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4,03

sur 767 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
" Fallait - il que je meure pour te prouver que tu ne pouvais vivre sans moi ? " écrit à Asta , d'outre -tombe , Joseph qui fut son grand amour " .
" Avons - nous un autre but dans la vie que celui de naître, de tousser deux ou trois fois , puis de mourir ? "
Voici un roman construit comme un puzzle géant , non linéaire, sans continuité oú le lecteur devra maintenir son attention constamment, ce qui risque de détourner ou décourager nombre d'adeptes.....Difficile d'écrire une chronique !
Mais quel roman !
On dirait que le romancier Islandais n'a que faire de mettre à l'aise son lecteur et de le tranquilliser :" Il est impossible de raconter une histoire sans s'égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer , non seulement une fois mais au moins trois--- ---car nous vivons en même temps à toutes les époques" ..-----
Nous voilà prévenus...

L'histoire d'une femme Asta : Reykjavik , début des années 50 ( un prénom dérivé du mot " amour", Ast en islandais )..de sa naissance à sa vieillesse ..


Une séquence conte l'amour fou , charnel,exalté entre Sigvaldi, la trentaine avec Helga, 19 ans, belle, d'une beauté aussi impardonnable qu'incompréhensive, vibrante duquel naîtront deux filles en deux ans , Sesselja puis Asta....
Puis l'auteur rompt le rythme de l'histoire une 1ère fois : vingt ans plus tard , Asta vit à Vienne, suit des études de théâtre en même temps qu'un traitement psychiatrique ....
Quand à Sigvaldi il est tombé d'une échelle , tandis qu'il agonise sur le trottoir ses souvenirs refont surface emmêlés , en désordre qui brassent une grande partie du roman : instants de vie, paysages dans lesquels s'inscrivent les époques , les pays pour recoller les piéces d'une Fresque Familiale :
Helga , la femme aimée passionnément, Asta et Sesselja, Sigrid , Josef,..
L'auteur écrit surtout sur " la maniére qu'a le destin d'ouvrir les portes " .
Ses mots nous brûlent et nous entraînent au coeur de cette fresque familiale envoûtante, puissante , inédite , originale, sociale, charnelle, spirituelle ,contemporaine , urbaine (Reykjavik) houleuse (auprès des fjords de l'ouest), et place l'amour surtout avec un grand À au centre : amour paternel, maternel, filial , fraternel, passion amoureuse . ....
Pour l'auteur c'est la capacité d'aimer et de souffrir qui confére à l'existence humaine son intensité et qui la justifie.

C'est l'amour dans toutes ses définitions, la vie et rien d'autre entre microcosme familial et macrocosme universel, la confiance et la connivence , l'inexpiable échec, le chagrin éternel, la compassion pour tout ce qui vit et souffre, la brièveté de l'existence ... le temps qui passe qui efface tout.

Oú l'on croise des Poétes et des écrivains , oú l'on entend de la musique : Ella Fitzgerald, Elvis Presley, Nina-Simone , Billie Halliday ...

C'est une oeuvre foisonnante, pétrie de sensibilité , de poésie , ample, profonde , exaltante qui signe d'une façon fragmentée le fil de la vie d' Asta ....merveilleusement traduite, tissée d'amour , de bonheur , de grâce et d'infinie noirceur .....de tout ce qui peut suspendre le temps ...
L'écriture est sensuelle , charnelle, vigoureuse , un VOLCAN islandais ....

