Amazing Spider-Man, tome 6 : Book of Ezekiel

Ce tome fait suite à Happy birthday (épisodes 57, 58, 500 à 502). Il contient les épisodes 503 à 508, initialement parus en 2004, écrits par Joe Michael Straczynski (en abrégé JMS), dessinés par John Romita junior (en abrégé JRjr) et encrés par Scott Hanna et Scott Koblish.

+++ Épisodes 503 & 504 +++ Lorsque Spider-Man et Doctor Strange ont été happés et ont dérivé entre les dimensions, lors de l'attaque de Dormmamu, une entité en a profité pour échapper à sa captivité et Morwen a pu revenir dans le monde des vivants. Cette réapparition n'a pas échappé à Loki qui aimerait bien faire plus ample connaissance. La situation va s'avérer plus complexe que prévue et Spider-Man va se retrouver à lutter aux côtés de Loki, contre Morwen, en plein caeur de New York.

Comme JMS a déjà fait le coup plusieurs fois, le lecteur est devenu moins rétif à l'idée de voir une fois encore Spider-Man plongé dans une histoire surnaturelle, avec un dieu nordique. Loin de vouloir faire croire au lecteur que Loki et Spider-Man sont sur un plan d'égalité, JMS insiste au contraire, non pas sur ce qui les oppose, mais sur l'absence de repères partagés. Spider-Man est là pour se battre et mettre un terme à une supercriminelle, Loki est là pour tout autre chose, étranger à l'entendement de Spider-Man. Il est possible de trouver Loki goûtant un hamburger aux côtés de Spider-Man totalement débile et déplacé, ou au contraire d'y voir l'intelligence de JMS montrant à quel point leurs 2 existences n'ont rien en commun. du coup, le déroulement de l'histoire devient imprévisible car il n'y a pas de références ou de conventions toutes établies pour ce genre de rencontre, sortant de l'ordinaire des comics de superhéros. JMS a réussi à trouver un point de vue transcrivant l'invraisemblance d'une telle rencontre et à transformer une histoire improbable (même pour des superhéros) en une rencontre intrigante. Et puis comme il n'y a pas raison de se priver, JMS s'amuse à provoquer le lecteur avec 6 cases montrant les réactions de personnages cosmiques ou mystiques de l'univers Marvel, jusqu'à Lord Chaos (une entité inventée par Jim Starlin, apparue pour la première lors du combat Avengers vs. Thanos).

Il est également possible de ne pas y prêter attention, mais JMS a réussi un autre tour de force très discret. le temps de 3 cases, JRjr dessine Mary Jane et Peter dans leur lit chastement côte à côte et le "sens d'araignée" de Peter se déclenche avec une rare intensité. JMS a réussi son pari de connecter la personnalité de Spider-Man avec celle de Mary Jane, assemblant les 2 facettes de Peter en 1 seule. À nouveau, l'habilité de JRjr tient à sa discrétion, dans sa capacité à éviter l'exagération, et les sentiments exacerbés, à s'en tenir à une approche prosaïque (sans jouer sur une titillation facile) pour mieux rendre plausible et concrète l'intimité affective entre Mary Jane et Peter. JRjr avait déjà dessiné de nombreux épisodes de Thor (voir Thor by Dan Jurgens & John Romita Jr Vol. 1) et il n'éprouve aucune difficulté à représenter Loki comme un individu n'appartenant pas vraiment à l'humanité, sans en faire une déité d'opérette.

Cette histoire n'a rien d'inoubliable, mais JMS et JRjr font la preuve qu'ils sont capables de placer Spider-Man dans les intrigues les plus improbables et les plus saugrenues pour ce personnage, sans le dénaturer. 4 étoiles.

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+++ Épisode 505 +++ Mary Jane Parker est partie à Beverly Hills passer une audition pour un film. Parker a revêtu son costume de Spider-Man pour se détendre mais la nuit est calme. Il se retrouve à empêcher un gamin avec un flingue de voler un vélo.

Avec cet épisode, JMS et JRjr inversent la tendance des précédents en en consacrant la moitié à Mary Jane et à sa relation avec Peter. JMS est très en forme avec un soliloque de 2 pages de Peter accompagnant sa femme à l'aéroport en taxi (cela vaut vraiment le coup de faire l'effort de chercher l'étymologie du nom de la race de fourmi "pismire"). Il retranscrit bien l'état émotionnel de Mary Jane arrivant pour son audition (à voir comment cette intrigue secondaire se développera par la suite). Et là, ne reculant devant aucune audace, les auteurs racontent comment Spider-Man a empêché un vol de bicyclette. Quel enjeu et quel suspense !

