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sur 13172 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après Tristan et Yseult, roméo et Juliette... Julien Sorel et Mme de Rênal ! Faut-il chercher l'intrus ? Peut-être ! Car peut-on considérer que l'amour que se portent les deux premiers couples énoncés soit le même que pour le dernier ? Julien est un jeune arriviste rongé par l'orgueil. Précepteur des enfants du couple de Rênal, il s'entiche de la maîtresse de maison. Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil ! Mais celui-ci renonce à cet amour qui briserait son rêve de réussite. Les rumeurs courent... L'époux l'apprend et licencie le jeune précepteur. Ce dernier entre alors au séminaire où il fait la connaissance de l'Abbé Pirard qui, comprenant son ambition, le fait entrer au service du Marquis de la Mole. Celui-ci a une fille, Mathilde... Je vous le donne en mille, Julien va récidiver, tomber amoureux de celle-ci et lui faire un enfant... Mais c'est sans compter sur Mme de Rênal !!! Bref, je ne dévoile pas tout...

Paru trois ans après Armance, roman qui passa à la trappe, ce texte est issu d'un fait divers. En effet, en 1827, la Gazette des Tribunaux relate le procès d'un certain Antoine Berthet, 25 ans, fils d'un petit artisan, ancien séminariste devenu précepteur, jugé pour meurtre et condamné. Il n'en faut pas plus à Stendhal pour créer ainsi son personnage de Julien. En le saupoudrant de sa haine contre l'Église (merci à l'Abbé Raillane de l'en avoir dégoûté à jamais), de ses souvenirs de l'adolescent provincial et timide qu'il était et qui ne voyait que par Paris pour réussir, on obtient ainsi un chef-d'oeuvre. Zola prononcera cette superbe phrase à ce sujet : "Personne n'a possédé à un pareil degré la mécanique de l'âme". Tout est dit !
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Julien Sorel, franc-comtois et fils de rien, destiné aux bas étages du clergé provincial, va peu à peu, à force de hasards et de coups de dé audacieux, s'essayer dans le grand monde et s'efforcer de devenir, s'il y arrive "Julien-Le-Magnifique"...
De ce monde qui lui est inconnu, il devra apprendre tant les règles que les dérèglements, les joies que les frustrations et tâcher, si possible, de ne pas se perdre lui-même en faisant adopter à sa morale une géométrie variable.
Dans les méandres de cette hiérarchie sociale, et puisque le seul trésor dont il dispose en propre est son esprit, son charme et sa beauté, il rencontrera des femmes, sur lesquelles il devra circonvenir en usant d'amour, à moins que ce ne soit le contraire... Je vous laisse évidemment vous plonger plus avant dans l'histoire si, par bonheur, celle-ci ne vous a jamais été imposée au lycée quand vous n'en éprouviez pas l'envie, ou si, par fortune, vous avez encore la possibilité de la découvrir avec un regard neuf.
Évidemment, un classique incontournable et beau ; beau dans l'acception la plus noble du terme en littérature. Et l'un des premiers exemples de l'évolution de la psychologie d'un personnage en cours de roman, spécialité qui deviendra l'apanage, quelques années plus tard, de Dostoïevski.
Écrit tout en finesse, pas si différent de la vision d'un Balzac, car Julien Sorel ressemble tellement à Eugène de Rastignac (Le Père Goriot) ou Lucien Chardon (Illusions Perdues) que c'en est frappant, mais sans la pointe de vinaigre blanc que Balzac n'oublie jamais de mettre dans ses recettes. Stendhal, lui, utilise son style plus direct et pour ainsi dire plus journalistique tout en soignant la psychologie et les hésitations dans les choix de tous ses personnages. Si l'on veut à tous prix tenter une comparaison, c'est de Tolstoï que Stendhal se rapproche le plus et notre Julien ressemble beaucoup au Boris Doubretskoï de la Guerre et La Paix.
En guise de conclusion et pour finir cette indigente critique face à l'ampleur de l'oeuvre et son indicible grandeur, (je me rends compte en la relisant que cette critique est vraiment très mal construite et vous prie de m'en excuser) si par hasard vous aimez ce genre de trame narrative où un jeune provincial fait son chemin dans Paris grâce aux dames de ses conquêtes, je vous conseille, dans une genre un peu plus truculent, drôle et libertin, un grand classique mais malheureusement trop peu connu de Marivaux, le paysan parvenu, qui je l'espère, vous ravira tout autant, mais ceci, bien sûr n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.
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Ma fille ainée qui est en première a eu la grande chance de commencer l'année scolaire avec cette oeuvre. Moi, même je n'y avais pas échappé.
Comme a mon habitude j'accompagne mes enfants dans leurs lectures scolaires. Je lis ou relis ces romans qu'ils sont dans l'obligation d'étudier.

