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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je n'avais encore rien lu d'Anton Tchékhov, cet écrivain russe, principalement nouvelliste et dramaturge. C'est en découvrant La dame au petit chien arabe de Dana Grigorcea, roman de la rentrée littéraire 2019 - librement inspiré de la nouvelle de Tchékhov : La dame au petit chien - que j'ai décidé de lire cette nouvelle et par là même ce recueil de nouvelles. Celui-ci en comporte quinze ayant pour point commun les femmes.
Il m'a fallu un peu de temps pour m'accoutumer à son style. Si, au début, je l'ai trouvé un peu suranné même un peu ennuyeux, au fil des nouvelles, j'ai fini par apprécier ces courts récits, à l'écriture concise, qui disent peu et pourtant beaucoup à la fois. Pas de morale, pas de conclusion, chaque nouvelle nous laisse un peu sur notre faim et ouvre la voie à plusieurs interprétations possibles, mais n'est-ce pas là le propre et le but d'une nouvelle ?
Malgré la brièveté des récits, l'écrivain a su dresser des portraits magnifiques et excellents des personnages, notamment des femmes où leur psychologie est profondément et superbement analysée. Tchékhov brosse ainsi toute une palette de femmes aux caractères très différents parfois superficielles et capricieuses, souvent belles et séduisantes, mais la plupart du temps sensibles, insatisfaites, rêvant d'une autre vie inaccessible. En ressort souvent, une impression de mélancolie et de tristesse, car, à chaque fois ce sont des drames qui sont évoqués, mais drames où l'issue reste ouverte.
A travers ces récits on retrouve l'impossibilité d'aimer que Tchékhov a éprouvé toute sa vie, mais l'amour lui a inspiré émotion ou ironie. Si, comme dans La dame au petit chien, il fait preuve de cynisme, il le fait avec une sensibilité incroyable et décrit à merveille l'hypocrisie du monde. D'ailleurs je laisse la parole à Gorki (écrivain russe du 19e siècle) qui dira à son propos : « Personne n'a compris avec autant de clairvoyance et de finesse le tragique des petits côtés de l'existence ; personne avant lui ne sut montrer avec autant d'impitoyable vérité le fastidieux tableau de leur vie telle qu'elle se déroule dans le morne chaos de la médiocrité bourgeoise ».
Si, bien sûr, ces nouvelles ne se valent pas toutes, elles transcrivent toutes cependant des sentiments de façon magistrale ! Même si ce n'est pas le thème principal, la vie en Russie en cette fin de 19e siècle sert de toile de fond aux différents récits et les enrichit et il est souvent fait allusion aux criantes injustices sociales. Ces nouvelles ont du coup une véritable valeur documentaire.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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L'avantage des recueils de nouvelles c'est qu'on peut l'ouvrir pour en lire quelques unes quand ça nous chante, le refermer et le reprendre à n'importe quel moment sans qua cela nous perturbe. Par contre, quand vient le moment d'en faire une critique, c'est bien plus délicat !

C'est la première fois que je lisais Tchekhov, cet écrivain qui porte le titre de "Maître de la Nouvelle". Ah oui, mais pourquoi ?
On m'avait plusieurs fois vanté les mérites de la fameuse "Dame au petit chien", maintenant c'est mon tour d'expliquer ce qu'il y a de si spécial et de si marquant dans cette oeuvre.

Cette nouvelle, comme toutes les autres nouvelles qui constituent ce recueil parle d'une femme. Les femmes... un grand mystère pour les hommes !
Blague mise à part, Tchekhov nous dresse des portraits très souvent saisissants de vérité et de justesse sur les femmes. Des pestes les plus insupportables par leur égoïsme et autres travers, en passant par celles envahies par leur solitude aux amoureuses passionnées ; les observations et la beauté avec laquelle l'auteur a transcrit les sentiments et les aventures de ses héroïnes m'ont laissées sans voix ! le tout de façon si simple parfois ; c'en est tout simplement déconcertant parfois !

