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sur 4335 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Eblouissant et poétique, joyeux et plein de sens, je viens de terminer « Dans les forêts de Sibérie » et j'en suis baba !
Quand on a des idées noires, qu'on se sent neurasthénique, décider d'aller s'enterrer tout seul pendant 6 mois dans une cabane en Sibérie n'est pas forcément le premier truc qui vient à l'esprit : relever ce défi était déjà une gageure mais en plus en tirer un livre magnifique : CHAPEAU !
Sylvain Tesson n'est certes pas un tire-au-flanc et il a beau dire que la méditation est un truc pour justifier la paresse, on sent bien que la paresse n'est pas son penchant naturel et heureusement pour lui car pour survivre en hiver au bord du lac Baïkal, fendre le bois de chauffage, aller puiser l'eau pour boire et cuisiner, sortir pêcher sa nourriture, il faut de l'énergie ! Il faut aussi une sacrée dose de détachement pour supporter la solitude pendant 6 mois dans un endroit où il n'y a rien d'autre à faire que se fondre dans la nature, observer le passage des saisons, la vie végétale et le fourmillement animal, resserrer sa vie autour de l'essentiel en apprivoisant le temps.
Avec l'aide de cigares, de livres et de stocks conséquents de vodka, il arrive au terme de ces 6 mois pénétré par la beauté de la nature et convaincu qu'elle suffit au bonheur : belle sagesse qu'il nous transmet dans un texte magnifique, empreint de ses réflexions au quotidien, tour à tour drôle et poétique, on ne s'ennuie pas une seconde et on se prend à souhaiter avoir le courage et l'énergie pour se lancer dans une aventure de ce genre…
PS : A compléter par les magnifiques images du film qu'il réalisé lui-même, (50mn sur youtube) !
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♫Je me souviens d'un arbre, je me souviens du vent
De ces rumeurs de vagues au bout de l'océan
Je me souviens d'une ville, je me souviens d'une voix
De ces Noëls qui brillent dans la neige et le froid
Je me souviens d'un rêve, je me souviens d'un roi
D'un été qui s'achève, d'une maison de bois
Je me souviens du ciel, je me souviens de l'eau
D'une robe en dentelle déchirée dans le dos
Ce n'est pas du sang qui coule dans nos veines
C'est la rivière de notre enfance

Ça fait des mois
Des mois que tu hibernes
Que tu sors pas de ta caverne
T'as beau tout faire pour le cacher
Sous tes airs d'ours mal léché
Tu vibres encore♫
Duo Garou & Michel Sardou - 2004 -
Speed - Zazie - 2018 -


Une cabane, trois mètres sur trois
vivre en ermite au fond des bois
Le froid, le silence et la solitude sont trois états
qui se négocieront demain plus chers que les pes-etas
Ne pas s'installer, toujours osciller
De l'une à l'autre extrémité
zénith ou nadir, j'hésite
sans coup férir, putain de bite
sans couilles fait rire l'ermite
Aimer un papou, une éponge , un lichen !
une de ces petites plantes que le vent malmène
Aimer c'est reconnaître
la valeur de ce qu'on ne pourra jamais connaître
Fonder une école de l'Ethobionique
Que ferait un cheval, un tigre et même l'huitre ?
les bestiaires deviendraient nos livres de conduite...
Cabane - Ours mal léché
copulation des capricornes
les antennes se frolent
couché sur une couche d'humus
j'ai dans la bouche un goût amer
depuis que j'ai gouté du thé russe....
Ingénieur du son
Eclairagiste de vérité
Acteur de sa vie
Réalisateur en Sibérie
pendant que les Balkans nient
Le Nouveau Robinson
Evidemment Sylvain Tesson
Sa conception ermetique qui decoiffe
Une Vodka pour.... étancher la soif

Panthères des neiges
Prix renaudot 2019 😀

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Aucun train, aucun bus pour me déposer au milieu de nulle part. Juste un camion et son chauffeur russe qui accepte de m'abandonner au pied de cette cabane. L'arrière remplie de provisions, tenir six mois, avec des centaines de bouquins – de tous genres, des soupes lyophilisées – de tous goûts chimiquement aromatisés, des pâtes - de toutes formes et des litres de vodka – de toutes contenances. Une passion justement pour la vodka et ce besoin vital de se retrouver seul avec son verre à la main, de parler avec son soi-intérieur et découvrir la vérité profonde, celle de l'intérieur du coeur. le sang bat, deux tons en-dessous, comme si lui aussi est gelé par cet apport soudain de glace dans l'atmosphère. D'où la vodka, anesthésiant antigel nécessaire à la survie de cette solitude choisie.

