AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,56

sur 88 notes
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce premier roman de Julien Suaudeau ne laisse pas indifférent...
Dans un contexte social et politique très actuel, l'auteur nous plonge dans la banlieue et les cités désespérantes du 9/3, là où l'espoir s'en est allé, il y a bien longtemps. Il nous emmène aussi dans les beaux quartiers de Paris et on s'aperçoit bien vite que tout n'est pas si simple : les parts d'ombre sont des deux côtés...
Dawa, c'est aussi une histoire de vengeance, de racines, de haine et de violence...C'est encore deux personnages forts et intenses...
Le style est dense, percutant. Suaudeau nous livre une vision et une analyse sans fard de notre société contemporaine
Et c'est certainement cela qui m'a le plus gênée (perturbée ?) : le pessimisme très (trop) réaliste de notre monde d'aujourd'hui...
Merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont
Commenter  J’apprécie          120
C'est Victor, un ami lecteur, turboprof plutôt branché, qui m'a montré la pile de trois exemplaires, dans la petite librairie où nous aimons nous rendre entre deux cours : « Dawa, tiens ils ont Dawa, ici ! Je pensais que c'était réservé aux Parisiens... ».

Je dis la pile, parce qu'il suffit de peu de volumes pour monter haut. Et il me fourgue aussitôt le pavé : « Rate pas cette occasion unique de prendre de l'avance sur les critiques ! Excellent, tiens je te l'offre. Ne lis surtout pas la quatrième de couverture, qui ne donne pas tellement envie...»

Un cadeau de Victor ne se refuse pas : on a pris cette mauvaise habitude (pour ce qui reste de nos petits salaires) de s'offrir ce qu'on ne peut pas ou ne veut pas prêter.

Bonne pioche forcée : en près de 500 pages, ce Dawa se lit comme un thriller.

De Fred Vargas, à laquelle je voue un culte particulier, j'ai tout lu, et j'adore retrouver Adamsberg, comme j'ai adoré découvrir le Paoli de Julien Suaudeau, son passé, ses failles, son intelligence des situations, ses combines, ses réseaux... Mais Dawa est je pense bien plus qu'un thriller, dont il a pourtant tous les ingrédients pour forcer à y passer plusieurs nuits.

Sans en avoir l'air, on s'imprègne d'une véritable analyse politique et sociale de notre société française, à la dérive sur bien des plans. Et là, tout y passe : du cabinet ministériel et ses « éléments de langage » au plus profond de la désespérance des banlieues, là où les flics ne s'aventurent que sous le bouclier des CRS, et où seule la peur tient de ciment.

Magouilles au sommet, trafics en tous genres, mais surtout de stups, dans les cités d'où l'Etat a été chassé depuis longtemps pour que seules y règnent les bandes de petites et grosses frappes... avec pour seule concurrence (ou complicité) les prêcheurs salafistes ou modérés. Pendant que le Qatar avance ses pions, aussi bien dans les plus hautes sphères qu'à la Courneuve.

Le plus étonnant est que ce Suaudeau, que la quatrième de couverture (j'ai quand même regardé) dit vivre aux USA, semble tout aussi à l'aise pour décrire à merveille tous ces milieux, leurs rituels et leurs travers. Et pour décrire le monde des polices et de leurs guerres intestines. Un polyglotte, sans doute.
Boxeur, en tout cas. Comme son Momo, dont les yeux se teintent parfois au pochoir. Au pochoir, comme les quatre lettres du titre en couverture... Paoli, Momo et tant d'autres : les personnages créés par Suaudeau, on se prend à les aimer, au moins à les comprendre.

Cette fiction se termine dans la France d'aujourd'hui. Et quand je dis aujourd'hui, c'est mars 2014 avec ses élections municipales, en particulier à Paris (je comprends la remarque de Victor), avec son remaniement ministériel à venir, avec un « PR » inexistant, avec un ministre de l'intérieur pressé d'atteindre la case Matignon pour gagner celle de l'Elysée, au coup suivant. Celui-là, Julien Suaudeau ne semble pas beaucoup l'apprécier !

