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sur 765 notes
" Fallait - il que je meure pour te prouver que tu ne pouvais vivre sans moi ? " écrit à Asta , d'outre -tombe , Joseph qui fut son grand amour " .
" Avons - nous un autre but dans la vie que celui de naître, de tousser deux ou trois fois , puis de mourir ? "
Voici un roman construit comme un puzzle géant , non linéaire, sans continuité oú le lecteur devra maintenir son attention constamment, ce qui risque de détourner ou décourager nombre d'adeptes.....Difficile d'écrire une chronique !
Mais quel roman !
On dirait que le romancier Islandais n'a que faire de mettre à l'aise son lecteur et de le tranquilliser :" Il est impossible de raconter une histoire sans s'égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer , non seulement une fois mais au moins trois--- ---car nous vivons en même temps à toutes les époques" ..-----
Nous voilà prévenus...

L'histoire d'une femme Asta : Reykjavik , début des années 50 ( un prénom dérivé du mot " amour", Ast en islandais )..de sa naissance à sa vieillesse ..


Une séquence conte l'amour fou , charnel,exalté entre Sigvaldi, la trentaine avec Helga, 19 ans, belle, d'une beauté aussi impardonnable qu'incompréhensive, vibrante duquel naîtront deux filles en deux ans , Sesselja puis Asta....
Puis l'auteur rompt le rythme de l'histoire une 1ère fois : vingt ans plus tard , Asta vit à Vienne, suit des études de théâtre en même temps qu'un traitement psychiatrique ....
Quand à Sigvaldi il est tombé d'une échelle , tandis qu'il agonise sur le trottoir ses souvenirs refont surface emmêlés , en désordre qui brassent une grande partie du roman : instants de vie, paysages dans lesquels s'inscrivent les époques , les pays pour recoller les piéces d'une Fresque Familiale :
Helga , la femme aimée passionnément, Asta et Sesselja, Sigrid , Josef,..
L'auteur écrit surtout sur " la maniére qu'a le destin d'ouvrir les portes " .
Ses mots nous brûlent et nous entraînent au coeur de cette fresque familiale envoûtante, puissante , inédite , originale, sociale, charnelle, spirituelle ,contemporaine , urbaine (Reykjavik) houleuse (auprès des fjords de l'ouest), et place l'amour surtout avec un grand À au centre : amour paternel, maternel, filial , fraternel, passion amoureuse . ....
Pour l'auteur c'est la capacité d'aimer et de souffrir qui confére à l'existence humaine son intensité et qui la justifie.

C'est l'amour dans toutes ses définitions, la vie et rien d'autre entre microcosme familial et macrocosme universel, la confiance et la connivence , l'inexpiable échec, le chagrin éternel, la compassion pour tout ce qui vit et souffre, la brièveté de l'existence ... le temps qui passe qui efface tout.

Oú l'on croise des Poétes et des écrivains , oú l'on entend de la musique : Ella Fitzgerald, Elvis Presley, Nina-Simone , Billie Halliday ...

C'est une oeuvre foisonnante, pétrie de sensibilité , de poésie , ample, profonde , exaltante qui signe d'une façon fragmentée le fil de la vie d' Asta ....merveilleusement traduite, tissée d'amour , de bonheur , de grâce et d'infinie noirceur .....de tout ce qui peut suspendre le temps ...
L'écriture est sensuelle , charnelle, vigoureuse , un VOLCAN islandais ....

