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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Jeune adulte, Tadasu se souvient avec des sentiments mêlés de son enfance à l'Ermitage des hérons, la maison familiale où il a grandi. Dans ce havre de paix, non loin de Kyoto, l'harmonie régne entre l'enfant, son père et sa mère. Mais celle-ci décède alors qu'il n'a que cinq ans. Après la période du deuil traditionnel, le père lui présente la femme qu'il souhaite épouser et qui sera sa nouvelle maman. C'est d'ailleurs ainsi qu'il est invité à l'appeler, tandis que le père la rebaptise Chinu, du nom de sa première femme. Très vite, la deuxième épouse adopte le comportement de la disparue. Elle joue du koto, trempe ses pieds dans l'étang, cite les poètes, considère Tadasu comme son fils, au point de le laisser téter ses seins le soir au coucher. Encouragée par le père, la complicité entre l'enfant et sa belle-mère est telle qu'il ne peut plus, dans ses souvenirs, différencier celle qui l'a mis au monde de celle qui l'a remplacée. le seul écueil dans cette belle sérénité familiale a lieu lorsque Chinu tombe enceinte. Tadasu est le seul à se réjouir de cette grossesse dont ses parents évitent de parler. Et, peu après la naissance de Takeshi, celui-ci est placé à la campagne dans une famille adoptive. Même si Tadasu interprète cette décision comme la preuve de l'attachement inconditionnel de ses parents à sa seule personne, il aimerait que son frère revienne dans son vrai foyer mais n'ose s'opposer à leur volonté. D'autant que les forces de son père déclinent. L'homme va mourir mais pour partir en paix il obtient de son fils la promesse que celui-ci épouse la femme qu'il lui a choisie et que le couple s'occupe exclusivement du bien-être de Chinu. Tadasu obéit volontiers même s'il découvre qu'autour d'eux, on jase. La rumeur parle d'inceste...

Dans cette nouvelle, brève mais si profonde, Junichirô TANAZAKI joue avec l'ambiguïté de situations a priori naturelles et paisibles mais qui recèlent une part latente de non-dits. Quand un père offre à son fils une nouvelle mère, quand celle-ci adopte les mots, les postures et les gestes de celle qu'elle remplace, le fils alors ne fait plus le distingo entre les deux femmes. Avec la candeur de l'enfance, il se prête au jeu initié par le père mais, sans lien du sang, l'amour maternel devient désir. Les gestes les plus innocents peuvent être tendancieux...Le sujet est délicat mais TANAZAKI ne tombe pas dans le piège de la lourdeur. Toute sa poésie est mise au service d'une histoire où ce qui n'est pas dit est tout aussi important que ce qui est décrit. Il évoque un Japon fantasmé -jardin zen, étang à carpes, bruissement de l'eau, pavillon de thé-, sait se faire sensuel, voire érotique, tait les motivations véritables de ses personnages pour faire réfléchir, deviner, supposer son lecteur. Ambiguë, équivoque, choquante peut-être, cette nouvelle est un trésor de finessse psychologique, de sérénité et de sensualité. A lire évidemment.
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Le narrateur Tadasu Otokuni se livre à une confession écrite en l'an 6 de l'ère Showâ, nous sommes donc autour de 1932, ce qui correspond vraisemblablement à la date d'écriture de cette longue nouvelle ou court roman, on hésite (une centaine de pages format folio).

L'histoire se déroule dans un lieu unique, l'Ermitage aux hérons, une belle et vaste propriété comportant en plus du pavillon principal, un pavillon de thé et une « villa des plaisirs partagés », excusez du peu. Quant au « Pont flottant des songes », c'est le titre du dernier chapitre du Dit du Genji, histoire d'enfoncer le clou : l'édificateur des lieux, le grand-père paternel, était fait dans le bois de la culture traditionnelle japonaise.

Le récit pourrait s'appeler, plus prosaïquement, « Tadasu et ses deux mamans ». Tadasu a perdu sa mère à l'âge de 5 ans, mais va deux ans plus tard retrouver une mère de substitution quasi à l'identique, car son père s'est employé à effacer au maximum toute différence de comportement, tempérament et usages entre son ancienne épouse qu'il chérissait et la nouvelle, au point de donner à cette dernière le même prénom de Chinu (alors qu'elle s'appelle Tsuneko à l'état-civil). Cette nouvelle Chinu ne semble pas s'en offusquer le moins du monde, probablement a-t-elle accepté dès le départ ces conditions imposées par le père.