Un peu dangereux, sans doute, de coller à l'actualité, mais je crois cependant que Dawa est suffisamment bien écrit pour conserver l'intérêt du lecteur à-venir : celui d'avril 2014, de cet été, de l'an prochain...

J'aime aussi cette prise de risque de l'auteur (et de l'éditeur) : risque d'une toute autre nature que celui des personnages, qui mettent le plus souvent leur peau en balance.
Le risque d'écarter toute une tranche de lecteurs... Avouons-le, c'est plus dérangeant de se lire comme nous sommes, comme nous ne voulons peut-être pas nous voir, que de suivre nos « pères » dans un roman sur l'IRA d'il y a vingt ans, ou sur le Liban en guerre (pas celle en cours ou à venir, la précédente...).
Je vois mal les lycéens décerner leur prochain Goncourt à un livre aussi peu fait pour le consensus.

Professionnellement et par intérêt, j'ai dévoré « les banlieues de l'Islam » et autres plus récents ouvrages de Gilles Képel, les « fractures françaises » de Christophe Guilluy. Mais par son style et par sa fiction Dawa m'apporte le côté vivant ... et réel, que ces auteurs académiques ne peuvent traduire.

Une seule réserve : la dernière phrase en dix lignes, de ce qui constitue l'épilogue. J'ai relu trois fois sans vraiment comprendre. Alors que tout le reste est si fluide... Mais il était pas loin de trois heures du mat'.
Bref, vous l'avez compris, je recommande, chaleureusement. Et comme Victor m'y incite, je partage avec vous, avant que les pros s'y mettent... Et comme c'est ma première critique dans Babelio, je n'y vais pas par quatre chemins : un maxi d'étoiles !