« Sur la neige, avec un bâton, je trace le premier poème d'une série de « haïkus des neiges » :
Pointillé des pas sur la neige : la marche
Couture le tissu blanc.
L'avantage de la poésie inscrite sur la neige est qu'elle ne tient pas. Les vers seront emportés par le vent. »

-33°C et je compose déjà des haïkus. Si je fais le plein de vodka, je devrais tenir le choc. Éloge de l'inactivité et de l'oisiveté. Quelle merveilleuse vie. J'aurais pu crapahuter à travers toute la Sibérie à la rencontre des bêtes sauvages ou des autochtones bourrés. Non à la place, j'ai choisi, le temps d'un bouquin, de me poser. Et me reposer. Là-bas, au bord du lac Baïkal, il n'y a pas grand-chose à faire, et pourtant tant d'envie et de besoin. Se lever et aller couper du bois. Boire un thé brûlant, et puis une bouteille de vodka. Essayer d'aller pêcher pour changer de soupes lyophilisées au dîner. Ne jamais oublier sa bouteille de vodka au cas où une rencontre impromptue avec quelques russes se présente. C'est la base de l'hospitalité dans cette région. Écouter les oiseaux venir frapper au carreau de ma fenêtre après y avoir jeté quelques miettes de pain en dégustant une bouteille de vodka. Pisser contre un arbre en surveillant l'ours à l'horizon. Bref, la nature telle que je l'aime, à l'abri de la civilisation néfaste à mon développement personnel.

Voilà donc que j'ai découvert – enfin - la plume de Sylvain Tesson… Une plume de mésange ou d'ours ? Un récit de voyage comme je les aime, même si ce dernier reste dans l'immobilité absolue d'une cabane remplie de bouteilles de Tabasco et de vodka. Il y a de l'émotion, des vérités profondes, une introspection sur la condition humaine, un besoin de se justifier, une ode à la nature, à l'âme russe et humaine, à la vodka. Qu'est-ce que je n'aurais pas donné pour m'asseoir sur cette souche d'arbre, les pieds dans la neige, à côté de lui. L'envie de partager ses silences. Y aurait-il eu assez de bouteilles de vodka ? Et je reviens sur ce bonheur qu'il y a à pisser contre un arbre, de reproduire un dessin de Picasso de son jet d'urine fumant sur la neige immaculée. Un moment à kiffer dans une vie.

Et plus j'avançais dans les banalités de ses journées, et plus je me sentais moi aussi à l'aise dans cet espace couvert d'un manteau blanc, neigeux et ouaté. le lac Baïkal, toujours aussi majestueux, les frissons de glisser sur sa couche de glace hivernal, son silence, ses oiseaux migrateurs et les rencontres improvisées avec des russes, ermites comme moi, par nécessité ou par opportunité. Là-bas, si tu y viens par hasard, tu n'y restes que par besoin.

Lorsque j'ai fini ce bouquin - nul doute que je le relirai même encore - j'ai réfléchi à mes envies, mes besoins, et les 10 raisons pour lesquelles j'aimerais m'isoler dans une cabane au bord d'un lac en hiver :
- Pour écouter le silence.
- Pour pouvoir vivre nu.
- Pour boire de la vodka. Tous les jours. Plusieurs fois par jour.
- Pour chasser l'ours, nu et à mains nues.
- Pour donner à manger aux oiseaux.
- Pour pisser contre un arbre, qui est plus jouissif que de viser le trou d'un chiotte blanc.
- Pour être seul avec moi-même, l'ours, les oiseaux et le phoque encore plus sauvage que moi.
- Pour regarder l'immobilité d'un lac gelé.
- Pour lire. Pour lire et boire. Pour boire et lire.
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Pépite !!!
C'est décidé ! je pars dans la cabane là bas, tout là bas mais avec SylvainTesson ! Un véritable kit de survie à lui tout seul et ses listes… liste technique et liste de ses envies déjà écrites, pensées, rôdées parmi ses nombreuses expéditions solitaires à l'antre de lui-même et sur les hauts sommets de notre planète et des abymes de solitude..quel voyage !

