Furari est une belle histoire mi-poétique, mi-scientifique, mi-historique. Bon, je sais qu'il y a déjà beaucoup trop de moitiés pour que la chronique tienne la route, mais justement, c'est de cela qu'il s'agit ; des routes. Des routes et des distances. Et de mesures suffisamment fiables pour établir les cartes les plus précises possible, longtemps, longtemps, avant la
Carte Michelin (infaillible document responsable de nombreuses engueulades).
Il fut donc un temps où les télémètres (instruments servant à mesurer les distances), les théodolites (instruments très utiles à la mesure des angles), les satellites et les ordinateurs n'existaient pas. Si, si, c'est possible ! Les hommes puissants cherchaient à prendre l'avantage sur leurs ennemis en connaissant mieux que l'autre la topologie des lieux et… la météo. Parfois quelques incantations piquantes et sulfureuses suffisaient pour apaiser la colère des dieux et se les mettre dans la poche, mais assez rapidement on suspectât à la vue des résultats aléatoires que les dieux étaient sourds, ou bien séniles, ou bien encore confits de tous les défauts possibles à l'image des hommes.
Alors ces mêmes shōguns, pharaons, généraux d'empire et même certains petits seigneurs de proximité ayant eu la marotte de connaitre la dimension de leurs jardins – ce qui est, on peut en convenir, une lubie assez masculine – décidèrent de confier cette tâche à leurs sujets les plus… réguliers.
A la fin du IIIe siècle avant JC, à la demande du pharaon Ptolémée III qui voulait connaître l'étendue de tout ce que ne contenait pas son royaume (ben tiens !), le savant grec Eratosthène engagea des marcheurs professionnels capables de mesurer précisément la distance qui séparait Alexandrie de Syène. Les bétamistes (on les appelait ainsi) avaient le pas suffisamment constant pour qu'il puisse être utilisé comme base de mesure.
Tout comme le fait pour son shōgun notre sympathique « promeneur » qui arpente sans cesse la vieille ville d'Edo (ancien Tokyo), mesure les distances, compte et recompte chacun de ses pas dans le but de le tester et de le calibrer afin de pouvoir plus tard dresser la première carte moderne du Japon.
Jirô Taniguchi nous propose une déambulation pittoresque dans ce Edo fin XVIIIe / début XIXe en accompagnant notre joyeux hédoniste capable de déceler les charmes en toutes choses, chaque être et chaque instant.
Un très agréable moment de poésie.