J'ai toujours aimé Stendhal, le personnage et sa façon d'écrire. A tel point qu'à l'époque j'avais enchainé avec La chartreuse de Parme.

Avec cette relecture mon opinion sur ce roman n'a pas changé, et elle s'est même peut être affermi.
Dans la vie réelle je n'aime pas les hypocrites et les opportunistes, alors il était certains que je n'aurais pas beaucoup de sympathie pour Julien Sorel. Je n'ai jamais aimé le personnage, ni son comportement.
Il en va de même pour Madame de Rénal, trop naïve a mon goût.

Mais , et c'est là pour moi ou réside tout le talent De Stendhal, c'est de faire un grand roman avec des personnages antipathiques. Car son histoire se tient et est très prenante. On a envie de savoir le dénouement. Et puis les moeurs et coutumes de l'époque sont décrits avec brio. Et c'est sans compter sur l'ambiguïté des sentiments et des actes des personnages tout au long de la lecture qui donne sa grandeur a ce roman.

Et puis l'écriture De Stendhal est pour moi a l'inverse de son personnage d'une grande franchise.

Pour conclure un classique que j'ai adoré, bien plus que ma fille qui déteste autant que moi Julien Sorel.
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Julien Sorel est fils d'exploitant de scierie dans la petite ville de Verrières.
Il apprend le latin avec un parent chirurgien et avec le bon abbé Chélan, curé de la paroisse.
Monsieur de Rênal, maire de Verrières l'engage comme précepteur pour apprendre le latin à ses trois enfants.
On va suivre le chemin de Julien, à Verrières où il tombera amoureux de Madame de Rênal.
Du séminaire de Besançon, il sera envoyé par l'abbé Pirard, comme secrétaire du marquis de la Mole à Paris.
Là, il continuera à servir ses ambitions en séduisant la fille de la maison, la jeune Mathilde.
Il arrive presque à ses fins. Mathilde, enceinte parvient à convaincre son père d'épouser Julien qui se fait anoblir par le marquis.
Il devient chevalier mais Madame de Rênal détruit sa réputation en dénonçant son arrivisme et sa malhonnêteté.
Toutes ces intrigues finissent par un drame de la vengeance et Julien est condamné à mort malgré l'acharnement de ces dames à le sauver.
Le thème du jeune homme qui se brûle les ailes est bien souvent abordé dans la littérature du 19ème siècle et jamais récompensé.
Cette période est bien intéressante : on y voit les nouveaux bourgeois, premiers industriels avec comme unique but, faire fortune.
La noblesse et le clergé sont remis à l'honneur.
Un nouveau monde se remet en place après le départ de Napoléon dont il ne faut plus parler dans la bourgeoisie.
Les sentiments amoureux sont longuement et fougueusement décrits par Stendhal.
J'ai lu le livre par petits extraits, en plusieurs semaines comme toujours quand j'aborde un classique. Je n'arrive jamais à lire un livre d'un autre siècle d'une traite.
L'écriture est très belle, l'époque intéressante ,le rythme est très différent du nôtre, alors cela demande du temps et des entractes mais le détour en vaut la peine.