Difficile de traduire en mots ce lyrisme , ces sentiments plus grands que nous et ces vies qui s'enlisent sous nos yeux malgré une incessante pulsion de vie et une quête inlassable du bonheur.
L'auteur est un conteur ensorceleur, singulier, capricieux . Sa logique narrative nous rend impatient ...... Il dit "L'amour" dans Toutes ses déclinaisons et touche à l'universel .
Je salue son travail .
Ce n'est que mon avis , bien sûr !
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Àsta, enlevez le a final et vous obtenez amour en islandais, mais vous tenez surtout un des refrains du roman. C'est en effet d'amour dont il est souvent question dans ces tranches de vies familiales et amoureuses, entremêlées et souvent tumultueuses, donnant au final l'image d'une saga quelque peu dynamitée. Car si le début nous amène sur la conception d'Àsta par ses parents Helga et Sigvaldi, le parcours narratif ne sera pas linéaire loin de là, nous informe vite l'auteur : «Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit du berceau à la tombe. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les évènements passés que dans le présent.»
Une narration rythmée par les souvenirs du père d'Àsta tombé d'un immeuble dont il repeignait la façade. Désormais étendu sur le trottoir il s'adresse (ou croit s'adresser) à cette norvégienne réconfortante, lui transmettant les épisodes de sa vie qui défilent dans sa mémoire au gré du vent. Une narration rythmée aussi par les lettres d'Àsta à un amour perdu, ou encore par les nouvelles que nous donne l'auteur du récit depuis sa retraite au fin fond des fjords de l'Ouest, avec pour seul voisin un entrepreneur de tourisme local pour le moins envahissant. Autant dire que l'on navigue entre les époques et les personnes, sans se perdre pour autant, on construit le puzzle au diapason d'une prose toujours aussi poétique et lyrique, profonde, sous tension permanente de questionnement sur le sens de la vie.
Et c'est magique, comme toujours avec Jon Kalman Stefansson. La lecture est envoûtante sous les décors contrastés d'Islande. Les lumières d'été et les nuits d'hiver y sont comme des pendants de la vie et la mort, les personnages si humains prennent corps sous les étoiles qu'allume l'auteur.
Encore une bien belle réussite à mes yeux, pour un auteur (souvent associé au travail de son traducteur Eric Boury) dont je suis résolument fan.

« Je le mesure depuis maintenant six mois et un jour. Les résultats sont disponibles : il s'avère que mon manque de toi dépasse les limites du monde des vivants. En réalité, il les dépasse tellement qu'il engendre une certaine agitation jusque chez les défunts. »
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Je viens de lire toutes les critiques concernant ce livre et je suis très content de l'adhésion quasi générale pour dire que c'est un très bon livre.Le problème, si problème il y a, vient de moi ,qui n'etais sans doute pas prêt à rentrer dans cette histoire.
J'ai été dérouté par une construction qui m'a posé d'énormes problèmes à tel point que j'ai déclaré forfait après plus de 300 pages lues.Et pourtant,le contenu est excellent, bien écrit ,surtout bien traduit, fluide.Ma frustration est d'autant plus grande que je me demande :"pourquoi?".Pourquoi cette présentation si peu conventionnelle. Alors,je sais ce que vous allez me répondre ,je ne suis pas complètement ignare et j'ai lu vos très intéressantes critiques, mais je continue à penser que l'auteur aurait pu écrire un très bon roman, tout aussi plaisant me semble-t-il ,et sans le transformer en puzzle nécessitant une réflexion continue sans faille....sans nous projeter au gré du temps,des personnages, des événements, comme des petits fétus de paille.J'aime bien me faire "balader" dans un roman,mais là c'était trop pour moi.
Bon,je le répète , vous avez aimé et le problème vient de moi, ce qui me navre, me frustre, mais me rassure aussi, tant il est essentiel que les points de vue divergent, nous ne sommes que des hommes et des femmes, pas des robots.(Pennac à donné les "droits du lecteur,"non?)
C'était le 111e livre que je lis cette année, le deuxième seulement que je laisse en cours de route, ce qui m'est toujours douloureux.
Je ne dirai jamais que ce livre est "nul", ce serait prétentieux, mais il ne m'a pas plu du fait de sa construction.Dommage.
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Sigvalid a fait une mauvaise chute. Tombé du haut de son échelle, le voilà étendu sur le trottoir dur et froid. Désemparé face à cette situation incongrue. Il regarde le ciel débordant d'été. Se demande qui est cette femme penchée sur lui. Il ferme les yeux et se retrouve des années en arrière... Sigvaldi et Helga s'aiment d'un amour fou et passionnel. Déjà parents d'une petite fille, Ásta, un prénom dérivé du mot amour, ne tarde pas à pointer le bout de son nez. Ásta que l'on retrouve des années plus tard à Vienne...

