conséquences environnementales désastreuses ; les lecteurs de L'anthropocène contre l'histoire d'Andreas Malm comprendront sans peine ici la référence)...?
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Inspiré d'une histoire vraie, le récit s'articule autour de personnages ayant réellement existé : Friedrich Engels et Karl Max, les philosophes théoriciens du socialisme et du communisme, leurs compagnes Johanna, Marie et Lydia Byrn et bien sûr Freddy, le héros du roman et fils caché de Marx.

Avec ce roman bien écrit et documenté, Sébastien Spitzer nous plonge dans la misère du peuple londonien et dans une ambiance que n'aurait pas renié Charles Dickens lui-même. L'histoire est bâtie autour d'un bâtard recueilli par une Irlandaise qui a fui la famine de son pays.

Elle va s'attacher à cet enfant pour qui elle volera et se prostituera sans jamais lui révéler qui est son père, ça, il l'apprendra bien plus tard. Son géniteur, Karl Marx, réfugié dans la capitale anglaise rédige sa grande oeuvre, le capital, en gardant des habitudes bien bourgeoises, quel paradoxe ! Et ceci grâce à l'argent gagné par son cher ami Friedrich Engels qui finance son train de vie de plus en plus luxueux.

Ce roman se lit fort bien, l'histoire est intéressante et riche d'enseignements : j'ai aimé découvrir Engels que j'ai trouvé très touchant, humaniste qui, malgré sa condition d'homme riche, veut une meilleure répartition des richesses.

Idéal qu'il partage avec Marx qui, pourtant, mène sa vie bourgeoise sans l'ombre d'un remords et ne fait rien pour amorcer la révolution qu'il appelle de ses voeux. J'ai détesté ce personnage que j'ai trouvé antipathique tout comme sa femme Johanna.

Pourtant, ce roman a plusieurs voix n'a pas su m'emporter réellement malgré sa qualité littéraire. Si j'ai bien aimé Charlotte et Freddy, j'ai trouvé qu'ils manquaient tout de même d'épaisseur et de profondeur et le dernier tiers du récit m'a un peu ennuyée.

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Petite déception... Est-ce parce que j'attendais beaucoup du deuxième roman de Sébastien SPITZER après le magnifique "Ces rêves qu'on piétine"? Toujours est-il que je n'ai pas retrouvé le même souffle romanesque au point d'avoir un peu traîné des pieds pour le finir. ..
Pourtant le sujet avait de quoi m'intriguer et me donner envie de me plonger dans ce roman construit autour d'une histoire méconnue: le destin du fils bâtard de Karl Marx. Nous sommes à Londres en 1860 où le théoricien de la révolution est réfugié avec sa famille. Son ami fidèle, Friedrich Engels, se charge alors de confier l'enfant indésirable à Charlotte, jeune irlandaise pauvre qui n'aura de cesse de le protéger des différentes menaces qui pèsent sur lui. Sur fond de crise économique, les destins de tous ces protagonistes vont se heurter à la grande Histoire de la révolution industrielle.
Tous les ingrédients étaient réunis pour me séduire complètement ! La présence de figures connues, un livre très documenté, fouillé, l'atmosphère du Londres de l'époque semble t'il bien restituée et une histoire qui ne manque pas de rebondissements. Je suis d'ailleurs tout de suite rentrée dedans! Mais j'ai eu du mal à m'attacher au personnage de Freddy et l'enchaînement parfois décousu des événements m'a gênée. Bref, il m'a manqué un petit quelque chose pour être entièrement conquise et faire battre mon coeur comme je l'espérais!
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"Prend-on la vie autrement que par les épines ?" - René Char, "Retour amont"

"Combien de femmes faut-il pour faire un homme ? Freddy en a eu deux. C'est son algèbre intime. Une pour le mettre au monde. Une seconde pour l'élever."

Londres. Deuxième moitié du XIXe siècle. "[La] capitale de l'empire le plus puissant de l'histoire. […] l'Empire britannique porte en lui ses propres contradictions. Les cloaques des faubourgs étendent leur lie jusqu'au pied des beaux quartiers."

La révolution industrielle, la prospérité fragile, et les richesses ostentatoires qui côtoient la misère la plus sordide. "La fortune des machines, puissantes, increvables, aggrave la misère des serre-boulons parqués dans des taudis."

Le capitalisme. "L'argent est un vampire sans maître, jamais rassasié."

Le drame irlandais. "En trois ans, le mildiou réduisit en bouillie infâme et malodorante tous les plans de pommes de terre d'Irlande."

L'antagonisme avec l'ennemi de toujours. "Les vieux Anglais si bons n'avaient laissé aux Irlandais que le varech et la tourbe."

C'est dans cet ici et maintenant que Charlotte, émigrée irlandaise, arrive dans l'East-End de Londres. Elle est enceinte de son premier enfant – un fils, elle en est sûre - dont le père, comme beaucoup d'Irlandais, est parti chercher fortune outre-Atlantique. Sans le sou, elle a dû vendre ses longs cheveux auburn contre deux misérables shillings. Agressée, Charlotte perd l'enfant qu'elle porte, mais "la vie étant soeur de hasard" (S. King), elle place sur son chemin le docteur Malte, homme providentiel qui, non content de lui sauver la vie, lui confie un nourrisson, Freddy, le fils naturel que Karl Marx a eu avec Nim, la bonne.

"Freddy n'a pas de pays. Il est l'enfant de personne et de nulle part."