Challenge pavés 2017 contre l'illettrisme.
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Il est des noms intemporels qui traverseront allègrement les siècles.
C'est le cas pour au moins deux héros stendhaliens.
Fabrice del Dongo dans : La chartreuse de Parme et Julien Sorel dans : le rouge et le noir.
J'ai lu ces deux romans dans ma jeunesse estudiantine comme tant d'autres.
Aujourd'hui, en relisant les aventures de Julien Sorel et Mme de Rénal, je retombe sous ce charme d'antan.
Ces deux noms résonnent de manière charmante, cette histoire d'amour, aujourd'hui peut-être un peu désuète, fascine malgré tout.
Et, on se laisse porter au gré des pages, à suivre le parcours de ce fils de charpentier haï et rejeté par les siens.
Peut-on raisonnablement lui reprocher cette ambition sans presque aucune limite pour recevoir du Monde tous les honneurs ?
Julien Sorel nous apparaît comme un jeune homme attachant malgré ses failles.
D'ailleurs, à son procès, Mme Deville qui ne l'aimat point pleure à sa condamnation.
Oui, on peut assurément passer de belles heures avec Julien Sorel et Mme de Rénal sans oublier l'intrépide et fière Mlle de la Mole: Mathilde.
Beaucoup d'autres éclairages sont donnés sur la société de l'époque du roman, sur l'hypocrisie, sur les parvenus,...
Le régal du: le Rouge et le Noir, c'est que presque tout à chacun peut y trouver un centre d'intérêt.
Aussi, serait-il sage et agréable de relire le Rouge et le noir, encore une fois ?
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Contrairement à quelques lecteurs ici qui ont découvert le Rouge et le Noir lors des célèbres dissections de textes et cocktails d'extraits riches en chiasmes, oxymores et autres C.O.D, je n'ai jamais eu le privilège d'étudier cet ouvrage, et c'est me sentant un peu lésé – à tort à en juger l'amertume de certains initiés scolairement à Stendhal - que j'ai décidé d'en faire la connaissance.
J'ai adoré, parfois même exalté cette oeuvre géniale.

On ne peut faire l'économie de ce qui – à mon sens – est la subjugation première de l'ouvrage : Julien Sorel. A l'exception de sa propre famille, ce dernier séduit Madame de Rhénal, son mari, ses enfants, Mathilde de la Mole & ses parents, les abbés Pirard & Chélan, Fouqué, Elisa, Mme de Fervaques et d'innombrables lecteurs à travers les âges, tout cela bien souvent malgré lui. On rêve de Julien, mais on se rêve aussi en Julien.

Sa jeunesse sans compromission, la force de son caractère, celle qui fait les grands hommes selon Nietzche, grand admirateur de Stendhal et de Napoléon.
Julien n'est pas un homme de raison, il est un héros de coeur, d'instinct. Un instinct de survie d'abord, il doit se forger une armure dans une société au sein de laquelle il semble n'avoir rien à faire, et que pourtant il va marquer de son sceau indélébile.
Mais aussi un héros de coeur, qui s'éveille à l'amour, la passion mais aussi au monde, à ses codes, un monde dont chaque nouvelle génération hérite sans l'avoir choisi.

Par Julien, le lecteur comme les personnages que l'auteur place sur sa route, ressentent l'énergie la plus pure et féroce circuler au détour de chaque page.
Julien Sorel est ce que l'on pourrait appeler un moraliste, son éthique bouleverse de par sa rigueur. L'homme en proie aux doutes finit par laisser place au héros romanesque, celui qui vit et meurt pour ses principes. Même s'il ne théorise en rien sa pensée, le lecteur peut la comprendre à travers le témoignage empirique de l'existence de Julien.
Cependant, ce qui rend Sorel définitivement acquis au coeur du lecteur, ce sont bien ses maladresses & ses doutes (tantôt le Rouge et les honneurs, en costume sur son cheval, ou dans les cafés de Besançon tantôt le Noir du séminaire et des textes en latin) et toujours cette énergie qui le pousse encore plus haut, toujours plus haut.
Le lecteur fait la connaissance de cet « enfant de 1830 » alors qu'il est dans une misère sociale apriori sans issues. Mais très vite, pitié et compassion vont laisser place à l'étonnement ainsi qu'à la fascination pour l'incroyable ascension sociale sans compromissions de Julien. On remarque avec l'abbé Pirard ou encore le Marquis de la Mole l'immense potentiel et surtout le coeur du jeune homme.