La question centrale du récit est le rapport ambigu entre Tadasu et cette seconde mère. Tadasu tétait le sein de sa mère, et bientôt Chinu n°2 va lui proposer d'en faire de même… mais il a un peu grandi… Est-ce normal, ou tendancieux ? Tadasu ressent du trouble, et des dizaines de questions vont le tourmenter. Il échafaude des hypothèses en cascade, sur le jeu de Chinu, de son père, sur d'éventuelles stratégies et anticipations qu'ils auraient eues pour créer cette situation un peu trouble. Tout l'art de Tanizaki est de ne pas emprunter la voie facile du récit incestueux, mais de suggérer qu'il pourrait y avoir, ou y avoir eu… ou pas, et avec ou pas l'accord tacite du père. Et en fait, peut-être que tout est normal. le puzzle se complète peu à peu, mais clairement, il manquera toujours des pièces. le temps brouille la mémoire et c'est bien pratique pour mêler la réalité au fantasme.

Toujours est-il que des éléments factuels sont savamment distillés pour installer cette situation atypique. Déjà, le père a une douzaine d'années de plus que sa seconde femme, qui elle-même n'a guère qu'une dizaine d'années de plus que Tadasu. le couple finit par avoir un enfant sans l'avoir désiré, Takeshi, qu'ils éloignent en le louant à la famille d'un village… Tadasu se demandera s'ils n'ont pas fait exprès d'écarter le bébé pour ne pas entraver sa proximité avec Chinu, surtout lorsqu'il apprend rétrospectivement que son père est malade, victime d'une tuberculose rénale, à un stade avancé qui prive bientôt son épouse de sexualité, ce qui ajouté à l'impossibilité d'allaiter contribue à gonfler ses seins…

Tanizaki met à contribution deux personnages susceptibles de connaître le mieux les secrets intimes de la famille pour faire des révélations à Tadasu, et du même coup au lecteur : la nounou de Tadasu, qui a vécu au coeur de la propriété durant des années et vient de prendre sa retraite, et le médecin de famille qui soigne son père. C'est habile, d'autant que ces révélations ne font qu'alimenter des hypothèses sans donner de réponses véritables.
L'ambigüité persiste même une fois passée la période du tétage, dès lors que Tadasu, même marié ensuite à Sawako, dans un mariage arrangé, continue aussi à masser les épaules et le dos de sa mère avec une sorte de nostalgie, peut-être de regrets, en tête…

Un récit qui explore avec finesse et intelligence les souvenirs, les non-dits et ambiguïtés des relations parents-enfant, mère-fils, moins pervers que son roman La clé, moins profond que le goût des orties, mais on passe à nouveau un bon moment avec le pont flottant des songes, d'une grande subtilité et qui nous immerge dans le cadre dépaysant et rafraîchissant d'une demeure japonaise traditionnelle au paroxysme de son agrément. Toute la composition japonaise est là, entre ces pavillons reliés par un cheminement en bord d'étang ombré de bambous, où l'eau s'écoule en continu par le claquement de métronome d'une bascule...Kimonos et obis viennent colorer ce cadre qu'on devine sombre, si cher à l'écrivain, qui parsème son texte de courts poèmes...Mais Tanizaki n'a pas la nostalgie sans fond d'un Kawabata pour ces beautés en voie d'extinction, c'est un réaliste qui n'élude jamais le revers moins reluisant des choses, notamment ce climat humide et cette ombre qui finissent toujours par dégrader l'état du bois et propice à attirer des insectes nuisibles comme les scolopendres, ce dont il joue encore avec maestria.
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Réflexion sur l'image de la femme par Junichirô Tanizaki né à Tokyo en 1886 et dcd en 1965.

Cela se passe au Japon après 1910, l'année exacte n'est pas indiquée.

L'auteur Junichirô Tanizaki a laissé son nom à une des principales récompenses littéraires au Japon ; il laisse une oeuvre importante et unanimement considérée comme majeure dans le Japon du XXè siècle.

Tous ces romans sont audacieux pour l'époque : scandaleux, immoraux et subissent les foudres de la censure.