Ásta s'appréhende et s'apprivoise en douceur. Partant de la chute Sigvaldi du haut de son échelle, Jón Kalman Stefánsson déroule la vie d'Ásta, dépeint ses rencontres amoureuses et amicales, ses relations avec ses parents et sa nourrice, son enfance et son adolescence, son travail et la femme et la mère qu'elle est devenue aujourd'hui. Il s'attarde également sur le passé de Sigvaldi et sa première femme, Helga ; sa vie avec Sigrid, sa seconde épouse ; sa relation avec sa petite-fille qui vit à ses côtés. Sans linéarité, traversant les époques, alternant les narrateurs, ce roman singulier et surprenant se révèle tout aussi envoûtant, mystérieux que capricieux. Il faut s'armer de patience, laisser défiler le temps au fil des pages, savourer ces instants de la vie et tendre l'oreille vers cette écriture si harmonieuse et poétique. Jón Kalman Stefánsson dépeint, au coeur de ce roman, lyrique, lumineux et empli de vie, et de ces destins entremêlés, l'amour et ses tourments.
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Sigvaldi est tombé de son échelle alors qu'il repeignait des fenêtres. Agonisant sur le trottoir, des souvenirs affleurent qu'il confie à la jeune femme venue lui porter secours. Il déroule ainsi dans la belle et sauvage Islande des bribes de vies. Celle d'Ásta, sa fille, celles d'Helga et de Sigrid, ses épouses, celle de son frère, et d'autres encore.

Il est des moments où il est délicieux d'exister. Des moments qu'on aurait préféré ne pas connaître. Des moments de routine où rien ne se passe. Tout cela forme la vie, des vies. En Islande comme ailleurs, il est des choses qu'on ne saurait fuir, la fuite du temps en est une. Remarquable conteur et poète, Jón Kalman Stefánsson construit un puzzle du temps avec des instants de vie de ses personnages. De la jeunesse à la maturité, de la vieillesse à la mort, différents pour chacun, des temps pour aimer, regretter, pleurer, chanter ou même... espérer.
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***** COUP DE COEUR *****

"Je suis un poète raté. Peut-être que tout romancier désire commencer par écrire des poèmes, découvre qu'il ne peut pas et aborde alors la nouvelle qui, après la poésie, est la forme littéraire la plus exigeante. Et c'est seulement après avoir échoué là qu'il se tourne vers le roman". Voilà ce que disait Faulkner dans un entretien donné à Jean Stein en 1916.

Contrairement à Faulkner, Jón Kalman Stefánsson, comme tous les grands auteurs islandais, est, lui, un poète accompli qui démontre que l'art du roman est tout aussi exigeant que celui de la poésie, car c'est la poésie qui donne naissance aux univers créés par le romancier islandais.

☆☆☆☆☆

Livre après livre, Jón Kalman Stefánsson construit une oeuvre littéraire digne des plus grands auteurs classiques. L'Islande est son terreau, comme le Mississippi l'était pour Faulkner où le Lavaux pour Ramuz...

"D'aucuns affirment que les fjords de l'Ouest ressemblent plus à une symphonie qu'à un paysage et qu'il est donc vain de chercher à les dépeindre en recourant à des mots, fatigués et galvaudés par des milliers d'années d'usage." (p59/60 *)

"Cette ombre couvre parfois une grande partie du fjord. Alors le ciel des poissons s'assombrit et ils croient que c'est la mort qui vient." (p70 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA est une merveille. Il fait partie des meilleurs livres que j'ai lu dans ma vie. L'écriture de Jòn Kalman Stefánsson y est à son paroxysme. Il explore l'existence, de la vie jusqu'à la mort, cette...
"mort qui ne comprend rien. C'est ce qui la rend aussi impitoyable." (p225 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA, c'est une réflexion sur le bonheur même si...
"Le bonheur éternel n'existe pas. En tout cas dans le monde des hommes. Heureusement, peut-être. Sinon qu'adviendrait-il des couleurs et de la diversité de la vie ? Ne risqueraient-elle pas de se ternir, la réalité de s'anesthésier, la morne platitude d'envahir les jours, et même la nuit : ne risquerions-nous pas de sombrer dans la folie, de finir par nous piquer aux amphétamine pour mettre le réel en mouvement ?" (p269 *)