Commenter  J’apprécie          110
Abordé à la veille des attentats du 13 novembre dernier, Dawa se révéla, dans l'émotion de ces moments, particulièrement saisissant. C'est que l'histoire de ces jeunes de banlieue mal dans leurs peaux, confits dans un désespoir qui pousse à la haine de la société dans laquelle ils vivent, décidés sous la houlette d'un universitaire bien intégré mais assommé par le poids de son histoire familiale, à se faire sauter dans les grandes gares parisiennes un vendredi 13 au nom d'un islam mal digéré avait alors un écho bien particulier. La presse ne s'y est pas trompée, qui s'est saisie du roman de Suaudeau pour y voir une sorte de vision prophétique, et a offert quelque tribune à l'auteur.
Il va de soi, pourtant, que Dawa n'est rien d'autre qu'un roman qui a pour lui d'être particulièrement bien documenté. Surtout il montre bien comment le roman noir est apte, lorsqu'il est bien mené, a saisir les failles de nos sociétés. Julien Suaudeau, en fin de compte, n'a fait que mettre en musique un morceau qui existait déjà ; il a réuni de fragments, les a assemblé, a extrapolé, pour arriver à donner une cohérence à l'ensemble et à le doter de cette force romanesque qui le rend d'autant plus percutant.
Cette histoire d'apprentis terroristes lancés dans un projet destructeur et manipulés autant par celui qui les y a entrainés que par les divers services de renseignements jouant avec bien des intérêts contradictoires – vengeances personnelles, campagne électorale tendue, guerre entre factions – se révèle donc comme un roman ambitieux et clairvoyant. Mené tambour battant, Dawa est de ces livres qui accrochent le lecteur et arrivent à allier l'efficacité et l'intelligence.
On s'y laisse entrainer avec fascination et, aussi, une certaine admiration pour ce premier roman complexe et réussi, même s'il n'est pas exempt de défauts, en particulier quelques fils tirés un peu trop vite, comme cet infiltration de Franck, le policier, et d'autres, comme cet affrontement qui traverse le temps, de la guerre d'Algérie à nos jours, entre Al-Mansour et Paoli, qui s'étirent longtemps pour ne mener finalement pas à grand-chose. Cela dit, répétons-le, intelligent, engagé à sa manière et d'une efficacité redoutable, Dawa mérite incontestablement les éloges qui lui ont été faits.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
Commenter  J’apprécie          90
Avant tout, je dirais que ce livre est un livre de colère, colère contre la Société, contre l'injustice, contre l'arbitraire, contre tous les pouvoirs, contre tous les autres....
Ce livre est une condamnation de ce que devient notre société, c'est le décodage de nos erreurs, de nos mauvaises interprétations, de nos hésitations, de notre refus de comprendre. C'est la faute au pouvoir politique qui n'a pas réussi à dénouer les écheveaux d'embrouilles, de combines.
C'est la faute aux différentes administrations, incapables de faire respecter de simples règles de bonne conduite.
C'est la faute à ?
Ce livre est un incendie allumé en pleine ville, dans ce grand Paris à la dérive, il n'y a plus de pompiers pour venir au secours de la vie, la justice est pourrie, la sécurité ne peut plus être assurée, il n'y a plus de grandes valeurs morales auxquelles se référer avec certitude.
Mais une fois que l'on a dit tout ça, on fait quoi ?
La gauche a failli, elle a bien sûr fait des erreurs, elle n'en est plus qu'à essayer de conserver le pouvoir, elle a trahi, elle a laissé de côté les classes défavorisées qui ont cru en elle !
Peut être que l'on peut être déçu par les années de socialisme mitterrandien, peut être que l'on peut être amer, peut être que ... Mais, pourquoi tant de virulence dans les références à l'actualité brûlante de la fin 2013 et de ce début de 2014 avec la prédiction des remaniements ministériels, des déroutes électorales, et ces portraits au vitriol de nos dirigeants actuels !
Pourquoi tant de grandes phrases assassines : "Ils se sont fait élire sur une illusion lyrique, comme toujours, mais quand la bête n'a plus que la peau sur les os, on ne fait plus de politique : on gère la dépression nationale, on pilote le déclin avec un gouvernail grand comme une pièce de cinq francs."
Mais, mais, .... , ce n'est certainement pas la droite libérale, ni bien sur l'extrême droite de matin brun qui peut nous apporter la solution pour résoudre la crise économique, sociétale, mondiale, ...
Mais n'est il pas si facile de critiquer, sans même dire il suffisait de, y a qu'à , ....
La colère est un bon moteur et peut être utilisée pour faire bouger les choses, réfléchir, faire prendre conscience des problèmes dans le but d'y trouver une solution .... mais elle a tendance à aveugler et à faire perdre toutes raisons.
La dénonciation ne sert pas à grand chose quand elle est gratuite et qu'elle ne cherche pas à proposer au moins des embryons de solution, ou des voies de réflexion.
Le chemin de l'évolution est une route très longue, surtout si on ne veut pas laisser trop de monde sur les bas côtés.
Notre avenir nous devons encore l'inventer sans pour cela faire appel à de vieux démons populistes !
Mais j'avoue que la plus belle conclusion que je peux donner à cette critique sera la reprise de la fin du livre, certainement la phrase et l'idée la plus aboutie de ce roman et la plus émouvante :
"...., il n'y a que ça de vrai, sans quoi nous sommes nus sur terre.Tout le reste, la gangrène des êtres et le sadisme anonyme des institutions, les fureurs et les emportements, les soubresauts et les fièvres de ce monde voué à la fin au grand vide, quand il ne restera plus rien ici qu'une vaste zone périurbaine, tachetée de centres commerciaux, de plateformes d'appels et de concessionnaires de voitures, quelque soit l'entêtement des enragés de tout poil à ce que cette planète sans âme s'embrase auparavant, tout le reste n'est que le songe falot dans la tête d'un infortuné, qui ne portait plus les hommes dans son coeur après les avoir trop aimés."