Difficile de traduire en mots ce lyrisme , ces sentiments plus grands que nous et ces vies qui s'enlisent sous nos yeux malgré une incessante pulsion de vie et une quête inlassable du bonheur.
L'auteur est un conteur ensorceleur, singulier, capricieux . Sa logique narrative nous rend impatient ...... Il dit "L'amour" dans Toutes ses déclinaisons et touche à l'universel .
Je salue son travail .
Ce n'est que mon avis , bien sûr !
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Àsta, enlevez le a final et vous obtenez amour en islandais, mais vous tenez surtout un des refrains du roman. C'est en effet d'amour dont il est souvent question dans ces tranches de vies familiales et amoureuses, entremêlées et souvent tumultueuses, donnant au final l'image d'une saga quelque peu dynamitée. Car si le début nous amène sur la conception d'Àsta par ses parents Helga et Sigvaldi, le parcours narratif ne sera pas linéaire loin de là, nous informe vite l'auteur : «Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit du berceau à la tombe. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les évènements passés que dans le présent.»
Une narration rythmée par les souvenirs du père d'Àsta tombé d'un immeuble dont il repeignait la façade. Désormais étendu sur le trottoir il s'adresse (ou croit s'adresser) à cette norvégienne réconfortante, lui transmettant les épisodes de sa vie qui défilent dans sa mémoire au gré du vent. Une narration rythmée aussi par les lettres d'Àsta à un amour perdu, ou encore par les nouvelles que nous donne l'auteur du récit depuis sa retraite au fin fond des fjords de l'Ouest, avec pour seul voisin un entrepreneur de tourisme local pour le moins envahissant. Autant dire que l'on navigue entre les époques et les personnes, sans se perdre pour autant, on construit le puzzle au diapason d'une prose toujours aussi poétique et lyrique, profonde, sous tension permanente de questionnement sur le sens de la vie.
Et c'est magique, comme toujours avec Jon Kalman Stefansson. La lecture est envoûtante sous les décors contrastés d'Islande. Les lumières d'été et les nuits d'hiver y sont comme des pendants de la vie et la mort, les personnages si humains prennent corps sous les étoiles qu'allume l'auteur.
Encore une bien belle réussite à mes yeux, pour un auteur (souvent associé au travail de son traducteur Eric Boury) dont je suis résolument fan.

« Je le mesure depuis maintenant six mois et un jour. Les résultats sont disponibles : il s'avère que mon manque de toi dépasse les limites du monde des vivants. En réalité, il les dépasse tellement qu'il engendre une certaine agitation jusque chez les défunts. »
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***** COUP DE COEUR *****

"Je suis un poète raté. Peut-être que tout romancier désire commencer par écrire des poèmes, découvre qu'il ne peut pas et aborde alors la nouvelle qui, après la poésie, est la forme littéraire la plus exigeante. Et c'est seulement après avoir échoué là qu'il se tourne vers le roman". Voilà ce que disait Faulkner dans un entretien donné à Jean Stein en 1916.

Contrairement à Faulkner, Jón Kalman Stefánsson, comme tous les grands auteurs islandais, est, lui, un poète accompli qui démontre que l'art du roman est tout aussi exigeant que celui de la poésie, car c'est la poésie qui donne naissance aux univers créés par le romancier islandais.

☆☆☆☆☆

Livre après livre, Jón Kalman Stefánsson construit une oeuvre littéraire digne des plus grands auteurs classiques. L'Islande est son terreau, comme le Mississippi l'était pour Faulkner où le Lavaux pour Ramuz...

"D'aucuns affirment que les fjords de l'Ouest ressemblent plus à une symphonie qu'à un paysage et qu'il est donc vain de chercher à les dépeindre en recourant à des mots, fatigués et galvaudés par des milliers d'années d'usage." (p59/60 *)

"Cette ombre couvre parfois une grande partie du fjord. Alors le ciel des poissons s'assombrit et ils croient que c'est la mort qui vient." (p70 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA est une merveille. Il fait partie des meilleurs livres que j'ai lu dans ma vie. L'écriture de Jòn Kalman Stefánsson y est à son paroxysme. Il explore l'existence, de la vie jusqu'à la mort, cette...
"mort qui ne comprend rien. C'est ce qui la rend aussi impitoyable." (p225 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA, c'est une réflexion sur le bonheur même si...
"Le bonheur éternel n'existe pas. En tout cas dans le monde des hommes. Heureusement, peut-être. Sinon qu'adviendrait-il des couleurs et de la diversité de la vie ? Ne risqueraient-elle pas de se ternir, la réalité de s'anesthésier, la morne platitude d'envahir les jours, et même la nuit : ne risquerions-nous pas de sombrer dans la folie, de finir par nous piquer aux amphétamine pour mettre le réel en mouvement ?" (p269 *)

