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René Breiz (Traducteur)
383 pages
Payot - Paris (15/09/1949)
5/5   1 notes
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De son vrai nom Digby George Gerahty, le britannique Robert Standish fut un écrivain prolifique de l'après-guerre. Homme discret, vivant dans l'ombre d'un frère cadet acteur et d'un frère aîné journaliste (ce qui l'obligea doublement à recourir à un pseudonyme), Standish fut le plus tardif à trouver sa vocation, en partie parce que né à la fin du XIXème siècle, il fut mobilisé pendant la Première Guerre Mondiale. Durant les Années Folles, il semble que Standish se soit découvert une immense passion pour les pays d'Asie, et y ait fait de nombreux voyages, au moins jusqu'au début des années 30 où il semble se fixer un temps en Écosse et y travailler dans la publicité. de son propre aveu, il aurait contribué en 1933, avec l'aide de collègues publicitaires, à la création de toute spièces du mythe du monstre du Loch Ness. Si le fait n'a jamais été confirmé par de tierces personnes, il faut bien admettre qu'une fumisterie aussi baroque est bien dans l'esprit littéraire de l'auteur, lequel, étant célèbre et reconnu comme un écrivain "sérieux", n'avait guère d'intérêt à mentir.
Robert Standish se lance tard en littérature, presque quinquagénaire, mais il fut extrêmement prolifique jusqu'à sa mort, signant une quarantaine de romans et de recueils de nouvelles, dont seulement quinze ont été traduits en français, avec un succès hélas modéré. Pourtant, Robert Standish était un immense écrivain, ses livres se remarquent par l'extrême soin de leur rédaction et par la richesse de leurs intrigues. Ce style sans doute un peu trop académique, ainsi que l'âpreté exotique de romans situés souvent en des terres asiatiques relativement peu connues du public français, expliquent sans doute que Standish n'ait pas été reconnu en France à sa juste valeur alors que, ironie du sort, il s'y est fixé définitivement et il y est enterré. Néanmoins, l'influence de son oeuvre à l'international, et particulièrement sur celle du romancier américain James Clavell est indéniable.
« La Piste des Éléphants », sixième roman de Robert Standish, est son oeuvre la plus célèbre. Cette chronique coloniale située à Ceylan (l'actuel Sri-Lanka) connut une faveur extraordinaire à sa sortie en 1948. Bien que le roman soit une brillante réussite, ce n'est pas une oeuvre facile d'accès, l'auteur y entremêlant dans une extrême complexité de nombreux personnages tourmentés au sein d'une gigantesque exploitation de thé.
"Elephant Walk" est une grande marque internationale de thé de Ceylan. C'est aussi une industrie de plusieurs hectares faisant travailler plusieurs centaines d'indigènes. C'est enfin un gigantesque bungalow aux allures de château construit au milieu d'une piste qu'empruntaient alors les éléphants, et dont le nom de la marque est inspiré. Tout cela est le rêve de Tom Wiley, un de ces grands défricheurs britanniques et coloniaux du XIXème siècle, qui a construit sur l'île un empire du thé qu'il a légué après sa mort à son fils John, lequel hélas n'a pas le charisme redoutable de son père. S'il est un bon directeur pour sa multinationale, John est un homme effacé, solitaire, volontiers alcoolique. Préparé depuis l'enfance à gérer cet empire, appuyé par le fidèle Appuhamy, le vieux serviteur inflexible de son père, John a un peu oublié de vivre lui-même à force de prolonger la vie de son père. Aussi, lors d'un séjour en Angleterre, il rencontre et séduit la jeune Ruth, une jeune femme charmante mais peu fortunée, qui voit dans la passion tardive de cet aventurier colonial une bonne occasion de changer de vie. Sur un coup de tête, les deux tourtereaux convolent, et un mois plus tard, tout le personnel de la compagnie "Elephant Walk" assiste, sidéré, au débarquement imprévisible d'une Mme Wiley.
Pour Ruth, en dépit du luxe incroyable de cette vie nouvelle, c'est le début d'une profonde désillusion. Tout d'abord, elle réalise qu'elle est la seule femme dans un monde d'hommes : tous les exploitants de l'île s'invitent chaque samedi dans l'immense bungalow, pour se détendre, discuter et fumer des cigares. Aucun d'eux n'est marié, tous évacuent leurs pulsions avec les indigènes locales, qui ne sont pas farouches et qui leur servent aussi de ménagères dociles. Ensuite, John, son mari, lui apparait dans toute la misère de son caractère faible. Bourreau de travail, il part tôt le matin et ne rentre qu'à la nuit tombée. le reste du temps, il boit ou discute avec ses amis. Ruth réalise à quel point il est littéralement possédé par « La Piste des Éléphants » et par le spectre toujours entretenu de l'ancêtre paternel.