J'aurais donc peut être la faiblesse d'attribuer cette maxime à Julien et d'excuser ces débordements au nom de l'amour trahi, et je vous laisse découvrir ce qu'il y a de vrai !
Commenter  J’apprécie          91
Julien Suaudeau, né en 1975, vit à Philadelphie et c'est tout ce que j'ai pu récolter sur sa biographie. Dawa est son premier roman.
« Dans une France post-républicaine, en proie au vertige identitaire et aux marchandages politiques, deux hommes sombres poursuivent une vengeance au long cours, l'un derrière l'illusion du djihad, l'autre sous le masque de la loi. Autour d'eux, au coeur de l'Etat ou sur les dalles de la banlieue parisienne, la violence de leur idée fixe va renverser le destin d'inconnus, sans épargner ceux qu'ils aiment. » Ou bien, pour le dire avec mots, il s'agit pour les autorités de contrer la menace d'un attentat terroriste de grande ampleur visant le coeur de Paris, avec d'un côté un responsable de la DGSI voulant venger la mort de ses parents tués par le FLN au début des années 60, détournant « au bénéfice d'une vendetta privée, le pouvoir et les moyens qui lui sont dévolus dans le cadre de ses fonctions » et de l'autre, le fils d'un important membre du FLN qui s'est juré « de meurtrir ce pays qui avait tué Kader » son frère.
Julien Suaudeau nous offre un polar sociopolitique qui ne manque pas d'atouts dont le premier, et non des moindre, est de le rendre particulièrement actuel puisqu'il se déroule à quelques semaines des élections municipales de 2014 ! Climat politique pour le décor, mêlant des portraits saisissants de personnalités politiques réelles mais non citées et des personnages de roman très crédibles occupant des fonctions ministérielles ou de l'administration ainsi que des journalistes. Ambitions, pouvoir, combines ou concessions, le Qatar qui finance la droite comme la gauche, rancunes, j'avoue que cet angle du bouquin m'a particulièrement emballé, j'avais l'impression de lire le Canard enchaîné ou une enquête d'un magazine d'information. Julien Suaudeau dresse un état des lieux assez noir de la société française.
L'écrivain sait aussi nous entrainer au coeur des cités, où Blacks, Blancs, Beurs font leur bizness comme ils peuvent. Des parkings à la mosquée, des salles de boxe aux couloirs du RER, nous traversons la capitale et ses banlieues. Des costards-cravates aux sweatshirts à capuche, Julien Suaudeau parait connaitre sur le bout des doigts tous les milieux, tous les codes et leur langage. Qu'on soit autour d'une table avec ministres et fonctionnaire lors d'une cellule de crise ou bien au fond d'une cave entre Rebeus et Renois, l'auteur est chez lui partout, Comédie humaine d'aujourd'hui, le roman décrit avec brio la psychologie des acteurs et les lieux où ils évoluent. Mais, et c'est là son unique défaut, à vouloir faire son Balzac en un seul volume, la masse d'évènements et de personnages en font un roman trop long à mon goût – surchargé, pas assez dégraissé, le piège du premier roman ? Je sais que je me répète avec ces romans que je trouve souvent trop longs, mais pour moi c'est réellement la plaie principale de la littérature.
Julien Suaudeau écrit bien, de ce genre d'écriture qui prend son temps, loin du style énervé ou énergique cher à certains polars d'action. Ici la psychologie des uns et des autres est le tronc sur lequel sont greffées les ramifications narratives. Son domaine de connaissances est vaste, de la langue arabe aux arcanes du pouvoir, ponctuant son récit d'analyses géopolitiques ou de références diverses à l'Histoire récente. Polar ou thriller mais empreint d'un certain romantisme qui agace un peu parfois quand les motivations du terroriste complaisamment exposées – « Je voudrais accomplir quelque chose de grand par ma mort, qui prouvera à tous ces gens que je n'étais pas rien » - laissent un goût amer qui n'est pas dissipé par celles du représentant de la République - « Je vivrai pour te tuer, et j'aimerai le seul jour de ta mort » - qui renvoient dos à dos, les deux camps puisqu'ils se font chacun une idée toute personnelle de la justice.
Concluons, un bon roman plein de bonnes choses mais avec des longueurs… et une interrogation restant sans réponse, pourquoi page 471, évoquer le vendredi 13 mars alors qu'à cette date (qui en passant est aussi la date de parution du bouquin !) nous serons un jeudi ?
Commenter  J’apprécie          91
Un premier roman à couper le souffle, très contemporain et très classique à la fois, proche des grandes fresques sociales du XIXe siècle et d'une série comme The Wire.
J'ai particulièrement aimé la façon dont l'auteur nous emporte à travers des milieux sociaux qui n'ont a priori rien à voir les uns avec les autres, et entre lesquels il arrive pourtant à tisser une intrigue d'une très belle et très profonde complexité. On aime tous les personnages qui s'avancent tour à tour sur le devant de la scène, et dont le destin se joue en coulisses, à l'abri des regards. Aucun jugement n'est posé sur leurs actes ou sur leurs sentiments: ils ont tous leurs raisons, que l'on n'est pas obligé de partager, mais qui donnent une formidable puissance romanesque à l'ensemble.
La connaissance intime des banlieues et du sommet de l'État a été soulignée par de nombreuses critiques Babelio; j'ajouterais que le suspense lié à l'intrigue terroriste qui se noue dès les premières pages est mené avec une maestria stupéfiante pour un jeune romancier, et avec un soin d'avancer pas à pas qui le distingue des romans de gare que sont trop souvent les polars d'aujourd'hui.
En résumé, une très belle découverte, à rapprocher des derniers romans de John le Carré, et un auteur dont j'attends avec impatience le prochain roman.
Commenter  J’apprécie          70
Julien Suaudeau signe un premier roman particulièrement dense et bien ficelé. Ne vous laissez pas rebuter par l'épaisseur de l'objet.