Mais Jón Kalman Stefánsson nous rappelle qu'il faut le chercher dans les choses simples, comme un paysage au clair de lune...
"... peu de choses sont plus belles en ce monde qu'un paysage au clair de lune. Celui qui n'est jamais sorti en août sous la clarté de l'astre de la nuit quand les montagnes n'ont plus rien de terrestre, que la mer s'est changée en miroir d'argent et les touffes d'herbe en chiens endormis - celui-là n'a jamais vraiment vécu et il faut qu'il y remédie." (p246/247 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA, c'est une interrogation sur notre monde qui part en décrépitude par la faute de l'homme....
"... qui parmi nous survivra aux ténèbres qui en ce moment ravagent la planète ?" (p263 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA, comme tout grand livre, va dérouter son lecteur ou sa lectrice car...
"Il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent." (p36/37 *)

Bref, il ne faut pas avoir peur de lâcher prise, de se laisser aller, voir même de s'égarer. Mais surtout il faut persévérer...
"Or les lecteurs assidus, surtout quand se sont des lectrices, sont plus ouverts que d'autres aux souffrances de la vie. La poésie et la littérature les rendent plus sensibles." (p53 *)

Avec ÀSTA, je me suis attardée sur des phrases ou des passages, les relisant et les relisant encore et encore. Bref, c'est un livre où le temps n'existe plus et où...
"Parfois, le silence est plus parlant que les mots. Il en dit beaucoup plus et le dit sans ambiguïté. Il entre en nous comme une balle de fusil, comme un couteau. Ou comme de l'acide chlorhydrique. le silence dissipe les doutes que laissent planer les mots." (p386 *)

☆☆☆☆☆

Il faut lire Jón Kalman Stefánsson !

"Parce que c'est de ça que ce maudit monde a besoin en ce moment : des livres écrits pour fendre les ténèbres !" (p427 *)

☆☆☆☆☆

Mais si nous pouvons ressentir toute la magie contenue dans ÀSTA, c'est grâce à la somptueuse traduction d'Éric Boury (un des meilleurs traducteurs actuels) qui arrive à retranscrire en français la poésie islandaise contenue dans la merveilleuse écriture de Jón Kalman Stefánsson.

Alors mille mercis à toi Éric et continue de nous faire découvrir cette littérature islandaise pour laquelle j'ai eu un énorme coup de coeur.

☆☆☆☆☆

ÀSTA de Jón Kalman Stefánsson
Traduit par Éric Boury

Éditions Grasset & Fasquelle (GF)
Éditions Folio (poche)

☆☆☆☆☆

* toutes les indications de pages proviennent de l'édition Folio (poche)
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« Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent ».


Manifestement, le narrateur nous a donc baladés l'espace d'une vie en se jouant du périmètre de l'âge. S'il commence bien par la conception de Asta, il continue par la chute de son père des années plus tard sur le trottoir, chute entrainant une cohorte de souvenirs de tout acabit et de toute époque, et puis il nous emmène dans les fjords de l'Ouest de l'Islande pour les 15 ans d'Asta, nous fait faire un bond dans le futur pour que nous assistions à l'âge mûr d'Asta, nous fait revenir à ses tentatives de suicide, ensuite à Vienne où une Asta libérée mais déchirée nous apparait bien cynique, et ainsi de suite jusqu'à un événement tragique dont je ne dirai rien – un de plus, de toute façon-.
Un leitmotiv : les lettres qu'Asta écrit à son amour qui l'a quittée en lui lançant une phrase terrible : « Je suis absolument certain que tu iras loin avec ta chatte ».


J'ai adoré ce va-et-vient entre les différentes époques, j'ai adoré repérer aux indices dont le narrateur parsème son texte les états d'âme d'Asta et par là, son âge ainsi que la situation et les états d'âme des autres membres de sa famille. A vrai dire, sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille, et elle a de qui tenir. Sa mère Helga est une forte personnalité, un sale caractère, mais belle à damner tous les saints, encore plus belle qu'Elisabeth Taylor. Asta lui ressemble, énormément, par son mal-être et son désir d'aimer et d'être aimée. Mais pas caractérielle comme sa mère, non.


J'ai adoré suivre la vie d'Asta au gré des rencontres des personnes qui ont façonné sa vie et sa façon d'être, au gré du malheur, des quelques moments heureux, de l'espoir, et souvent du désespoir.
C'est une occasion pour le narrateur (on ne saura jamais qui il est vraiment) pour donner sa propre vision des choses, et de distiller des pensées si profondes, si humaines que j'aurais dû les noter au fur et à mesure. C'est qu'il y en a tellement!