Il est vrai que toutes les nouvelles ne se valent pas, loin de là ... Je ne retiendrai que la moitié des nouvelles, à savoir : "La Pharmacienne" , "Le récit de Melle X...", "Les Garces", "La Princesse", "La Cigale", "De l'amour", "Douchetchka" et bien sûr "La Dame au petit chien" !
C'est bien à cause (ou grâce ?) à cette nouvelle que j'ai mis les 4 étoiles à ce livre.
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Une dame au petit chien est une histoire d'amour entre un homme marié et une femmes mariée. Goûrov s'est marié très jeune et avaient trois enfants avec sa femme. Pour se déstresser de la routine, il se donnait à plusieurs aventures sexuelles. Mais le jour où il rencontre Ânna Serguièiévna, Sa vie va basculer. Il ne sera plus le même homme, il ne gardera plus les même vieux raisonnements . Malheureusement, Ânna Serguièiévna, la dame au petit chien est mariée.
Les amants avaient accepté tant bien que mal leur sort dans leur foyer. A présent, ils sont tombés dans la flèche de Cupidon. Mais comment vivre cet amour interdit dont ils ne pourront plus s'en passer...
Anton Tchekhov dit: ""ils ne se voyaient qu'en secret et devaient se cacher comme des voleurs. Leurs deux vies n'étaient-elles pas brisées ?""...
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Tchékov fait revivre dans ces nouvelles et surtout dans La Dame au petit chien toute l'ambiance des stations balnéaires de la Mer Noire, à la fin du dix-neuvième siècle, avec ces femmes seules qu'on peut séduire. Ici, c'est le petit chien qui va être le relais d'amour dans ce couple naissant, mais plus que l'histoire, assez banale, on est marqué par la syntaxe, la petite musique de Tchékov, lorsqu'il décrit les bruits, les regards, les non-dits entre ces êtres. C'est une écriture toute en douceur, comme une lecture simple et calme, qui retranche. Un moment hors-temps qui relaxe et repose.
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Délicieux recueil de nouvelles, lesquelles nouvelles, il est bon de le préciser, n'ont pas été réunies ici du choix de Tchékhov mais bien de celui, arbitraire, de l'éditeur.
Une quinzaine d'histoires donc, d'une inégale longueur et à mon avis aussi d'une inégale qualité. Ça commence doucement, c'est le moins qu'on puisse dire. Et puis, passées les premières nouvelles qui n'ont vraiment rien de remarquable, on arrive à des choses (La Princesse, Les Garces, La Cigale) beaucoup plus travaillées et donc intéressantes, peuplées de personnages, en particulier des personnages de femmes, plus complexes et plus touchants.
Ariane, véritablement mon coup de coeur, est le récit tourmenté d'un homme empêché d'agir dans la vie sur le terrain de l'amour en raison de son extrême tendance à trop poétiser l'amour et les femmes, à cause de sa peur aussi de tout gâcher, et des désillusions, d'une banalisation. Longue d'une quarantaine de pages, elle est merveilleusement construite, très agréable à lire et d'une grande finesse. Il me semble qu'elle constitue même une démarche qu'on dirait aujourd'hui féministe : en effet le personnage principal ne craint pas de revendiquer l'égalité entre les sexes en matière d'éducation et d'instruction ; il affirme qu'il ne faut pas interdire aux femmes de s'intéresser aux sciences et aux arts, au contraire, qu'on leur enseigne autre chose que comment plaire aux hommes et se choisir un parti ; un trait est encore envoyé contre la "galanterie", dans ce qu'elle peut avoir de plus sexiste car permise uniquement aux hommes : "Si un homme offre une chaise à une dame ou ramasse le mouchoir qu'elle a laissé tomber, qu'elle lui rende la pareille. Je n'ai pas d'objection à ce qu'une jeune fille de bonne famille m'aide à passer mon pardessus ou me serve un verre d'eau…" (p. 306)
Le récit de l'amour m'a aussi beaucoup touché.
Bref, je ne peux que recommander au moins certaines de ces histoires consacrées au thème éternel des amours impossibles, perdues, ratées, où on devine l'énorme impression causée chez Tchékhov par Anna Karénine, très faciles à lire, souvent empreintes de mélancolie et pleines de tendresse.
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De Tchekhov , je ne connaissais (que partiellement) son Théâtre. Cette série de nouvelles ont toutes un point commun, elles s'attachent au portrait de femmes au profil à chaque fois différent mais dont le milieu social est globalement celui de la petite et moyenne bourgeoisie Russe de province de la fin du 19e siècle.
L'on pense souvent ici à Maupassant dans cette manière de saisir tout à la fois avec une précision empathique et une distance analytique , ces instantanés , ces séquences de vie , ces destins de femmes aux amours empêchées, chahutées entre bovarysme et perspective d'émancipation.
Comme en ombres portées de ces récits et portraits de femmes souvent émouvants traversés par la perspective du mouvement et de la fuite, les hommes et en toile de fond la société Russe de cette fin de siècle, ont en commun d'apparaitre quant à eux symétriquement monolithiques et figés
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La dame au petit chien, court récit, est un bijou littéraire. Il met en scène la rencontre à Yalta entre une inconnue et Gourov, un homme marié, grisonnant, en vacances seul, tenté une fois de plus par une liaison brève pour divertir son ennui…
Au royaume des femmes déroule les tergiversations d'Anna Akimovna une jeune et riche héritière face à l'argent et au mariage à la période de Noël.