Le lecteur est plongé au coeur d'une cellule "terroriste" qui projette de faire sauter une bombe dans chaque gare de Paris au nom de l'Islam. de la logistique en passant par les racines de leur combat, la vengeance peut être un fléau aussi dur à combattre que l'idéologie fanatique.

Parallèlement, l'auteur nous entraine dans les arcanes politiques et policières au sein desquelles chacun essaie de tirer la couverture à soi. Les faits relatés dans ce roman ont un retentissement saisissant car l'actualité de ces derniers jours semblaient lui faire écho.

Il semble facile pour les jeunes de cités de tomber dans le fanatisme religieux quand ils sont perdus et que leur pays semble leur tourner le dos. Certains d'entre eux se réclament du pays de leurs ancêtres alors qu'ils n'y ont jamais mis les pieds.

Les politiciens n'ont pas vraiment le beau rôle dans cette histoire, peut être parce qu'ils ont une part de responsabilité dans tout ce gachis.

L'auteur sait garder le lecteur en haleine jusqu'aux dernières lignes et on peut dire qu'il maitrise parfaitement son sujet. Même s'il y a certaines longueurs, ce roman est très riche en moments haletants.

Il est sur que Dawa est le premier d'une longue carrière.
Commenter  J’apprécie          60
Ce matin, j'ai reçu un pavé de bitume dans ma boite aux lettres. du bitume noir et crasseux sur lequel quatre lettres à la craie, DAWA. Une invitation à rejoindre l'Islam ? Un sacré bordel ? Un peu de tout ça, mais il s'agit surtout du premier roman de Julien Suaudeau.

L'histoire commence sous le soleil de l'Algérie, à l'époque sombre de la guerre d'indépendance. le narrateur y vivra une expérience traumatisante qui le fera rentrer en Corse et renouer avec la tradition de la Vendetta.
Les racines plongées dans le passé, le récit déploie ses branches dans le présent, dans l'actualité de ce début d'année 2014.