Vraiment, je recommande ce livre si chaleureux malgré ses coups du sort, si intimiste malgré la vie mouvementée de ses personnages.
Asta, aux « commissures des lèvres comme calquées sur des larmes », m'a attachée à la vie, à l'amour, à la nature si revêche d'Islande, m'a retenue aux portes de la mort, m'a fait apprécier davantage la philosophie et la poésie. Car après tout, c'est ce qu'il nous reste, au seuil de la vieillesse, non ? En tout cas, c'est ce que le narrateur nous envoie comme message...
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Un magnifique roman islandais, un texte pas si facile d'accès, mais d'une grande qualité d'écriture et d'émotion.

Avec ses chapitres discontinus qui passent des souvenirs d'un homme étendu sur le sol pour mourir aux lettres d'une femme à son amoureux ou aux réflexions d'un écrivain, il n'est pas facile de s'y retrouver. Il faut accepter le plaisir de s'immerger dans les mots et ne pas chercher à tout comprendre au départ, faire comme quand on rencontre une nouvelle personne, on apprend peu à peu à la connaître sans qu'elle nous raconte son histoire de façon chronologique.

Asta, c'est le nom d'une jeune fille du roman, mais « ast », c'est aussi un mot qui signifie amour en islandais. Et c'est beaucoup d'amours qu'on trouvera dans ce livre. L'amour d'un homme pour une femme trop belle, l'amour-passion qu'on assouvit sur la table de la cuisine, l'amour d'une mère qui ne sait pas vraiment aimer, l'amour qu'on cherche, qu'on perd et qui brise les coeurs.

Le roman, c'est aussi celui de la littérature. Un frère poète, un écrivain qu'on héberge comme attraction dans un lieu touristique, les livres qui font partie de la vie car : « Écrire, c'est lutter contre la mort » (p. 81)