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Une petite histoire de coucherie, comme dirait ma grand-mère, mais quel style ! Délicat, alerte, amusant, concis, de la bonne littérature.
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Impressions de lecture… La Dame au petit chien est sans doute une des nouvelles les plus célèbres d'Anton Tchekhov. La présente édition réunit d'autres textes de l'auteur. Textes qui, comme nous l'annonce la quatrième de couverture, tournent autour des femmes et… de l'amour. Tchekhov le fait dire à certains de ces personnages : l'amour et les femmes sont la grande affaire des Russes, « mais nous autres, Russes, quand nous nous rencontrons, nous ne parlons que de femmes ou de sujets élevés. Mais surtout de femmes. » (p.265), « Chez nous, en Russie, on méprise le mariage sans amour » (p.267), « Nous, les Russes de bonne éducation, nous avons la passion des questions irrésolues. Habituellement on poétise l'amour, on l'orne de roses, de rossignols, nous les Russes, nous l'ornons de ces questions fatales, et encore choisissons-nous les moins intéressantes » (p.310). Ici la relation amoureuse ou de couple est toujours un rapport de force, qui peut d'ailleurs s'inverser ; soumission ou domination dans l'attachement sentimentale, la manipulation ou la position sociale. En tous cas le couple ne fonctionne pas. Déséquilibre, amour impossible, rêverie, frustration, déception et incompréhension rythment ces histoires.

Les nouvelles sont ici classées par ordre chronologique, offrant toute une galerie de portraits d'héroïnes. « La Pharmacienne » (p.21) est malheureuse en ménage et elle n'est pas la seule dans le recueil. « Polinka » (p.31) est plutôt cruelle puisqu'elle parle avec un jeune homme amoureux d'elle d'un autre de ses soupirants. Cette très courte nouvelle offre une construction intéressante, ici la conversation marchande, commerciale, se mêle à la conversation sentimentale, autour d'une histoire de jalousie ; dans ces deux contextes se dessine le thème de la possession, matérielle ou amoureuse. « Zinotchka » (p.41) explore celui de la rancune tenace, à travers les yeux d'un enfant devenu adulte. « le récit de Melle X. » (p.53) est la seule nouvelle qui donne directement la parole à une femme, à la première personne, il y est question de la fuite du temps, qui sème parfois dans son sillage quelques regrets. Dans « Beautés » (p.61), le narrateur raconte sa rencontre, à deux reprises, avec de véritables beautés féminines. Cette beauté, insaisissable, impossible à retranscrire réellement et distribuée arbitrairement parmi les femmes, est-elle utile ? Peut-être que oui dans sa faculté à ravir le coeur des humains, à susciter l'émotion parce qu'elle est fragile et passagère. « La Princesse » (p.75) est une nouvelle qui contient beaucoup d'ironie et qui met en scène l'inconséquence d'une femme égocentrique. « Les garces » (p.97) est un texte presque dérangeant, il dit certaines choses sur la condition des femmes à cette époque mais pas seulement car il illustre aussi les extrémités dramatiques auxquelles peuvent pousser l'amour déçu et le malheur, tout cela sur fond de culpabilité religieuse. le récit de nuit, les sons au loin, le malheur et le crime composent une ambiance oppressante, qui met mal à l'aise.