Enfin, la propriété est régulièrement menacée par un vieil éléphant mâle, qui cherche à pénétrer dans la propriété et qu'il faut poctuellement repousser à coup de fusil. Nul ne le sait, mais alors qu'il était éléphanteau, cet animal accompagné de sa mère avait vu s'ériger le bungalow de Tom Wiley en plein milieu de la piste ancestrale des éléphants. Alors qu'ils tentaient quand même de passer, Tom Wiley avait abattu la mère et blessé l'éléphanteau d'une balle. Depuis, l'animal continue à tourner autour de cette propriété, rêvant du jour où il pourrait la détruire.
Progressivement délaissée par son mari, se heurtant à l'inflexible Appuhamy dès qu'elle prétend apporter une innovation à l'immuable rituel de « La Piste des Éléphants », Ruth Wiley se rapproche de l'assistant de son mari, Geoff Wilding, un baroudeur séduisant, aux idées anticoloniales modernes, et qui met un point d'honneur à vivre en célibataire, sans se compromettre avec les autres. Elle partage avec lui une amitié qui évolue très vite en adultère. Son mari John n'y voit que du feu, mais Appuhamy s'aperçoit de la trahison. Heureusement, la survenue de la Première Guerre Mondiale voit Wilding, encore jeune, contraint à la mobilisation et au retour en Angleterre.
Lorsqu'il revient à Ceylan trois ans plus tard, légèrement blessé, ce n'est plus tout à fait le même homme. Les horreurs de la guerre l'ont rendu cynique et désabusé, mais il tient à reprendre sa relation avec Ruth, laquelle ne tarde pas à comprendre qu'elle n'est plus pour Wilding qu'une revanche égoïste sur la vie. À l'occasion d'une épidémie de choléra, Ruth réalisera que le très progressiste Wilding ne cherche qu'à fuir l'île en sa compagnie, en abandonnant les indigènes à leur sort, tandis que John, sortant brusquement de son éthylisme, s'en va soigner et vacciner ses employés, au risque de sa propre santé. Ruth restera finalement en compagnie de son mari, petit à petit délivré de l'influence mortifère de son bungalow, tandis que les éléphants, profitant de la détresse des hommes, reprendront l'usage de leur piste, effaçant les derniers souvenirs de la mégalomanie de Tom Wiley…
« La Piste Des Éléphants » est remarquable pour ce portrait d'une industrie coloniale à la fois rongée par la folie de son patriarche et contaminée par les superstitions bouddhistes de ses habitants. La romance adultère qui se greffe sur cette situation fausse en révèle davantage toutes les faussetés. En fait, personne ne peut être soi-même à « La Piste des Éléphants », parce que le patriarche Tom Wiley a défini les rôles de chacun du fond de sa tombe, et que cette immense bungalow jeté en travers d'une piste naturelle est une aberration, autour de laquelle rien ne peut fonctionner normalement.
« La Piste des Éléphants » vaut pour son extrême réalisme dans l'évocation d'une situation originale et inextricable, au sein d'un contexte colonial à la fois luxueux et totalement isolé, jusqu'à en être étouffant. En ce sens, ce n'est pas forcément un livre agréable à lire, car sans pour autant coller aux codes ordinaires d'un thriller, c'est un roman qui dégage en permanence une oppression inquiète au sein d'un environnement hostile. Mais en revanche, c'est un travail narratif remarquable, inventif, d'une grande cruauté et d'une totale originalité.
Le roman fit l'objet d'une coûteuse et difficile adaptation hollywoodienne en 1954. Tourné initialement sur place, à Ceylan, le film fut interrompu par le rapatriement d'urgence de la comédienne principale, Vivian Leigh, qui souffrait alors d'importants troubles bipolaires et pour laquelle le rôle et le climat de l'île furent trop éprouvants. Au final, toutes ses scènes furent retournées à Hollywood avec Elizabeth Taylor, qui y est remarquable mais qui de ce fait, n'a jamais mis elle-même un pied à Ceylan. le film toutefois est moins une transcription du livre qu'une interprétation un peu fantastique du récit, la hantise quasi-surnaturelle du patriarche Tom Wiley étant mise bien plus en avant que la relation adultère de Ruth, certains personnages étant supprimés et l'histoire étant resituée à l'époque contemporaine. Néanmoins, à défaut d'être fidèle, ce film est un bon complément au roman, en partie grâce à l'extraordinaire travail visuel et aux décors grandioses conçus pour le film. Malgré ses difficultés de production, ce fut un estimable succès qui acheva de lancer durablement la carrière de Robert Standish en tant que romancier d'aventures exotiques. Encore que ce roman-ci témoigne d'un talent littéraire bien supérieur au caractère dépaysant et exotique auquel on l'a trop souvent résumé.
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