Mais Jón Kalman Stefánsson nous rappelle qu'il faut le chercher dans les choses simples, comme un paysage au clair de lune...
"... peu de choses sont plus belles en ce monde qu'un paysage au clair de lune. Celui qui n'est jamais sorti en août sous la clarté de l'astre de la nuit quand les montagnes n'ont plus rien de terrestre, que la mer s'est changée en miroir d'argent et les touffes d'herbe en chiens endormis - celui-là n'a jamais vraiment vécu et il faut qu'il y remédie." (p246/247 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA, c'est une interrogation sur notre monde qui part en décrépitude par la faute de l'homme....
"... qui parmi nous survivra aux ténèbres qui en ce moment ravagent la planète ?" (p263 *)

☆☆☆☆☆

ÀSTA, comme tout grand livre, va dérouter son lecteur ou sa lectrice car...
"Il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent." (p36/37 *)

Bref, il ne faut pas avoir peur de lâcher prise, de se laisser aller, voir même de s'égarer. Mais surtout il faut persévérer...
"Or les lecteurs assidus, surtout quand se sont des lectrices, sont plus ouverts que d'autres aux souffrances de la vie. La poésie et la littérature les rendent plus sensibles." (p53 *)

Avec ÀSTA, je me suis attardée sur des phrases ou des passages, les relisant et les relisant encore et encore. Bref, c'est un livre où le temps n'existe plus et où...
"Parfois, le silence est plus parlant que les mots. Il en dit beaucoup plus et le dit sans ambiguïté. Il entre en nous comme une balle de fusil, comme un couteau. Ou comme de l'acide chlorhydrique. le silence dissipe les doutes que laissent planer les mots." (p386 *)

☆☆☆☆☆

Il faut lire Jón Kalman Stefánsson !

"Parce que c'est de ça que ce maudit monde a besoin en ce moment : des livres écrits pour fendre les ténèbres !" (p427 *)

☆☆☆☆☆

Mais si nous pouvons ressentir toute la magie contenue dans ÀSTA, c'est grâce à la somptueuse traduction d'Éric Boury (un des meilleurs traducteurs actuels) qui arrive à retranscrire en français la poésie islandaise contenue dans la merveilleuse écriture de Jón Kalman Stefánsson.

Alors mille mercis à toi Éric et continue de nous faire découvrir cette littérature islandaise pour laquelle j'ai eu un énorme coup de coeur.

☆☆☆☆☆

ÀSTA de Jón Kalman Stefánsson
Traduit par Éric Boury

Éditions Grasset & Fasquelle (GF)
Éditions Folio (poche)