Contre toute attente, cet épisode est à ranger parmi les plus réussis. Il semble faire écho aux épisodes 55 & 56 dans lesquels Peter Parker prenait conscience que les petits voyous de rue qu'il arrête régulièrement ont aussi une histoire. À nouveau, JMS cisèle un dialogue tendu et plein d'humour qui transfigure une situation banale et rabâchée en un moment de grâce, montrant qu'une personne peut faire la différence et que tous les problèmes ne se résolvent pas en tapant dessus le plus fort.

Alors qu'il n'y a quasiment pas d'action d'éclat, JRjr soupèse chaque composant de chaque case pour s'astreindre à l'essentiel, dans une mise en scène qui apparaît simple et évidente, mais qui relève d'une grande habilité de narrateur visuel.

JMS et JRjr montrent que déjouer un vol de bicyclette peut constituer une intrigue haletante pour Spider-Man, avec un enjeu humain d'une grande sensibilité. 5 étoiles.

+++ Épisodes 506 à 508 +++ Ezekiel Sims est de retour et il indique à Peter Parker que le péril surnaturel attendu et tant redouté est sur le point de se manifester. Cela prend la forme d'une entité anthropoïde collective composée de milliers d'araignées, qui sème la terreur dans New York. Cette aventure va emmener Spider-Man dans un temple dédié à un dieu araignée au Pérou, face à Miguel Legar, ordonnateur d'une étrange cérémonie.

Depuis leur premier épisode, JMS et JRjr ont forcé le lecteur à regarder les origines de Spider-Man sous un autre angle. Ils ont eu l'intelligence de ne pas invalider l'origine connue de tous les lecteurs (Peter Parker piqué par une araignée radioactive), mais de dire que cette description factuelle ("scientifique") est incomplète et que cet événement peut également comprendre une dimension spirituelle. Ils ont introduit Ezekiel Simms un nouveau personnage prédisant à Peter Parker l'arrivée d'une menace surnaturelle directement liée à ses pouvoirs, assertion confirmée par des déclarations cryptiques du Docteur Strange (le sorcier suprême quand même). le temps est venu de découvrir le fin mot de l'histoire. JMS a pensé son intrigue plusieurs épisodes à l'avance (depuis la première apparition d'Ezekiel en fait) et le lecteur n'est pas déçu par le pot aux roses. Cette fois-ci, JMS ne s'excuse pas de donner une dimension mystique à son récit, il ne se justifie pas par moult exemples, il ne cherche pas à prouver que l'individu a besoin de spiritualité pour vivre. Il s'appuie sur les éléments développés dans les épisodes précédents et il déroule son intrigue dotée d'une logique interne sans faille. le dénouement peut sembler artificiel ou reposer sur un bon sentiment trop facile, mais il découle naturellement de plusieurs thèmes développés par JMS depuis le début, à commencer par l'essence de l'héroïsme de Peter Parker. En fait JMS ne sort pas un deus ex machina du chapeau, il utilise la nature profonde du personnage et la notion de héros.

À nouveau, JRjr réussit à rendre cohérent tous les éléments visuels du scénario malgré leur nature hétéroclite. Il n'a pas son pareil pour faire croire à l'apparence de cette silhouette humaine composée de centaines d'araignées. Bien sûr que c'est débile et que ça n'existe que dans les comics de superhéros, mais JRjr arrive à lui donner une logique visuelle qui permet au lecteur d'accepter ce concept d'intelligence collective, et même à la rendre répugnante et repoussante avec ces tâches noires pleines de pattes grouillant de partout. Lors du combat final, il représente 2 opposants au regard habité par leur détermination, leur conviction. Il est visible dans la première page de l'épisode 508 qu'il s'est fortement inspiré de Mike Zeck (Kraven's last hunt ou Return to Big Nothing) pour transcrire cette intensité dans le regard. le résultat montre qu'il a bien choisi. Alors que le scénario de JMS exige de montrer que cet affrontement ne se limite pas à échanger des coups, JRjr relève le défi et montre par ses dessins la totale implication des 2 personnages.

JMS et JRjr utilisent les ingrédients habituels des comics (bagarres, code moral, clivage bien / mal, superpouvoirs) à leur manière, en les inféodant à un récit original respectant toutes ces conventions (même les plus éculées), tout conservant une logique interne au récit à toute épreuve, en mettant en évidence la force du personnage Spider-Man, et en aboutissant à une conclusion pas forcément politiquement correcte quant à la valeur d'un individu par rapport à celle d'un autre, revenant au sens premier du mot héros (homme d'un courage et d'un mérite supérieur, favori particulier des dieux). 5 étoiles.

Mike Deodato remplace JRjr pour illustrer les aventures de Spider-Man dans le tome suivant Sins past, toujours écrit par JM Straczynski.