« La Cigale » (p.121) est la nouvelle qui m'a le plus émue. La trame et la conclusion sont certes un peu convenues, mais la construction, très efficace, accroche le lecteur. le texte offre un portrait en creux, bouleversant, d'un homme bien, un peu terne, sans tapage, marié à une femme extravagante et frivole, à laquelle il est entièrement dévoué. le lecteur peut être un peu consterné par cet homme qui se laisse écraser, ce qui ne nous empêche pas de le trouver touchant. Il en est de même pour sa femme, on peut presque la comprendre tout en la trouvant terriblement agaçante et en lui en voulant un peu. Cette ambiguïté est très intéressante et ouvre une dimension critique qui renvoie le lecteur à lui-même, à ses propres fonctionnements, ses travers, ses faiblesses et l'indulgence qu'on peut avoir pour soi-même ; même si de mon côté la patine russe, fin XIXème, crée une distance entre les personnages et moi, les rejetant dans un monde lointain dont je ne connais pas tous les codes. Les dernières pages de « La cigale » sont très bien construites, sur un parallèle cruel qui résume à lui seul la personnalité du mari et de la femme. La fin a été très efficace sur moi, qui suis plutôt difficile à piéger dans ce genre de sentiments, et m'a émue.

Dans « Un royaume de femmes » (p.163), le personnage centrale, Anna Akimovna, fait pendant à la Princesse de la nouvelle éponyme. Comme le remarque Roger Grenier dans sa préface (p.12-13), à l'inverse de la Princesse, « À la tête d'une fortune, d'une usine, de grandes responsabilités, Anna Akimovna, ne cesse d'avoir mauvaise conscience ». Dans cette nouvelle, Tchékhov démonte avec beaucoup d'humour la construction du sentiment amoureux. C'est sans doute la nouvelle qui m'a fait le plus sourire (avec celle intitulée « Douchetcka »), notamment avec la description, très drôle, d'un personnage savoureux, Lyssevitch, p.203. Ou encore avec l'épisode plutôt comique, p.192, dans lequel l'héroïne observe l'homme pour lequel elle éprouve de l'attirance et l'estime « habillé très convenablement » alors que la suite de la description nous révèle qu'en fait elle trouve que rien ne va dans sa mise « Les manches de sa redingote étaient un peu courtes, à vrai dire, la taille semblait trop haute, son pantalon passé de mode et trop étroit ». « L'Épouse » (p.231) et « Anne au cou » (p.243) mettent en scène des femmes manipulatrices et profiteuses. L'héroïne d' « Anne au cou » combine d'une certaine manière celles de « La Pharmacienne » et de « L'Épouse », car d'une pauvre fille piégée dans un mariage malheureux avec un vieux monsieur peu engageant, elle devient une femme rouée et vénale qui ne fait plus de sentiments. On retrouve chez les héroïnes de ces trois nouvelles le souci, et le plaisir, de plaire et de séduire. La misogynie de Tchékhov pointe toujours sous la satire, « à vingt-trois ans, il projetait d'écrire une Histoire de l'autorité sexuelle, montrant la suprématie du sexe fort, dans le règne animal comme dans l'espèce humaine. », comme nous l'apprend Roger Grenier, p.9.