☆☆☆☆☆

* toutes les indications de pages proviennent de l'édition Folio (poche)
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Le roman de Jón Kalman Stefánsson est l'histoire d'une femme nommée Ásta (titre du roman), un prénom dérivé du mot « ast », en islandais, signifiant amour, l'histoire de sa vie, de sa naissance à sa vieillesse.
Pour apprécier ce livre pleinement, il faut accepter de se laisser emporter et envoûter par cette superbe narration qui nous parle uniquement de la vie, vie dans laquelle l'amour en général, qu'il soit passionnel ou familial, occupe toute la place malgré, parfois, ses défaites.
Ce sont des passages du présent au passé, puis du retour au présent, bref, des allers-retours continuels sur lesquels il faut se laisser entraîner. le fait que ce ne soit pas linéaire nous demande parfois un peu d'effort, notamment au début. Mais ensuite… c'est un envoûtement !
Ce roman d'amour qui débute à Reykjavik est une véritable promenade dans le temps et nous parle d'amour dans ce qu'il a de plus beau et de plus tragique.
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Dans les paysages glacés d'Islande, sur les landes désolées couvertes de lave, avec la grande pauvreté de ce pays qui lutte contre la faim, entre l'érotisme le plus cru et l'alcoolisme vraiment cuit, Jon Kalman Stefansson nous balade, de façon érudite et musicale à travers l'histoire d'une famille, dont nous avons du mal à comprendre les rapports entre eux. Sigvaldi le père vient de tomber de son échelle de peintre en bâtiment, or, comme on le sait, les souvenirs des derniers instants rappellent toute une vie, ces souvenirs confondant le temps et les circonstances, entrecoupés de lettres écrites par celle que nous devinons être sa fille, Asta. Les évènements s'entrechoquent entre eux, pour former un puzzle où, j'avoue, j'ai parfaitement situé tous les personnages, et cependant dont j'ai trouvé l'intérêt médiocre.
L'auteur nous dévoile qu'une vie ne peut se raconter d'une façon linéaire, d'accord. Il nous parle presque à chaque chapitre des odeurs, de l'odeur sale de la vieille nourrice, de l'odeur de poisson attaché aux pécheurs, de l'odeur de chacun des visiteurs sentis par le chien, de l'odeur, à Vienne, de l'haleine putride du professeur d'Université qui voudrait bien sauter la jeune Asta - finalement, elle préfère lui faire une pipe, ça sentira moins mauvais - . Les odeurs sont celles aussi des excréments et de l'urine de la pauvre nourrice morte seule après avoir aimé passionnément Asta. Mais, surtout, surtout, l'odeur de la mort plane sur tout le livre, nous rappelant si besoin est, et, oui, besoin est, que la Faucheuse est là, guettant ses proies, même si on mange bio, elle attend son heure.
« Mais il en va ainsi, nous laissons les jours passer, nous laissons la nuit envahir le ciel et nous oublions de vivre la vie qui nous est offerte. »
Parce qu'indéniablement , les baisers ne durent pas toute une vie, nos chiens meurent, nos compagnons nous trahissent ou nous quittent, et nous finissons inexorablement par mourir, le ciel qui paraît bleu s'obscurcit, finalement il n'était pas si bleu. Les souvenirs servent à ça, caresser les blessures de la vie et contrer la mort, qui ne peut se contrer.
Et même si la beauté de la clarté insensée de la lune « quand les montagnes n'ont plus rien de terrestre, que la mer s'est changée en miroir d'argent et les touffes d'herbes en chiens endormis » et que voilà la vraie vie, il y a un mais, ajoute l'auteur, Asta est-elle à l'abri pour le reste de sa vie ? Non, bien sur que non.
J'ai bien aimé la manière de présenter par une phrase énigmatique certains paragraphes, et de commencer un chapitre par une phrase qui se trouve justifiée dans le texte qui suit. J'ai bien aimé l'ambiance, sûrement proche de ce pays nordique.
J'aurais finalement préféré, même si ce que je dis n'est pas gentil, que Stefansson écrive, tout simplement son véritable message perdu dans un puzzle : « les hommes connaissent amour, deuil, larmes et douleur. »
LC Thématique décembre : littérature étrangère
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« Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent ».


Manifestement, le narrateur nous a donc baladés l'espace d'une vie en se jouant du périmètre de l'âge. S'il commence bien par la conception de Asta, il continue par la chute de son père des années plus tard sur le trottoir, chute entrainant une cohorte de souvenirs de tout acabit et de toute époque, et puis il nous emmène dans les fjords de l'Ouest de l'Islande pour les 15 ans d'Asta, nous fait faire un bond dans le futur pour que nous assistions à l'âge mûr d'Asta, nous fait revenir à ses tentatives de suicide, ensuite à Vienne où une Asta libérée mais déchirée nous apparait bien cynique, et ainsi de suite jusqu'à un événement tragique dont je ne dirai rien – un de plus, de toute façon-.
Un leitmotiv : les lettres qu'Asta écrit à son amour qui l'a quittée en lui lançant une phrase terrible : « Je suis absolument certain que tu iras loin avec ta chatte ».


J'ai adoré ce va-et-vient entre les différentes époques, j'ai adoré repérer aux indices dont le narrateur parsème son texte les états d'âme d'Asta et par là, son âge ainsi que la situation et les états d'âme des autres membres de sa famille. A vrai dire, sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille, et elle a de qui tenir. Sa mère Helga est une forte personnalité, un sale caractère, mais belle à damner tous les saints, encore plus belle qu'Elisabeth Taylor. Asta lui ressemble, énormément, par son mal-être et son désir d'aimer et d'être aimée. Mais pas caractérielle comme sa mère, non.