"La société étant divisée par tranches, comme un bambou, la grande affaire d'un homme est de monter dans la classe supérieure à la sienne et tout l'effort de cette classe est de l'empêcher de monter." Stendhal

Le Rouge et le Noir c'est aussi le roman d'une époque, et après Julien, c'est maintenant de Stendhal dont il faut écrire un mot.
Le style de Stendhal, je l'ai lu à plusieurs reprises dans certaines critiques serait froid, difficile, indigeste. Je ne partage pas du tout cet avis. Au contraire, la plume de Stendhal est tout à fait agréable, parfois même, l'auteur glisse quelques phrases au détour desquelles le lecteur ne peut que s'arrêter et méditer. de plus, en de (trop) rares et délicieuses occasions, il prend la liberté audacieuse de s'adresser directement au lecteur, lui faisant part de ces hésitations sur tels ou tels passages, ou des possibles censures dues à une conversation avec son éditeur, le tout non sans ironie.
C'est également un roman d'actualité, d'abord parce qu'il s'insère dans l'actualité de son temps, l'année 1830 et la fin de la restauration d'ailleurs l'histoire elle-même est inspirée d'un fait réel. Stendhal va si loin dans la chronique de son temps qu'il prédit même certains évènements liés à l'avènement futur de la monarchie de Juillet !
Outre cette prouesse qui démontre le degré d'analyse socio politique que l'auteur avait de son temps, Stendhal nous livre, à côté de la personnalité de Julien, le personnage de Mathilde de la Mole qui est une figure ardente, moderne, complexe et normale. La psychologie de ces deux personnages est particulièrement aboutie et atteint un niveau rarement égalé dans mes lectures.
La liaison de ces deux personnages est romanesque et dans le même temps très vraisemblable. La psychologie de Mathilde laisse entrevoir quelques rouages de la machine amoureuse, son amour tantôt pour Julien, tantôt pour la représentation qu'elle se fait de Julien en est l'exemple parlant.