La nouvelle intitulée « Ariane » (p.265), obéit à une construction que l'auteur utilise à plusieurs reprises : le récit enchâssé dans un autre. La morale de l'histoire est donc énoncée dès le début : à trop idéaliser la femme, l'homme ne peut qu'être déçu, blessé et en vouloir à la gente féminine. Mais la nouvelle parle aussi de la séduction féminine et du besoin de plaire, leitmotiv du recueil, de l'illusion amoureuse, de la jalousie, de la possession. La construction « imbriquée » offre ici un contexte assez plaisant, non dénué d'humour : « Il était visible aussi qu'il souffrait de quelque peine, qu'il avait envie de parler plus de lui-même que des femmes et que j'allais entendre – je n'y couperais pas – une longue histoire semblable à une confession » (p.268). Trait d'humour qui sonne peut-être comme un aveu, à travers ses récits autour des femmes, n'est-ce pas l'auteur lui-même qui se raconte ? L'héroïne, Ariane, pourrait d'ailleurs bien avoir quelques points communs avec Tchekhov : sa froideur, son incapacité à aimer et à s'abandonner à la passion (cf. la préface p.8), « Avant tout je compris qu'Ariane ne m'aimait pas plus qu'avant. Mais elle voulait aimer pour de bon, elle redoutait la solitude et surtout j'étais jeune, en bonne santé, robuste, elle était sensuelle, comme tous les êtres froids en général, et nous faisions semblant d'être liés par un amour passionné. » (p.298). À propos de cette disposition à se mettre soi-même en scène dans ses textes – que ce soit de manière authentique ou fantasmée – Roger Grenier remarque fort judicieusement que « dans trois nouvelles, « La Princesse », « La Cigale » et « L'Épouse », les victimes des femmes sont des médecins » (p.13), profession exercée par Anton Tchékhov.

J'ai souri en lisant la première phrase de « de l'Amour » (p.309), un début original qui réveille et chahute le lecteur : « le lendemain, on servit à déjeuner d'excellents pirojki, des écrevisses et des croquettes de mouton ». On y retrouve des thèmes déjà exploités dans les nouvelles précédentes : le temps qui passe, l'adultère et l'inaction amoureuse. On peut y voir les prémices de « La Dame au petit chien » : dans les deux textes les hommes disent adieu aux héroïnes sur le quai d'une gare, mais ici Aliokhine laisse partir la femme pour de bon ; du moins, quand le récit se termine, n'est-il pas allé la rejoindre. Dans « Douchetchka » (p.325), l'humour, la satire, dévoile quelque chose de plus grave et triste. C'est l'histoire d'une femme qui en se liant à l'homme qu'elle aime épouse aussi ses passions, ses aspirations et toutes ses opinions. Voici une petite fable amusante sur l'étrange et inquiétant pouvoir de l'amour à dissoudre un être dans un autre. Cette femme est risible, car l'auteur n'hésite pas à appuyer le trait ; Pourtant chacun de nous a sans doute déjà vécu ce genre d'expérience, dans une moindre mesure peut-être, ou a pu l'observer autour de lui. La fin est très triste et fait apparaître Douchetchka davantage en clown blanc qu'en Auguste, car la solitude, qui la terrifie, reste là, tapie, et la guette. Cette nouvelle, plébiscitée par Tolstoï (cf. préface p.18-19), cristallise magistralement le thème récurrent du recueil : la solitude. Cette solitude qu'on redoute, qui fait souffrir, qui s'insinue même – ou surtout - au sein du couple (On doit à Tchékhov cet aphorisme : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas. » cf. préface p.9) qui ne cesse de désespérer les hommes et les femmes et qui semble s'imposer comme un drame inhérent à la vie humaine.