Le narrateur est sur le point de terminer sa carrière alors qu'il a enfin retrouvé sa cible. L'objet de sa vengeance se cache dans les HLM de la cité des 3000 à Aulnay-sous-bois. Les choses ne sont pas simples dans les poudrières des cités et d'autres vengeances s'apprêtent à déchaîner la haine. Il faut faire sauter Paris et rappeler aux énarques que les enfants de la misère sont là.
Dawa nous fera visiter les caves obscures des HLM comme les salons feutrés des ministères. Si la république stigmatise et ne s'occupe plus des cités, elles ont trouvé d'autres anges protecteurs. La sécurité sociale s'est vue remplacée par la protection du grand banditisme, le réconfort du prosélytisme religieux ou les millions du Qatar.
Julien Suaudeau nous dresse un portait sombre et réaliste de ses personnages. Les jeunes qui tentent de survivre alors qu'ils n'ont pas d'avenir ou les intrigues de cours au sommet de l'état. Les méchants ne sont pas forcément ceux que l'on croit, les patrons maffieux tentent de préserver la stabilité, les intégristes ne sont présents qu'à titre d'épouvantails et le Djihad a changé ses manières.
Les histoires des protagonistes s'entrechoquent et font des étincelles. Cela donne une intrigue riche et mouvementée.

Il y a aussi la manière de l'écrire. On devine sous les pages l'exubérance artistique d'un premier roman. A trop vouloir en faire, il en fait justement trop. Les paragraphes sont trop riches d'images, elles ne se savourent plus. Pire, on perd parfois le fil de l'intrigue. On se retrouve à relire les mêmes phrases pour en comprendre le sens. L'antithèse de la littérature de gare, un livre à ne pas lire dans le RER du matin ou le métro bondé. Ne boudons pas trop notre plaisir, beaucoup de phrases font mouche et le roman est une mine de citations et d'expressions.

On ne trouve pas l'habituel avertissement fictionnel « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ». Et pour cause, les personnages du livre se divisent en deux catégories. Ceux que l'on nomme sont les protagonistes de la fiction. Et ceux que l'on désigne par leur fonction sont tirés de l'actualité, pire ils semblerait que les quidams sont aux commandes de notre bonne république. C'est peut-être le principal défaut de ce livre. L'action se déroule avant le vendredi 13 mars 2014. J'écris cette critique une semaine plus tard et je peux affirmer que le 13 mars était un jeudi. Accessoirement, aucun des évènements qui sont racontés dans le livre ne s'est déroulé. Heureusement pour nous.
A trop jouer avec l'actualité et la politique fiction, le livre risque de se démoder bien vite.


En attendant, je suis content d'avoir été le témoin de la naissance d'un écrivain. Il y a trop de talent dans ces phrases pour ne pas penser aux livres à venir.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai hésité à qualifier ce gros roman de polar, mais c'est un bon thriller qui nous tient en haleine avec un intrigue forte qui surfe sur les peurs de notre société : le terrorisme et l'islam. Quand je l'ai commencé, je me suis dit que le sujet était casse-gueule mais le roman, tout en défendant une thèse, ne tombe pas dans les poncifs et les clichés lepénisants. Ce roman est aussi, et surtout, une histoire de vengeance : celle qui se mange bien froide, qui est soutenue par 50 ans d'une haine recuite.

La biographie de l'auteur est plus que succincte : "né en 1975, Julien Suaudeau vit à Philadelphie" ; pourtant, j'aurais aimé connaître un peu plus son parcours car il décrit tout aussi bien la banlieue et les lascars d'Aulnay, le monde politique que les bourges de SciencePo et ses analyses politiques et sociologiques ne sont pas inintéressantes.