Il a publié également de nombreux drames, comédies et scénarios à une époque où le cinéma n'en était encore qu'à ses balbutiements.

Magistralement traduit par Jean-jacques Tschudin.

Ce petit livre est basé sur l'amour filial et le désir, relations troubles mais tellement bien écrit que cela n'a pas été dérangeant plus que ça.

Très intéressant.
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Sur le fil de l'ambiguïté
Ce court roman prend l'apparence d'une autobiographie fictive mais ne serait-ce pas un songe du narrateur ? Ou bien une réécriture contemporaine d'un chapitre du Dit du Genji si cher à l'auteur, qui l'a traduit en japonais moderne ?
Le narrateur Tadamu essaye de se remémorer sa toute petite enfance à partir d'un poème du Dit du Genji laissé par sa mère. Mais de quelle mère s'agit-il ? Il a cinq ans quand il perd sa vraie mère. le petit est inconsolable, cherche le parfum de ses cheveux, le bout de son sein, l'appelle. le père se remarie deux ans plus tard en s'efforçant d'effacer toute trace de différence entre les deux femmes. Il nomme alors sa seconde épouse Chinu, comme la première. Les deux mamans fusionnent dans le coeur de l'enfant qui peut de nouveau se blottir au creux de son épaule jusqu'à un âge avancé. Mais il grandit, commence à rougir de sa conduite et aussi à se poser des questions. Il écoute alors les rumeurs et nous aussi...
J'ai adoré cette lecture mélancolique et énigmatique. La tendresse et le désir sont subtilement liés, avec pudeur. L'Ermitage des hérons est un véritable paradis terrestre. C'est à regret que j'ai tourné la dernière page en laissant derrière moi le pont flottant des songes.


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Tanizaki nous raconte l'enfance de Tadasu auprès de sa maman puis avec la 2ème femme de son père.
L'image de ces deux femmes se confond dans la tête du petit garçon.
En grandissant, une relation complexe et ambiguë s'installe entre Tadasu et sa belle mère. le désir se fait plus sensuel.
L'histoire pourrait être glauque ou malsaine mais grâce la finesse et à la poésie de l'écriture, il n'y a rien de choquant.
Mystère, mensonges, mort, mais une belle histoire troublante, un peu perverse toutefois, sur le désir, l'amour, la féminité, les rapports mère-enfant.
Beaucoup de thèmes qui ne laissent pas indifférents.
En conclusion j'aime ce livre, j'apprécie cet auteur.
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Yume no Ukihashi
Traduction : Jean-Jacques Tschudin

Ce très court roman de Tanizaki est de ces textes qui donnent envie, après les avoir lus et relus, de se lancer dans des déclarations du style : "Après avoir lu cela, on peut fermer les yeux et mourir." Exagéré certes, outrancier - surtout pour des lecteurs qui escomptent bien, jusque dans l'Au-delà, continuer à s'adonner à leur passion - et pourtant ...

C'est que, avec ce "Pont Flottant des Songes", titre emprunté au cinquante-quatrième et dernier livre du fameux "Dit du Genji", classique japonais composé au XIème siècle par Shikibu Murasaki et tenu, par beaucoup, pour le premier roman psychologique jamais écrit, Tanizaki atteint à la perfection absolue. Perfection des fils de l'intrigue qui se croisent et s'entrecroisent avec une telle habileté que le lecteur en prend conscience bien trop tard, lorsqu'il n'a plus ni le pouvoir, ni la volonté de se dégager de la toile ainsi tissée, perfection de l'ambiguïté qui, à l'exception du médecin et de la parentèle des protagonistes, caractérise les personnages mis en scène, perfection en fin du réalisme de l'histoire qui nous remet en mémoire l'infinie variété de distorsions et de perversions dont est capable la nature humaine.

Sade aurait dégusté, vénéré, applaudi Tanizaki et cependant, les deux écrivains sont à l'opposé l'un de l'autre, en tous cas quant à la forme. Car, pour l'imagination ...