« La Dame au petit chien » (p.347) conclu en beauté le livre. le texte synthétise beaucoup d'idées développées dans les nouvelles précédentes. On retrouve, en point de départ, le mariage malheureux, Dmitri Gourov pas plus qu'Anna ne semblent bien assortis à leurs conjoints, ce qui les pousse tout naturellement à l'adultère. L'auteur explore aussi la naissance du sentiment et la fiction amoureuse ou comment se fabrique le sentiment amoureux qui passe par l'idéalisation, notamment dans l'absence, « Quand il fermait les yeux, il la voyait comme vivante devant lui, mais plus belle, plus jeune, plus tendre qu'elle n'avait été ; et lui-même il se sentait meilleur qu'alors, à Yalta. » (p.362-363). Car la personne aimée, ou qui nous aime, plus largement la relation amoureuse, est un miroir agréable dans lequel on peut se mirer. Dmitri, le personnage masculin, est doté d'un certain égo, tandis qu'Anna se flagelle un temps avec sa culpabilité, sans que cette culpabilité ne la retienne finalement. Toujours la problématique du temps qui passe et qui ne se rattrape pas « C'est maintenant seulement, alors que ses cheveux commençaient à grisonner, qu'il aimait véritablement, pour la première fois de sa vie » (p.374). L'amour qui semble toujours impossible et qui condamne les deux amants aux adieux, mais les adieux ici ne sont pas véritables car ils ne scellent rien de définitif, Dmitri ira retrouver Anna. L'amour, fort, d'autant plus fort qu'il est impossible justement, impérieux car véritable, qui ne serait pas le fruit d'une illusion et après lequel tous les personnages – et sans doute l'auteur lui-même – semblent courir et soupirer…. L'amour qui semble être la véritable aventure de la vie, capable de vous arracher à la banalité prosaïque du quotidien, ou alors l'amour entrevu, perdu qui vous fait sentir encore plus cruellement la vacuité de l'existence : « Des activités vaines et des conversations oiseuses toujours sur les mêmes sujets absorbent la meilleur partie de votre temps, le meilleur de vos forces, et, au bout du compte, il ne vous reste qu'une vie étriquée, aux ailes rognées, une vie de pacotille, et aucun moyen de s'en échapper, de fuir, c'est comme si l'on était enfermé à l'asile ou dans un pénitencier. » (p.364). Dans cette histoire encore, l'homme et la femme ne sont pas vraiment au diapason, ils ne vivent pas leur aventure aux même rythme et ne s'y investissent pas de la même façon. Anna s'abandonne plus vite et plus entièrement, alors que c'est dans l'absence et le manque que Dmitri façonnera son amour. La nouvelle est riche, pleine de détails précieux et semble minutieusement pensée, dans sa construction, son rythme et jusque dans ses décors : l'exotisme de la station balnéaire de Yalta pour la rencontre, parenthèse hors du quotidien ; l'hiver de Moscou pour la période de séparation et de manque ; la maison d'Anna, forteresse entourée d'une clôture grise ; les retrouvailles dans un lieu propices aux mises en scène : un théâtre (le spectacle est ici dans la salle et dans les couloirs) ; la chambre d'hôtel de leur liaison clandestine. La fin de la nouvelle mêle brillamment découragement et espoir, nous laissant tout étourdi.

Il faut au moins, ou plutôt absolument, lire « La Dame et le petit chien », mais les textes qui la précèdent lui déroulent un joli tapis rouge et permettent de la comprendre et de la savourer pleinement. Ce recueil constitue un véritable plaisir de lecture. L'auteur exploite à merveille la brièveté de la nouvelle pour nous livrer des récits intenses et judicieusement construits. Les psychologies se dessinent dans un tracée un peu outrées qui pourtant ne tombe pas dans la caricature, c'est la magie de son écriture. Tchekhov parvient à marier l'efficacité à la délicatesse et l'on prend là une belle leçon de littérature.

Lien : http://quelscaracteres.eklab..
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Quel bonheur que la langue russe, et si on ne la lit pas parfaitement, ce qui est mon cas, la traduction fidèle, littérale, se trouve juste en face, à droite!
Ah la mélancolie russe, c'est presque la même chez un évêque, une adultère, ou un petit chien! C'est que la vrale vie est ailleurs, et donc nulle part, ou peut-être à Moscou, ou bien dans le cercle enchanté de l'enfance. Mais nous voici enfermés dans l'indéfini des temps et de la steppe, indéfini qui s'apprête, on le sait, à enfanter des monstres! Et nous comprenons que nous allons nous éteindre sans être arrivé nulle part, et sans être revenu chez nous...
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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