J'ai adoré suivre la vie d'Asta au gré des rencontres des personnes qui ont façonné sa vie et sa façon d'être, au gré du malheur, des quelques moments heureux, de l'espoir, et souvent du désespoir.
C'est une occasion pour le narrateur (on ne saura jamais qui il est vraiment) pour donner sa propre vision des choses, et de distiller des pensées si profondes, si humaines que j'aurais dû les noter au fur et à mesure. C'est qu'il y en a tellement!


Vraiment, je recommande ce livre si chaleureux malgré ses coups du sort, si intimiste malgré la vie mouvementée de ses personnages.
Asta, aux « commissures des lèvres comme calquées sur des larmes », m'a attachée à la vie, à l'amour, à la nature si revêche d'Islande, m'a retenue aux portes de la mort, m'a fait apprécier davantage la philosophie et la poésie. Car après tout, c'est ce qu'il nous reste, au seuil de la vieillesse, non ? En tout cas, c'est ce que le narrateur nous envoie comme message...
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Deuxième lecture pour cet auteur qui m'agrippe à chaque fois ! J'ai retrouvé cette trame déstabilisante, qui semble être la marque de fabrique de Jon Kalman Stefansson.

Une lecture addictive comme de ces rencontres que l'on espère vivement, que l'on vit intensément et que l'on garde longtemps en tête dans ses souvenirs et que l'on prend plaisir à se remémorer ...

Il faut lâcher prise avec ce livre qui peut paraitre parfois un peu exigeant, il ne se donne pas facilement . On passe d'époque en époque, on glisse d'un personnage à un autre dans les souvenirs de Sigvaldi qui victime d'un accident d'échelle vit sans doute ses dernières heures ...

On jongle entre passé, présent et futur tout ce qui construit les âmes et les corps des gens.

Astà est la fille de Sigvaldi et Helga et l'auteur va décrire dans son livre l'histoire entre ces deux là mais aussi les histoires d'amour d'Astà.

Astà c'est la fougue, c'est la beauté à l'état brut, c'est aussi la commissure de ses lèvres qui en ferra fondre plus d'un.

Car Astà va se définir par tous les hommes qui traverseront sa vie. Femme avant d'être mère, elle avancera dans la vie en trébuchant souvent mais en allant haut également... Les hommes papillonnent autour de cette étoile et s'y brûlent souvent.

Dans ce livre j'ai senti comme une inversion des responsabilités qui se distribuent entre hommes et femmes. Comme si l'auteur voulait nous montrer que les hommes et les femmes pouvaient assumer ou du moins essayer d'assumer des rôles différents que ceux prédéfinis dans notre société.

L'écriture de Jon Kalman Stefansson est lyrique et charnelle. On a de la poésie et du sexe aussi et tout ça se mélange avec une belle fantaisie lubrique. Je trouve ça bien délicieux.

Et l'amour la liberté sont au centre de tout. Ce livre porte bien son nom car Astà c'est l'amour à une lettre près.

De beaux portraits se dégagent de ce livre aussi bien féminins que masculins, ainsi que de magnifiques rencontres.

Mon seul petit regret est de ne pas en avoir su assez sur l'amour qui a rapproché puis éloigné Astà et Josef... Oui, monsieur l'écrivain, j'aurais vraiment aimé lire vos mots sur ces deux là !

Je suis sûre que votre texte aurait été beau sauvage et poétique et que je l'aurais aimé. En attendant, c'est ici le lecteur qui doit composer au gré des pages et aux travers des souvenirs subjectifs des deux protagonistes les lignes délicieuses de cet amour.

J'ai lu ce livre en temps et en heure avec le prêt sur la médiathèque numérique de la Loire mais j'ai aussi prolongé ce prêt pour revenir sur les nombreux marque pages envahissant mon livre numérique.

Un réel plaisir de lecture comme un coup de foudre
qui vous déstabilise mais vous fait allez plus loin, plus haut !

Merci Monsieur Stefansson, je vous retrouve très vite dans vos mots si délicieux car il me reste encore d'autres livres à découvrir, j'en suis ravie ♥
Lien : https://imagimots.blogspot.c..
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