Dans "Le Pont Flottant des Songes", le narrateur, Otokuni Tadasu, qui a perdu sa mère alors qu'il atteignait ses cinq ans, se voit proposer par son père, quelques années plus tard, de retrouver une nouvelle maman. Jusque là, rien que de très ordinaire jusqu'à ce que le père dise à son fils qu'il doit considérer cette nouvelle mère tout à fait comme la première. D'ailleurs, la jeune femme portera le même prénom que la disparue, Chinu. Elle jouera sur le koto ayant appartenu à la morte. Elle prendra même l'enfant avec elle certains soirs, dans son lit, pour qu'il s'endorme en la têtant, ainsi qu'il en avait plus ou moins l'habitude avec sa mère.

Ainsi s'écoulent les années. Tadasu grandit, son père et sa belle-mère avancent en âge mais leur harmonie est parfaite. le jeune homme n'a jamais oublié celle qui l'avait mis au monde, ce n'était d'ailleurs pas le but recherché, bien au contraire - son père l'en avait prévenu. En fait, on dirait que les deux femmes, la morte et la vivante, ont fusionné. Tout simplement et tout comme le souhaitait le maître de maison, de très loin le personnage le plus ambigu et le plus énigmatique du livre.

Bien entendu, les choses ne vont pas s'en tenir là. Inexorable, de détail infime en petite phrase délicate, de retour sur un paragraphe qui fait hésiter la compréhension en explication claire volontairement donnée, le texte progresse vers une fin que le lecteur, fasciné, hypnotisé comme toujours par la puissance et la complexité du génie de Tanizaki, ne cesse d'entrevoir depuis à peu près le premier tiers du livre et qu'il accepte avec reconnaissance, comblé par cette nouvelle et lumineuse démonstration de la subtilité d'un esprit qui a bien peu d'égaux dans la littérature occidentale.

En conclusion, je vous recommande vivement "Le Pont Flottant des Songes." Lisez-le une première fois, laissez reposer une semaine ou deux, lisez-le une seconde fois. Vous saurez alors pleinement ce que ressent le narrateur de cet étrange récit qui mêle si habilement les thèmes de l'inceste, du double et de l'ambiguïté sexuelle lorsqu'il confie : " ... plus je réfléchissais au sens caché de tout cela, et moins je comprenais ce qui s'était passé. ..."

Oui : vous saurez. ;o)
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Junuchirô Tanizaki, "le pont flottant des songes", Folio 4919,
2 euros, 110 pages, traduit du japonais et annoté par Jean-Jacques Tschudin.
Dommage que les annotations soient en nombre insuffisant. Il faudrait presque un glossaire : je n'ai pas trouvé "akéries" ou "kerries à double pétale" dans le dictionnaire alors que "fusuma" ou "koto" s'y trouvaient, mais tous ces mots sont sur une seule page (page 18). On comprend donc à quel point la lecture des trente premières pages, très descriptives, est ardue pour tout lecteur peu coutumier de la végétation et des coutumes japonaises. C'est intéressant, dépaysant, mais il m'aurait presque fallu une traduction de la traduction ^^ surtout pour les 25 premières pages qui décrivent le décor et nous présentent l'Ermitage aux hérons avant le début de l'intrigue proprement dit.
Je commence à m'habituer à l'univers délicatement malsain de Tanizaki. La quatrième de couverture évoque la relation oedipienne entre Tadasu le narrateur et sa belle-mère, mais il s'agit plus de l'étouffement de l'enfant sous une image maternelle de substitution, d'une relation toxique insidieuse, qui met rapidement mal à l'aise. Je n'en dirai pas plus mais si vous aimez le manga "les Liens du sang" de Shuzo Oshimi, pourquoi ne pas découvrir ce court de roman de Tanizaki ?

Lien : https://www.instagram.com/fo..
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Pour moi, un ouvrage magnifique. Tanizaki est un écrivain qui traite sans détours du problème du désir sexuel. Dans le "Pont flottant des songes" en particulier on retrouve les relations mère/fils et marâtre/"fils" décrites de façon ambiguës, et je pense notamment à la scène dans laquelle Tadasu, jeune homme, tête les seins de sa marâtre. Ainsi que le rôle du père peut-être énigmatique. Mais tout est décrit de façon poétique, ou n'apparaît aucun signe qui pourrait paraître malsain, on ressent l'innocence de ce jeune adolescent, de sa culpabilité à un moment mais bien faible par rapport aux rumeurs qui l'entoure. Il s'en défend mais gardera quand même quelques doutes sur des agissements possible de la marâtre.
Lien : http://wp.me/p4iy4V-7n
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