Géographe de formation,
Sylvain Tesson entreprend en 1993 un tour du monde à bicyclette, puis traverse l'Himalaya à pied en 1997, poursuit sa route en visitant les steppes d'Asie centrale à cheval et en 2004 suit l'itinéraire des évadés du goulag, en s'inspirant du récit qu'en a fait Stawomir Rawicz dans A marche forcée publié en 1956, un témoignage soumis à la controverse mais qui n'a nullement gêné Peter Weir qui en a fait un film Les Chemins de la Liberté.
Sylvain Tesson est également « un escaladeur de cathédrales ». Il voyage en totale autonomie, finançant ses expéditions par la réalisation de documentaires ( pour la chaîne France 5), en collaborant à des revues comme le magazine Grands Reportages ou le Figaro Magazine, en animant des cycles de conférences et la vente de ses récits d'expédition. Il obtient deux prix littéraires; celui du Goncourt de la nouvelle en 2009 pour
Une Vie à Coucher Dehors et le le Médicis essai pour celui-ci, le seul qui nous intéresse pour l'instant.
A la veille de ses quarante ans, l'auteur exauce son rêve: passer six mois dans une cabane en pleine Sibérie et savoir enfin! s'il existe une vie intérieure en s'isolant ainsi. Six caddies remplis ras-la-gueule de pâtes, tabasco, de matériel nécessaire à six mois de vie dans les bois, 67 livres soigneusement sélectionnés ( philosophie, nature writing, policier, théâtre, classiques), vodka, de l'alcool à 90° pour pallier à une éventuelle pénurie, cigares et c'est parti pour la claustration!!! Enfin presque car il lui faudra trois jours de voyage pour rejoindre sa charmante cabane sise au Cap des Cèdres du Nord, au bord du lac Baïkal: 700 km de long, 80km de large, 1,5km de profondeur et 11à cm d'épaisseur de glace en hiver. La cabane est de 9m2, la température extérieure de – 32°, le banya (version russe du sauna) à 50m et les chiottes qui se résument à un trou dans la terre à 120 pas… Ses voisins sont à une journée de marche vers le sud et à 5 heures vers le nord. Les journées s'écoulent au rythme d'un emploi du temps bien rôdé: allumer le poêle dés le réveil, s'endormir en attendant que la température monte, graisser l'indispensable pistolet à fusée qui balance ce qu'il faut de phosphore pour éloigner les ours, briser la glace pour recueillir l'eau et pêcher, écrire des haïkus des neiges, accepter de mettre 5 heures pour grimper 400m… Une retraite qui exige une certaine endurance. II lit beaucoup, nous fait partager « ses sous-aphorismes de préfecture », reçoit ses copains russes « ces gueules à dépecer du Tchétchène », engloutit une quantité astronomique de vodka, tient son journal de bord à la lueur des bougies, se repaît du spectacle qui l'entoure, marche beaucoup, se déplace en kayak dés que le temps le permet mais le véritable but poursuivi par ce wanderer est de trouver dans le voyage immobile la sérénité que ses déplacements successifs ne lui apportent plus. Ne faire qu'un, être en osmose avec la nature, avec son âme.
Ca vous rappelle
Bear Grylls de Man vs Wild? A une grosse différence près:
Sylvain Tesson est mieux loti et surtout le but poursuivi par l'auteur est de se retrouver pas de nous expliquer les mille et une manières d'étancher notre soif en extrayant l'urine de la vessie d'un cadavre. La vodka comme alternative? Oui mais non. Pas que je déteste mais au vu de la quantité moi, c'est le centre antipoison tout de suite et tant qu'on y est, on me remet du sang dans mon alcool. Ou Indian Creek de
Pete Fromm dans lequel il raconte son long hiver dans les Rocheuses à surveiller un bassin d'oeufs de saumon? Les deux expériences se valent, leurs témoignages drôles, sincères sont palpitants avec un petit plus pour
Sylvain Tesson. J'ai aimé ses lignes sur la littérature, ses comparaisons entre le naufragé et le reclus volontaire, sa colère naïve et touchante sur ce monde qui perd la boule, sa quête spirituelle, son humanité, sa drôlerie. Il y a chez lui une proximité, une intimité qui s'installe entre le lecteur et le récit, on inter-agit avec la narration en laissant grande ouverte la porte aux souvenirs. Sans doute le côté girly qui ressurgit! Et puis, qui n'a jamais rêvé de s'exclure du monde à un moment donné? D'expérimenter une existence robinsonnesque? Peut-être pas aussi loin et dans de telles conditions climatiques, ça reste très physique ma foi comme vie. Pour les amoureux de
Stevenson, London, de récits d'expéditions ou juste de nature writing,
Dans les forêts de Sibérie est pour vous. J'ai passé un moment délicieux en sa compagnie, vraiment. Et puis des gens qui mettent tout en oeuvre pour vivre exactement comme ils l'entendent, qui célèbrent à leur unique manière ce don qu'est la vie eh ben! respect total.
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