Je ne connais pas la bibliographie de
Lovecraft, c'est donc avec un regard vierge que j'ai ouvert l'adaptation illustrée qu'a réalisée
Gou Tanabe de L'Appel Cthulhu. Il s'agit à l'origine d'une nouvelle publiée en 1928 et qui fonde ce que l'on nomme
le mythe de Cthulhu.
J'ai apprécié la structure narrative de ce récit gigogne. L'histoire avance au gré des découvertes du personnage principal et de son défunt grand-oncle. Chaque rencontre qu'ils font, ou ont fait, permet d'en savoir plus sur Cthulhu et sur le culte dont il est l'objet. Impossible de parler de l'adaptation en elle-même sans avoir lu la nouvelle de
Lovecraft, mais je n'ai pas eu l'impression que le récit allait trop vite ou qu'il manquait des éléments de compréhension.
Plus que le récit en
lui-même, ce sont les illustrations qui m'ont fait froid dans le dos. Il y a dans le manga plusieurs doubles-pages qui permettent de constater tout le talent de
Gou Tanabe. La façon dont il représente l'entremêlement des corps est saisissant. On ne voit plus des êtres humains, mais un enchevêtrement grouillant de chair. Cette déshumanisation totale des adeptes du culte de Cthulhu, cette folie qui est la leur renvoie à des angoisses profondes et ancestrales. En tant que lecteur, nous voyons des êtres perdre pied (je pense au sculpteur que l'on croise dans la première partie du récit) et nous sommes totalement impuissants. Ils parlent une langue incompréhensible de tous (et d'eux-mêmes ?), se livrent à des sacrifices humains.
Cthulhu révèle toute la violence dont l'homme est capable, toutes les pulsions morbides qu'il renferme en
lui. de sa ville engloutie, il est capable de prendre possession de l'esprit de quiconque.
La dernière partie se déroulant au Groenland est le moment de la rencontre avec la créature antique. le dessin de
Gou Tanabe joue habilement avec les perspectives, ou plutôt avec l'absence même de perspective, et nous entraîne dans un dédale de pierre dans lequel le corps et l'âme ne peuvent que s'égarer. Cthulhu, masse informe presque sans visage, règne en maître sur ce labyrinthe.
L'atmosphère qui se dégage de l'ouvrage vaut le détour et je suis heureuse d'avoir fait un pas de côté par rapport à mes lectures habituelles.
Lien :
https://monrockingchair.word..