On reproche parfois sa forme à ce livre. C'est vrai que le roman épistolaire n'est plus guère à la mode. Mais la bonne littérature se moquer de la mode, et ce
re mode de narration a donné des chefs-d'oeuvre, dont
Dracula fait partie. L'ouvrage est évidemment de son temps, et la psychologie des personnages est celle de ceux de la littérature de l'époque. Jonathan Harper, Mina et van Helsing n'ont pas une mentalité post+moderne, l'auteur leur prête des sentiments et des scrupules outrés auquel la bienséance de l'époque les contraint, mais pas plus que ne le sont ceux d'autres personnages de la grande littérature, à laquelle
Dracula appartient sans nul doute. Un poète symboliste y trouve une des plus belles phrases de la littérature universelle : " Dès qu'ils eurent passé le pont, les morts vinrent à leur rencontre". Je ne suis pas loin d'être de son avis. Dans l'ensemble le style est soutenu.
L'histoire ? Nul besoin de la résumer. Ce livre est le fondateur de la littérature vampirique
Quelques spécialistes me contrediraient sur ce point, et citeraient entre autres le livre de
Polidori. Mais c'est Stoker qui a fixé les règles canoniques, reprises d'ailleurs de superstitions balkaniques assez répandus, et qui, très curieusement, amenèrent certains érudits du Xviiieme siècle à conclure à la véracité du
Mythe, tels
Dom Calmet, le plus connu. C'est dans ce courant"scientifico-vampirique" que Stoker a puisé une partie de ses sources.
Ce canon a été appliqué avec des fortunes diverses pendant un peu plus d'un siècle. Il a donné lieu à de grandes oeuvres cinématographiques dans les années 30 et à d'excellents livres contemporains, tel le"
Salem" de
Stephen King (de qui d'autre ?) Malheureusement le genre a connu une dégénérescence récente commencé avec les forts peu recommandables vampires d'Ann Rice, puis en passant.par Buffy et culminer avec Twilight et tous ces romans où l'on voit des vampires séduire à tour de bras des collegiennes, de préférence américaines. van Helsing, au secours ! Et à la réflexion, parlez-en au Comte. Cela ne lui plaira pas, et il pourrait souhaiter mettre fin à certaines choses.
Pour parler sérieusement, il s'agit d'un excellent livre, appartenant à la grande littérature de son époque, et d'une lecture indispensable pour tout amateur de fantastique.
Sans vouloir pinailler (mais si, je pinaille),
Dracula n'est pas un roman gothique. Ce genre a existé entre la fin du Xviiieme et le début du XIX.Il ne se rattache que très marginalement au fantastique et le fantastique y est pratiquement absent. Parmi les ouvrages les plus connus, le confessionnal des pénitents noirs, le château d'Otrante, Melmoth l'homme errant. Je n'en conseille pas la lecture, c'est aussi ennuyeux que les romans précieux du XVIIeme. En revanche
Jane Austen en a fait une parodie amusante dans
Northanger Abbey". Mais rien à voir avec
Dracula.
Tant que j'y pense, encore un excellent roman sur le thème des vampires : un vampire ordinaire de Suzy McNee Charnas, et aussi bien sûr"je suis une légende" de Matheson.