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On peut s'interroger du choix du titre du roman De Stendhal, de sa symbolique. Dans cette « chronique du XIXe siècle », comme il le sous-titre par la suite, il met en bascule les deux couleurs comme une alternative qui décide selon le choix qu'il en est fait par ses protagonistes d'une couleur ou d'une autre, du rouge ou du noir. le choix d'une carrière pour Julien Sorel, rouge ce sera l'armée, non pas pour l'uniforme mais pour l'écho qu'il en a des campagnes napoléoniennes et du sang versé, noir ce sera le clergé, et cette fois pour la couleur de l'habit de séminariste, personne vouée à l'apprentissage des connaissances mais qui n'a pas fait voeux de chasteté, et ce dernier point est capital pour l'importance de l'intrigue et la tension dramatique du roman. Julien Sorel opte pour cette dernière vocation dans les faits mais pour la première en esprit. Ainsi, son ambition lui ouvre la petite porte du salon de Monsieur de Rênal en tant que précepteur de ses enfants grâce à l'ancien testament qu'il a appris par coeur, et le coeur de Madame de Rênal grâce à son tempérament guerrier et conquérant que lui inspirent les mémoires de Napoléon Bonaparte qu'il admire.
Cette entrée dans le monde est l'opportunité que Julien Sorel espérait pour s'extraire du milieu social misérable dans lequel il est né et auquel il était destiné d'y croupir le restant de son existence, car il est fils de charpentier. Y voit-on là une allusion christique ? S'il n'en a certes pas les vertus spirituelles, ni la vocation, il ne se sert de la religion et de son organisation qu'à des fins de réussite personnelle et d'ascension sociale, son égo, pourrait-on supposer, s'accapare une destinée messianique idéalisée afin d'être l'élu de tous mais Stendhal récupère la vie de son héros en le portant non pas sur la croix, mais sur l'échafaud, la modernité des moyens ayant fait son oeuvre (on n'arrête pas le progrès).
« le Rouge et le Noir », sont aussi les deux composantes essentielles du roman, la passion et la mort. Julien Sorel séduit par sa jeunesse, rassure, endort, manipule par le noir de son habit, mais ses sentiments ne sont que le reflet de la véracité de ses ambitions. On doute de la sincérité de ses intentions auprès d'une Madame de Rênal, on ne croit que peu à son amour pour Mathilde de la Mole tant sa soif de réussite sociale étouffe tout sentimentalisme. Ce n'est qu'au seuil de la mort, lorsque les enjeux se sont évaporés, que la vraie nature de ses sentiments se révèle. Julien Sorel est un parvenu dont l'arrivisme ne se mesure pas en pièces sonnantes et trébuchantes, l'argent ne l'intéresse pas, mais par le rang qu'il parvient à occuper parmi le Monde. Il serait faux de réduire les roucoulements de nos amoureux à une simple et bête arlequinade (en référence aux éditions Arlequin, entendant bien que le magistral roman De Stendhal ne saurait souffrir la moindre comparaison avec les mièvreries diffusées par la dite maison d'édition). Il y a dans les passions qui nous sont comptées, la politique. Julien Sorel gouverne sa vie comme on gouverne un état. Si l'amour a des raisons que la raison ne connaît pas, pour Julien Sorel, l'amour est raison.
Fort de son tempérament guerrier et d'une intelligence vouée à sa réussite sociale, Julien Sorel échappe à la destinée qui lui était promise à sa naissance. Il se joue des desseins divins, provoque le ciel et obtient tout ce dont il espérait et même au-delà : une épouse passionnément amoureuse, une descendance, des biens patrimoniaux, un titre et un rang. Ce serait sans compter la colère céleste qui place sur son chemin un amour oublié, un excès de zèle couronné d'une lettre vengeresse et c'est la chute, la déchéance et la mort.
C'est le roman de la compromission. Julien Sorel vend son âme au diable pour nourrir les appétits de son égo, mais le malin décide de la fin, de son heure et de sa nature, pour enfin toucher son dû.
Editions Gallimard, Folio classique, 661 pages.
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Je suis un peu honteux d'avoir attendu l'âge de 69 ans pour lire « le Rouge et le Noir », alors que Stendhal figurait à mon programme de français en classe terminale… Quoiqu'il en soit, ma première impression au début du roman a été la surprise : j'avais en mémoire l'affiche du film d'Autant-Lara (1954) avec Gérard Philippe, et donc automatiquement Julien Sorel ne pouvait être qu'un héros romantique d'une grande noblesse d'âme… Or ce que l'on voit dans la plus grande partie du roman, c'est un jeune homme dévoré d'ambition et de haine pour le monde des nobles, monde qui lui est inaccessible du simple fait de sa naissance.
Face à cette injustice, on pourrait attendre une révolte contre l'ordre des choses et de la société, un désir de changer le monde… Il n'en est rien : Julien n'est pas un révolutionnaire, il veut seulement profiter lui aussi de ce monde qu'il méprise, et il trouve un moyen : les femmes. Il séduit tout d'abord Mme de Rênal, puis Mathilde de la Mole. La tentative de séduction de Mme de Fervaques est presque caricaturale, Julien se contentant de recopier des modèles de lettres que lui a données un « spécialiste » de la conquête féminine !
C'est au moment où Julien atteint enfin son objectif, en recevant grâce au père de Mathilde un brevet de lieutenant de hussards « pour M. le chevalier Julien Sorel de la Vernaye », que tout s'écroule par suite de la « dénonciation » de Mme de Rênal. Julien cherche à se venger, mais sa tentative de meurtre échoue, et là, nous trouvons un nouveau visage du héros. Il découvre ce que signifie vraiment l'amour, et cela remet en question toute sa vie précédente.
Alors que la société à laquelle il voulait absolument appartenir peut lui permettre d'échapper à son destin de criminel (on note au passage la dénonciation de la corruption de la justice par Stendhal, qui décrit en détails comment on peut à sa guise, quand on est puissant, « arranger » un jury de cour d'assises), Julien saisit l'occasion de son procès pour cracher son mépris au visage de ce monde, et par là-même, se condamne à mort.
La fin du roman est consacrée à cette sorte de rédemption intérieure de Julien, et alors que Stendhal avait décrit en détails les réflexions intimes des personnages tout au long du roman, avec des analyses psychologiques très fouillées, il reste étrangement très discret sur les derniers moments de Julien : comment s'est-il comporté en montant à l'échafaud, alors que les exécutions étaient publiques à l'époque ? A-t-il encore une fois défié la société, ou est-il resté muré dans cette sorte de paix intérieure qu'il trouve dans sa prison ? Nous ne le saurons pas, à nous de l'imaginer…
En définitive, un roman très prenant, malgré un style qui peut nous paraître maintenant un peu « daté », et qui , je crois, figure à juste titre parmi les grands ouvrages du XIXème siècle.
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L'idée géniale De Stendhal, dans ce roman inspiré d'un fait divers, est de s'être servi des rapports amoureux comme lieu paroxystique où s'expriment les motivations personnelles et les contraintes liées à l'appartenance de classe. L'évolution des sentiments entraîne dans son sillage la majeure partie des passions humaines (vanité, instinct de domination, ambition, crainte, oubli de soi) et permet à l'auteur de réfléchir à travers ce miroir grossissant un contexte social particulier (ici celui de la restauration).
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J'avais commencé ce livre à quinze ans et l'avait laissé tomber. Sans jamais le reprendre. Après 40 années, je m'y suis décidée, et bien m'en a pris.