Cette fresque est habitée de personnes réelles et de personnages fictifs : Marx, la baronne Johanna von Westphalen son épouse et leurs filles, Friedrich Engels et ses conquêtes, des pairs du royaume, des syndicalistes, des ouvriers exténués, laminés, des fenians et des femmes… de si beaux personnages de femmes.

Beaucoup de destins s'entrelacent, souvent s'entrechoquent, alors même que Sébastien Spitzer tresse faits historiques et inventions "dans ce livre [où] tout est vrai, ou presque", tisse des destinées individuelles avec celle d'une société et d'un pays en proie à une profonde mutation.
C'est indéniable, un vent romanesque souffle dans ce roman fort bien documenté sur l'Angleterre victorienne : la guerre de Sécession et les répercussions du blocus sur les manufactures textiles anglaises obligées de fermer les unes après les autres, les réunions clandestines, les émeutes et la répression aveugle, la révolte irlandaise contre le joug de la Couronne, jusqu'à l'émergence d'une vision socialiste au travers de ses deux figures emblématiques, Friedrich Engels et Karl Marx, dont l'auteur ternit quelque peu l'aura.

Ces deux-là ont été contraints à l'exil après la publication du Manifeste du parti communiste. le premier est sommé de gagner Manchester et d'y prendre la direction de l'entreprise textile familiale, le second s'abîme dans la rédaction du "Capital". le roman met en lumière leur curieuse relation en plus de souligner leurs contradictions intimes. Engels est cet homme ambigu qui rêve d'une révolution ouvrière alors qu'il emploie plusieurs centaines de tâcherons dont il n'hésitera pas à se séparer, la crise venue. C'est un être complexe, aux moeurs aussi dissolues que son amitié pour Marx est indéfectible. Engels paie tout, absolument tout des dépenses somptuaires de Marx. Il s'occupe également de lever les obstacles pour que le Maure se consacre tout entier à l'écriture du "Capital", dont on se prend à douter qu'il voie le jour. Quand Engels est dans l'action, Marx cogite. Ce "bon à rien", "infoutu de gagner le moindre penny", vit dispendieusement aux crochets d'Engels. Marx ? un écornifleur ? Oui.

Mais ces hommes, aussi intrigants soient-ils, n'éclipsent pas les sublimes personnages féminins qui sont l'un des coeurs battants de ce roman. À commencer par Charlotte, personnage fictif dont on ne peut que louer le courage farouche face à l'adversité la plus tenace :

"Charlotte est bonne-maman. Elle est à la fois sa complice, son soleil, l'adulte qui dit non, l'amie qui dit oui."
"C'est lui qui l'a relevée, Freddy. C'est bien lui qui l'a soutenue quand elle était à terre. Il est son presque fils, son plus que fils, devenu l'homme de sa vie. Elle s'était dit qu'une mère, ça donnait des racines et des ailes. Freddy n'a pas de racines. Il est né dans la boue. Il a grandi dans un taudis. Mais ses ailes ont poussé."

Et que dire de Mary et Lydia, les bien réelles soeurs Byrnes, petites mains prêtes à tout accepter, à tout sacrifier pour Engels dont elles sont toutes deux éprises, ou pour une cause qu'elles trouvent juste, quitte à se réinventer ?

"Les femmes savent faire cela. Elles savent rendre les hommes heureux."

Et Freddy, le petit gars grandi dans le plus extrême dénuement matériel avec pour seule richesse l'amour inconditionnel et bienveillant de Charlotte ? Il vit, souffre, tombe, se relève avec une opiniâtreté peu commune. Contrairement à son père trop occupé à rédiger son grand oeuvre, pour Freddy la lutte se fait dans l'action.

"Le coeur battant du monde" nous embarque dans une Angleterre qui suinte la misère, souffre, proteste et menace de se soulever. On vit au plus près des personnages, des manufactures jusqu'aux maisons closes, des cloaques jusqu'aux résidences cossues, de l'Angleterre jusqu'à l'Irlande et retour.
C'est rude, c'est dur, c'est violent. Mais c'est également aussi sombre que lumineux.

Pour son second roman, Sébastien Spitzer a repris la recette - celle du docufiction - qui, il y a deux ans, avait fait le succès mérité de "Ces rêves qu'on piétine", paru aux Éditions de l'Observatoire : aller fouiller dans les plis de l'Histoire pour mettre au jour l'incident escamoté, la péripétie commodément balayée sous le tapis.
Bien que l'appareil soit le même ici comme on dit en cuisine, il m'a semblé que cette fois la sauce prenait un tout petit peu moins bien. Loin de moi l'idée de mettre en doute les qualités de conteur de Sébastien Spitzer, de mésestimer les remarquables recherches documentaires - l'auteur n'est-il pas journaliste ?- et d'oublier combien elles ont opportunément et naturellement trouvé leur place dans la trame du récit.
Alors, à quoi tient ma légère déception d'aujourd'hui ?
Peut-être à ma réticence à voir un auteur réitérer l'exercice en choisissant de recourir à un même ressort au risque de s'enfermer dans ce qui a fait son succès chez un autre éditeur. "Le coeur battant du monde" est plus brouillon, plus touffu car, paradoxalement, plus (trop ?) travaillé (j'assume la contradiction !) ; il n'évite pas des dialogues parfois prosaïques et se (me) perd dans des descriptions qui dilatent inutilement un texte par ailleurs fiévreux et haletant. Et je n'y ai pas tout à fait retrouvé cette écriture aérienne, poétique, si spontanée et habile pour creuser à l'essentiel, et qui m'avait tant plu.

2e roman, lu pour la session automne 2019 des #68premieresfois

Lien : https://www.calliope-petrich..
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