Ça f'sait longtemps, hein.
La dernière fois que je prenais ma plume pour puter un peu – puisque je ne sais faire que ça – c'était pour m'attaquer à
Eluard.
Depuis, on a changé d'année, les frères Bodganov et notre JPP préféré ont tiré leur révérence, j'ai rencontré mon premier anarco-macroniste (ça ne s'invente pas), et Tonton Vladimir joue à Risk édition Marioupol.
Plein de choses, donc, en si peu de temps.
Alors, déjà, la bonne année aux camarades qui me liront, je la souhaite en mars mais mieux vaut tard que jamais comme dirait l'autre con.
Et pour commencer cette année 2022 (en retard, oui, bon, je sais), pourquoi ne pas ouvrir le bal avec un
Stendhal et une galette qui ronchonne ? On ne change pas une équipe qui gagne, n'est-ce pas ?
Alors voilà.
Pour commencer, un petit rappel sur le roman, histoire que ça soit bien clair dans ta tête avant que je ne le crucifie.
Julien Sorel s'emmerde dans son petit village de péquenauds. Son daron le prend pour une petite tapette qui passe son temps à lire plutôt que de surveiller la scierie.
Alors le daron le vend au maire du village, en tant que précepteur pour ses marmots.
Julien aspire à devenir prêtre, parce que c'est son seul moyen de devenir riche. le souci, quand t'es prêtre, c'est que tu peux pas courir la gueuse, et surtout, si tu veux devenir un Napoléon bis, bah, c'est chaud. La soutane, c'est pas le plus confortable pour galoper cheveux-z-au-vent, une armée de grognards derrière toi.
Et donc Julien met de côté sa foi déjà pas grandiose, et il fricote avec la femme de son patron (le salaud !), qui tombe amoureuse aussi, alors ils font des roulades d'amour dans la chambre de Madame tandis que Monsieur pionce comme une souche.
Je m'arrête là pour le résumé, sinon je vais dévoiler l'intrigue et tu n'aurais plus envie de lire ce fleuron de la littérature frânçaise.
Raterais-tu quelque chose ?
Ah, laisse-moi le temps de te répondre, mon camarade.
Stendhal est aux profs de français ce que Socrate est à ma prof de philo.
Un véritable phantasme.
Selon ma prof, Socrate, à l'instar de
Robespierre, est un « monstre de pureté ».
Selon moi,
Stendhal, à l'instar de
Guy Georges, est un monstre. Sans pureté.
Quel commentaire méchant, trivial, pas même construit, et la Galette ose comparer un grand auteur du XIX à un tueur en série abominable !
Tu es surpris ? Mazette, c'est que ça faisait vraiment longtemps que tu m'avais oubliée, alors.
Ma grand'mère, ancienne prof de français, vénère
Stendhal tout autant que
Maupassant.
- Il d
écrit si bien les affres
de l'amour ! Et ses descriptions… Ah !
Les affres
de l'amour, j'admets qu'il est bon.
(Oui, l'amour sa fé mal, et j'adore enfoncer des portes ouvertes.)
Décrire, donc, les petits sursauts de ton petit coeur au contact de l'être aimé, et les pâmoisons quand il frôle ta main, oui, j'admets qu'on s'y reconnaît. Et c'est presque divertissant à lire.
Mais, bon dieu ! trois de pages de description d'un putain de parapet !
Pourquoi ?
Pour me dire qu'avant il mesurait trois mètres, mais qu'avec le temps, il s'est affaissé, et du coup les dames regardent le paysage en s'accoudant dessus ?
Mais moi, je m'en fous ! Moi, je veux du concret !
Bien sûr, je n'ai rien contre les descriptions. Quand
Maupassant emploie vingt lignes rien que pour décrire la moustache de l'officier prussien dans «
Boule de Suif », ça ne me gêne pas. (Bien au contraire…)
Mais trois pages !
Si encore, il n'y avait que les descriptions chiantes qui m'emmerdaient. Mais même les personnages !
Pour illustrer mon propos, voici, en exclusivité sur Babelio, un extrait d'une conversation entre Mère-grand et moi.
- Tu n'as vraiment pas aimé
Stendhal.
- Plus indigeste que les huîtres d'Oncle Michel à Noël.
- Tu es injuste.
- Les personnages, je ne peux pas les piffer.