Je suppose qu'il n'est pas besoin de reprendre l'intrigue, bien que pour ma part je ne connaissais vaguement que la première partie chez Madame de Rénal. Ce qui m'a frappé c'est que ce jeune homme qui séduit une femme mariée puis une jeune fille ou du moins dans ce deuxième cas se laisse séduire, n'est pas dans un premier temps poussé par l'amour mais seulement par l'orgueil. Ou plutôt que l'orgueil par la peur d'être méprisé qui est le prisme au travers duquel il voit tous ses rapports avec les gens. Cette grille de lecture le fait souvent se méprendre sur ses propres mérites et sur les sentiments des gens à son égard. Bien que nous ne sachions jamais quel est le point de vue des autres. Toute l'histoire est vue par les yeux de Julien.
Stendhal est parti d'un fait divers qui s'est déroulé dans l'Isère en 1827. Il y a de nombreuses ressemblances entre les deux histoires. Tous les deux sont des jeunes hommes intelligents et peu faits pour rester dans leur milieu d'origine. Tous les deux accèdent à un poste de précepteur chez un noble de province, ont une intrigue avec la maîtresse de maison, puis à un deuxième poste dans une autre famille qui pourrait se finir par un mariage fort avantageux socialement et financièrement et connaissent une fin tragique. Mais Stendhal rend son héros sinon sympathique du moins pas méprisable, tandis que Berthet est à la lecture des lettres qu'il envoie au juge d'instruction et au procureur général assez antipathique.

Il ne suffit donc pas d'avoir une histoire encore faut il savoir accrocher le lecteur, ce que Stendhal réussit largement.

Challenge ABC 2017-2018
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