Un livre touffu, rempli d'émotions et de bien jolies citations.
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Ásta est pour moi le roman magnifique d'un auteur, Jón Kalman Stefánsson, que j'avais eu le plaisir de découvrir lors de la lecture de son merveilleux livre, Entre ciel et terre.
Ce roman pourrait rebuter le lecteur au premier abord. À cause de son épaisseur, 491 pages, ce n'est pas rien. Et puis, en raison de sa façon de casser l'ordre des choses, ne pas suivre la chronologie classique d'une histoire. C'est pourtant sans doute ici, à mon avis, l'une de ses forces, sa lumière, sa façon non pas de remonter le temps mais d'aller puiser ici et là, un peu dans le désordre d'une mémoire qui vacille, chercher des voix, des musiques aussi, se raccrocher à cela comme à des bouées de sauvetage...
Ainsi, Sigvaldi, artisan peintre en bâtiment, tombe d'une échelle et tente un instant de se raccrocher au rideau du temps et l'emporte avec lui dans sa chute. Il est le père d'Ásta. C'est un peu comme si, tombant de cette échelle, allant frapper le trottoir d'en bas, il avait cherché à se retenir à quelques souvenirs, mais en définitive entraînant dans cette chute tout un monde fait de bonheur et de malheur.
Ásta est un magnifique portrait féminin, féministe aussi, le personnage revendique dans son parcours cet engagement. Elle est malmenée par la vie. Tour à tour vibrante comme la corde d'un instrument de musique qui vivre, puis mélancolique et touchée par la douleur...
Il est difficile de raconter cette histoire, il y a plusieurs histoires qui s'entremêlent, d'ailleurs ce n'est pas l'objet de mon propos. C'est une famille bousculée par les aléas de la vie, comme tant d'autres vies, les personnages de cette famille sont malmenés, meurtris, blessés, rêvent aussi, espèrent. Rebondissent parfois, d'autres s'effondrent dans l'alcool, la désillusion, la chute depuis une échelle...
Le paysage d'Islande joue aussi un rôle fondamental. Est-il possible d'être heureux et d'aimer dans une terre de désolation ? Ce n'est pas moi qui le dit mais un des narrateurs... Pourtant la nature devient parfois un personnage à part entière, notamment quand une partie du récit s'en va du côté des fjords de l'ouest. Ici, le ciel se donne en spectacle.
Comme en Bretagne, il semble que là-bas aussi la terre sent bon après la pluie. J'ai toujours adoré la pluie pour cela.
Les personnages ont parfois peur d'aimer car ils ont l'impression d'aimer pour la première fois. Parfois ils ont l'impression de se retrouver dans des impasses. « N'est-il aucun chemin qui nous mène hors du monde ? »
C'est un livre qui parle de maternité, de paternité, de déracinement, du bonheur d'exister et puis forcément d'amour. A quoi reconnaît-t-on l'amour ? C'est la question que se pose un des personnages du livre. Les souvenirs sont présents. L'éternité s'invite ici comme pour prolonger l'espoir des personnages et la limite du paysage.
Ásta est un très beau personnage, dans tous les sens du terme, qui évoque la mélancolie, la passion, la curiosité, l'impatience.
Ásta est une enfant abandonnée sans l'être vraiment.
Pourtant, ce sont les personnages secondaires, ceux qui sont dans l'ombre de ce texte, qui m'ont le plus touché.
Il y a tout d'abord cette nourrice, sa présence tout au long du roman, même lorsqu'elle n'est pas physiquement présente. D'ailleurs, elle n'est quasiment jamais là, on ne la voit pas, mais elle est là pourtant, à travers le regard d'Ásta, son souvenir, dans ses lettres, sa douceur est là, sa chaleur humaine, la confiance d'Ásta en elle.
J'ai été aussi épris d'émotion pour cette petite vieille qui s'appelait Kristín. Son fils est paysan. C'est là-bas dans cette ferme du côté des fjords de l'ouest qu'Ásta, recueillie pour un temps, va rencontrer Jósef.
Le travail d'Ásta et de Jósef consiste à enlever des pierres dans un champ immense.
Kristín se perd dans l'été, se réveille parfois à une autre époque, souvent en 1910, c'est-à-dire cinquante-cinq ans avant. Son fils l'attache à un poteau pour ne pas qu'elle s'égare dans le paysage. Parfois elle réussit à faire des fugues et quand on la retrouve, elle pleure en silence. Elle aussi a un secret qui sera révélé dans ce récit.
Souvent la pluie apporte une douce mélancolie au récit, la pluie d'été, la pluie d'automne. Il y a aussi un été dans ce roman, cet été qui allume des étoiles dans le ciel d'août.
Et tandis que Sigvaldi n'en finit pas de dégringoler de son échelle, nous n'en finissons pas de descendre dans les paysages intimes de nos vies, comme Kristín qui s'égare dans un champ de pierres, bascule brusquement soixante ans en arrière, ressemble forcément à nos vies, à nos proches...
Dans ce livre, j'ai aimé aussi la bande son. C'est un livre sonore. Nina Simone, tout d'abord qu'Ásta adore. Mais il y aussi Chet Baker. Je ne sais pas si c'était un hasard ou pas de la part de l'auteur. Il s'avère que Chet Baker est mort en tombant depuis la fenêtre d'une chambre d'hôtel à Amsterdam.
Je referme ce livre magnifique tandis que Nina Simone chante I put a spell on you.
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Je suis très heureuse d'avoir enfin fait la connaissance de Jon Kalman Stefansson.
Il m'est toujours agréable de me plonger dans les pages d'un auteur célèbre, dont je connais à peine le nom.
Cette immersion en terre islandaise a été une découverte assez déconcertante dans les premières pages. J'ai été déroutée par le manque de linéarité dans le récit, Jon Kalman Stefansson n'hésitant pas à nous balader d'un personnage à l'autre, d'un pays à l'autre avec souvent quelques décennies d'écart.

Mon plaisir a commencé lorsque j'ai accepté de me laisser guider à l'aveugle par un auteur ô combien talentueux, sur les pas d'Asta, superbe héroïne née de la passion brûlante entre Sigvaldi et Helga.
Toute l'histoire d'Asta nous est relatée par Sigvaldi étendu sur un trottoir après avoir chuté de l'échelle sur laquelle il travaillait.
Cette vie qui le quitte peu à peu est intimement liée à celle de sa fille Asta.

Jon Kalman Stefansson a l'art de tisser les destins, dresser les portraits des protagonistes, croiser leurs regards et nous raconter les péripéties de leur vie. Chaque personnage est brossé avec beaucoup d'application et une grande sensibilité.

« Asta » est un roman foisonnant porté par une écriture lyrique, sensuelle qui mélange les époques et les personnages. J'ai adoré me perdre dans ces lignes pour mieux me retrouver dans cette Islande grandiose aux paysages époustouflants magnifiquement décrits.