Paoli, chef du renseignement intérieur, enquête sur l'entrisme d'un imam soutenu par le Qatar qu'il soupçonne être la tête de pont d'une colonisation financière. Haut fonctionnaire, il a pour interlocuteurs privilégié le Ministre de l'Intérieur et son chef de cabinet qui n'ont pas forcément la même vision des choses que lui. Une grande partie du roman se déroule ainsi dans les cercles du pouvoir. Cette partie est un peu trop calquée sur l'actualité en cours avec des municipales qui approchent, un gouvernement à la ramasse et un ministre de l'Intérieur très ambitieux qui donne des coups de menton. le positionnement politique droitier du romancier joue avec les personnages d'un gouvernement qui sait ses jours comptés mais s'accroche au semblant de pouvoir que lui confie un président qualifié de" Bartleby de la politique".

En fait, Paoli est un chasseur qui poursuit al Mansour, l'assassin de ses parents. Il profite de sa situation pour le pister et rêve de l'abattre pour poursuivre sa vengeance qu'il a commencée il y a quelques années. Il a retrouvé sa trace à Aulnay où le vieux, atteint d'Alzheimer, est hébergé par son fils Assan, prof de fac. Assan a hérité des rages et des combats de son père après le mort de son frère, ancien terroriste. Il monte une conjuration pour assumer ce qu'il croit être son destin et enrôle des petites frappes transformées en aspirant martyrs pour cette opération Dawa, qui veut dire"appel" ou "chaos".

Au travers des personnages de Momo et Soul, Dawa décrit la vie d'une cité gérée par les trafiquants et l'influence des fondamentalistes. Il raconte les implosions personnelles qui conduisent [au] drame et livre une vision assez pessimiste de l'impossibilité de sortir de ce milieu et de la Cité.

Ce roman est un peu trop ambitieux, il cherche à dresser un portrait de la société actuelle au travers de différents milieux tous aussi violents : la politique, la banlieue, les trafiquants, la jeunesse dorée ou défavorisée. Au passage, il oublie quelques personnages (qu'est devenue Leïla ?) et souffrent de quelques faiblesses dans le lien entre les différentes histoires. Cependant, je ne l'ai pas lâché et j'ai aimé ses piques sur nos travers comme la critique de la "modernité avachie et suave dont [le maire] a habillé Paris".

L'auteur pose aussi la question de nos rapports aux pétromonarchies féodales et théocratiques, et notamment le Qatar si bien accueilli par nos politiques, et s'inquiète que "à force de considérer que l'argent n'a pas d'odeur, nous sommes en train de devenir les obligés d'une puissance dont nous ne partageons ni les valeurs ni les intérêts stratégiques".

Roman reçu dans le cadre de Masse critique, merci aux Editions Robert Laffont de l'envoi de ce livre
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
Commenter  J’apprécie          50
À la veille de l'indépendance algérienne, un petit garçon des Aurès assiste au meurtre de ses parents. Un demi-siècle plus tard, en pleine campagne électorale, un groupe terroriste annonce que cinq bombes vont exploser dans Paris. Deux hommes connaissent le lien entre passé et présent. Si le mauvais sang ne veut pas sécher, comment un pays peut-il vivre en paix ?
Dans une France en guerre contre elle-même, deux hommes sombres poursuivent une vengeance au long cours. La violence de leur idée fixe va renverser d'autres destins, puissants, infortunés, des cités de la banlieue parisienne jusqu'au coeur de l'État.
Dawa est un roman brute, qui nous plonge dans le chaos. Son propos résonne avec une actualité trop violente. Dawa c'est le portrait de la France actuelle, la radioscopie de ses grands problèmes économiques, sociétaux, identitaires, religieux, politiques.
Julien Suandau puisse dans le réalité sociale pour nous offrir une fiction d'une hyper réalité que l'on reçoit comme un uppercut.
Car il y a dans ce titre toutes les questions que chacun de nous se posent et aussi tous le points de vue sur ces fractures qui nous séparent tous un peu plus tous les jours.
Lien : https://collectifpolar.com/
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (195) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2873 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}