Elle met un peu de lait dans son thé. Ce n'est pas une métaphore.
- Tu ne comprends pas la complexité de Julien ? Je te pensais l'esprit plus… fin.
- Je ne peux l'attaquer directement, sinon tu vas dire que je fais du mauvais esprit, et je vais encore me faire engueuler.
Emule de
Stendhal comme elle est, Mère-grand ne se laisse pas démonter si facilement.
- Bon, c'est vrai que c'est un personnage controversé, on l'adule ou on le déteste. Mais Madame de Rênal ? Elle est bien, non ?
- Tu parles de cette brave cocotte qui s'entiche de ce jeune arrogant, amoureuse comme pas deux, fleur bleue comme une adolescente de quinze ans ? Soyons sérieux, hors contexte, il ne s'agit que d'une épouse insatisfaite à la Bovary, qui tente de se dévergonder un peu dans les bras du prof de ses marmots.
- Et alors, l'amour entre deux personnes, tu ne trouves pas ça émouvant ?
- Je hais l'amour-fanfreluche. Et puis, franchement, bien mis en scène, cette histoire entre ces deux lurons, ça pourrait faire l'objet d'un mauvais téléfilm pour ménagère de cinquante ans...
Grand'mère n'a pas dit son dernier mot. Elle abat son ultime carte :
- Et Mathilde ? Tu ne vas pas me dire qu'elle est faiblarde, n'est-ce pas ?
- J'admets qu'elle a un tempérament plus fort et plus intéressant que ce
lui de Madame de Rênal.
- Ah !
- En même temps, la barre n'était pas mise bien haut.
Elle regarde le fond de sa tasse, déçue.
- Et puis, à la réflexion, Grand'mère, je ne la trouve pas tellement forte. Parce que bon, frôler l'orgasme quand ton amant est sur le point de te faire un carré bien court derrière les oreilles, j'appelle pas ça une force de caractère.
- Tu as le coeur sec, c'est un esprit romanesque !
Je mets pause pour faire de la prévention auprès de mon lectorat, féminin notamment :
Si votre amant, jeune ou vieux, au physique de Clark Gable ou d'Asselineau, s'apprête à vous décapiter avec la vieille épée de votre géniteur, fuyez immédiatement.
Non, ce n'est pas « romanesque » d'être tuée par son amant.
Certes
Jacques Pradel et
Christophe Hondelatte raconteront vos galipettes, mais ça ne sera qu'une gloire posthume.
Et quel intérêt ?
Pour en revenir à
Stendhal, jamais le mot « lecture » n'a aussi bien rimé avec « torture » (rime riche, du reste, étonnant...)
Dans son Journal,
Jules Renard écrit que chaque lecture est une graine qui germe.
Une graine qui germe, peut-être, mais qui germe en quoi ?
Certains ouvrages ont donné en mon coeur une fleur belle, grandiose, aux couleurs bien vives.
D'autres ne m'ont laissée qu'un amas de pétales, gris, flétris avant même de s'ouvrir.
Le Rouge et le Noir est de ceux-là.
En ôtant les descriptions INUTILES (celles d'un parapet, par exemple), on parviendrait à coup sûr à gagner une centaine de pages. Ce qui eût été providentiel pour les lycéens qui ont eu le subir, et qui à présent se rongent les sangs en imaginant que c'est sur Julien qu'ils plancheront au bac de français.
(Même combat, camarades !)
Donc, si je résume : une histoire pas folle, des descriptions chiantes, des personnages antipathiques.
Conclusion : la mayonnaise ne prend pas.
Je ne comprends vraiment pas l'engouement autour de ce livre. J'ai le sentiment de passer à côté de quelque chose, et ça m'attriste. Mais ce qui me chagrine encore plus, c'est que des petits auteurs, d'un autre siècle (plus proche ou plus lointain), moins reconnus, tombent peu à peu dans l'oubli tandis que
Stendhal caracole dans le Panthéon de la Littérature Française. Cela me dépasse.
Grand bien, cependant,
lui fasse.
Mais, groupies
De Stendhal, par pitié, laissez-moi, pauvre ignorante hermétique à sa prose psalmodiée par les Académiciens que je suis, laissez-moi me complaire dans la littérature de seconde zone, bien plus épanouissante à mes yeux que vos pavés sans goût.
Si ce n'est ce
lui salé de mes larmes d'ennui et de désespoir.