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ll n'est pas simple de résumer en quelques mots cette saga qui se déroule en Islande des années 50 à nos jours autour d'Asta (sans le a en islandais ce prénom signifie amour) et de Sigaldi son père ainsi que de tous ceux qui ont compté dans leur vie.
Ce roman est tellement riche qu'on a l'impression que face à un festin, on a décrit chichement un misérable amuse bouche.
Asta est une saga mélancolique qui envoûte au fur et à mesure de la lecture ; au fur et à mesure que Sigaldi -peintre en bâtiment victime d'une chute d'échelle et allongé sur le trottoir, incapable désormais de bouger- se remémorait des épisodes de sa vie ; au fur et à mesure que l'on découvre les lettres écrites par Asta à celui qui partageait sa vie.
Asta est une saga exaltante tant il y est question de poésie, du pouvoir de la musique, du rôle de l'écrivain par rapport à ses personnages (le narrateur apparaît ainsi lors de plusieurs chapitres) sans jamais tomber dans l'exposé. Au contraire Jón Kalman Stefánsson a le don de mêler idées et actions, sensations et images...suite sur blog
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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#Asta #JonKalmanStefansson #MRL18 #Rakuten
Une très belle lecture pour cette participation aux Matchs de la Rentrée Littéraire Rakuten.
Un grand merci aux organisateurs et aux marraines toujours très inspirées dans leur choix de livres.

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Un jour, Sigvaldi tombe de son échelle.

Allongé sur le sol, sa vie se déplie en flashs de souvenirs depuis son enfance jusqu'à cet âge mûr qui l'a peut-être fait perdre l'équilibre. Une vie, ça se remplit d'amour, d'amitié, de regrets, de rancoeur, même de haine. Elle peut aussi être source de culpabilité, pour lui, père incertain d'Ásta, à l'enfance cabossée par le désamour de ses parents.

Ásta aussi se raconte ou est racontée par d'autres voix. Car elle est la pierre angulaire de tous ces destins, ces êtres qu'on croise, dont on s'approprie si peu ou si vite l'intimité fragmentée, et que la mémoire collective perdra. Il y a tant de possibilités de rencontres, de choisir son chemin librement. Une existence de mortel passe si vite, déterminée par des choix judicieux ou malheureux.

Cet éphémère de destins multiples est-il le terreau de la création littéraire? Question essentielle de l'écrivain qui s'invite dans le récit, tel un biographe de tous ces anonymes qui vivent et seront oubliés irrémédiablement.

C'est un livre à tiroirs qui brouille l'espace-temps et les individus. Il faut tout remettre d'aplomb en établissant peu à peu une chronologie et des liens entre les personnages. On se prend aisement au jeu des indices placés au fil de la lecture, écoutant chacun apporter voix au chapitre par des lettres, des récits et des poèmes.

Un beau roman sur l'éphémère et le temps qui passe, singulier dans sa construction narrative, pétri d'humanité, illustré par l'identité islandaise, l'ambiance si particulière de ces paysages et de ce climat tourmenté.

(Mention spéciale pour la couverture qui se comprend au fil du récit et pour la qualité de la traduction).
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Encore une fois j'ai été bercée par la magie du texte, ces récits croisés d'êtres au destin difficile, dans un pays au climat rude mais aux paysages grandioses, où certains en perdent la tête, comme ailleurs, alors que la vie continue…

Ásta si belle mais abandonnée par sa mère puis délaissée par son père, laisse elle-même son enfant grandir loin d'elle. Perdue dans la nostalgie d'un amour de jeunesse, elle laisse partir celui qu'elle aurait pu aimer, puis fuit à travers l'Europe, Vienne, Prague, Oslo, sa destinée, la folie alcoolique de sa mère, le souvenir de son amant disparu trop tôt, l'ambivalence de son petit pays envahi par les touristes, qui ne sauront jamais ce qu'étaient leur vie.

Un très beau texte qui déroule les derniers instants d'un homme, Sigvaldi, le père d'Ásta, qui en mourant revoit sa vie et peut-être ce qu'il a manqué… Et toujours cette poésie magnifique, qui même traduite arrive à nous toucher car les mots et les sentiments qu'elle véhicule sont universels.
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