Ah ce
Tchekhov !
Le petit chien n'a pratiquement pas de rôle ou de place dans le récit... il n'est aperçu que quelques rares fois par le lecteur, et uniquement pour qualifier la dame qui le promène !
Mon (humble) avis : Cette nouvelle ne se déguste pas à la première lecture, où l'on reste assez insensible à ce récit simple autour de deux personnages assez banals, à la fin incertaine, et où même le chien est un leurre ! Mais une seconde lecture nous réconcilie avec cette petite histoire bien immorale et qui fait honneur au style dépouillé de
Tchekhov, à cette écriture réaliste et "impressionniste".
Anna, jeune mariée qui semble délaissée par son mari, est venue prendre l'air de la côte à Yalta, seule avec "son" chien : "On disait qu'un nouveau personnage était apparu sur la côte : une dame avec un petit chien. (...) Elle se promenait seule, portant toujours le même béret, et avec son loulou blanc. Personne ne savait qui elle était, et on l'appelait simplement "
la dame au petit chien."
Le narrateur, Dmitry Gourov, est un père de famille moscovite de 40 ans, marié à une femme revêche qu'il ne se gêne pas de tromper. Lui et sa famille sont aussi en vacances sur la côte de la Mer noire. Quand il aperçoit Anna et son petit chien, il tient là une nouvelle conquête !
Anna n'est pas belle ou extraordinaire, elle s'écoute, hésite, geint souvent : je la traiterais facilement de "pleurnicheuse" et son personnage m'a quelque peu horripilé... Et au demeurant Dmitry prend lui-même cette liaison plutôt légèrement, histoire de passer du bon temps pendant des vacances sinon ennuyeuses avec femme et enfants!!!
Cependant, les vacances terminées et chacun rentré chez soi, Dmitry, premier surpris, finira par se languir de cette femme. Il cédera finalement à la passion et se rendra jusqu'à la ville d'Anna : "Soudain la porte principale s'ouvrit, une vieille femme sortit, suivie du loulou blanc. Gourov voulut appeler le chien, mais son coeur se mit soudain à battre et d'émotion, il ne put se rappeler du nom du loulou." Anna, tout aussi émue, acceptera de continuer une liaison adultère dépendante d'allers retours entre Moscou et la région de Saint-Petersbourg, elle sera confrontée à la dissimulation de l'adultère et, bien évidemment, cela la rendra "émotive"... Et Dmitry, faisant alors montre de "compassion" (terme majeur dans l'oeuvre de
Tchekhov) lui prononcera, à la fin du récit, des paroles "rassurantes" (...mais énigmatiques pour le lecteur : leur amour pourra-t-il durer oui ou non ???, cela finit-il bien ou non ???).
"
La dame au petit chien" est présenté comme un des chefs-d'oeuvre de
Tchekhov.
Mais comme le constate V. Volkoff (traducteur) dans sa préface : "Que s'y passe-t-il ? Rien. (...) un viveur insignifiant s'engage dans une liaison qui durera probablement plus que les précédentes. C'est tout. Et pourtant, on ne pourrait ajouter ou soustraire une phrase sans rompre l'équilibre miraculeux de l'ensemble, combinaison de nuages au ciel plutôt qu'édification d'une bâtisse ancrée dans le sol."
NB : le très beau film "Les yeux noirs" de Nikita Mikhalkov (1987), avec Marcello Mastroianni, Silvana Mangano et Marthe Keller, est inspiré de "
La dame au petit chien".
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