Qui ne rêve pas de temps en temps de se couper du monde vraiment? de couper le cordon ombilical et sociétal...Sylvain Tesson, l'homme qui érige les livres au rang d'icones, taquinant les muses, la vodka, les cigares, funambule de sa vie et de ses désirs, Monsieur Tesson a le sens de la formule, et tant de belles phrases ciselées qui Ô miroir, miroir dis -moi … .elles sont toutes si imagées, si poétiques, si belles et si épurées! que j'ai presque failli recopier le livre en entier !!!

Le don d'ubiquité m'a transporté au bord de ce lac baïkal, mes rêves ont ricoché sur la neige immaculée, les traces de l'ours m'ont fait me lever la tête pour vérifier ..que j'étais bien amarré encore sur mon canapé!..
"La lecture est la cabane de mon enfance "dit Jo Witek , cette autobiographie de M. Tesson sera la cabane de mes envies de voyage, de rêverie, de poésie..;
Je vous recommande ce merveilleux récit d'un homme qui n'a pas froid aux yeux, que la Nature anoblit, que les hommes sont petits !..la solitude d'un ermite dans les méandres de sa vie intérieure riche et bouillonnante..
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"Je m'étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.
Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal. [...] Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d'accès, parfois, une visite. L'hiver, des températures de −30° C, l'été, des ours sur les berges. Bref, le paradis.
J'y ai emporté des livres, des cigares et de la vodka. le reste − l'espace, le silence et la solitude − était déjà là."

J'en ai rêvé, Sylvain Tesson l'a fait.
Prise dans le tourbillon du travail, de la maison, des enfants, il m'est souvent arrivé de dire que j'aimerais partir quelque temps seule sur une île déserte avec une bonne provision de livres et de thé.
Ce souhait, qui est resté un voeu pieux pour moi, l'auteur l'a réalisé.
Pour notre plus grand bonheur, puisqu'il en a rapporté ce livre, qui n'est pas un roman mais un journal qu'il appelle son "journal d'ermitage".

Une demi-année, ce n'est tout de même pas rien ! Et c'est une formidable opportunité.
Perdu au milieu de la nature, on ne peut pas tricher.
Seul, on ne peut pas se mentir.
Si l'on se couvre de vêtements chauds pour affronter les températures sibériennes, on se dépouille humainement. Débarrassé du superflu, on est vraiment soi.
Sylvain Tesson s'est comme soustrait du monde pendant six mois. Absenté de la vie ordinaire.
Il s'est enfermé et a tiré la porte.
Cette pause hors de la vie, hors du temps, va être l'occasion d'une introspection poussée : n'avoir que soi comme compagnie humaine doit permettre de se découvrir avec un degré d'intimité jamais atteint ; d'acquérir une conscience aiguë de qui l'on est vraiment.
Vertigineux ! À la fois terriblement séduisant et angoissant.
Après avoir terminé ses préparatifs, à la veille de son premier jour solitaire, notre aventurier est parfaitement conscient de ce qui va se jouer et l'exprime ainsi : "Je vais enfin savoir si j'ai une vie intérieure."
Qui a déjà lu Sylvain Tesson connaît la réponse, et ce journal envoutant nous en donne la confirmation.

Son art de la formule m'a régalée, comme lorsqu'il note à la date du 18 juin : "La nature est tout à sa joie d'avoir obtenu l'usufruit d'un nouvel été." Pour lui, l'appel du 18 juin est celui de la nature.
Six mois passés à l'observer finement et à en noter les changements les plus imperceptibles. le lecteur voit lui aussi à travers la fenêtre de la cabane et se fait observateur à son tour : c'est magique ! C'est la magie du livre qui permet de voyager sans bouger.

J'ai déjà lu et apprécié de nombreux ouvrages de Sylvain Tesson, et celui-ci m'a conquise. J'en ai aimé chaque page, chaque phrase.
J'ai ralenti ma lecture pour faire durer le plaisir de partager cette aventure et de suivre les pensées de l'auteur.
Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, je ne peux que vous recommander chaleureusement de venir à votre tour dans ces forêts de Sibérie. Venez découvrir des paysages magnifiques, des animaux surprenants, mais avant tout, saisissez l'occasion qui vous est donnée de rentrer dans le monde intérieur d'un écrivain à part.

Sylvain Tesson a troqué le thé contre de la vodka, sûrement plus adaptée au lieu... et à ses goûts.
Cette vodka omniprésente dans le récit.
Boisson emblématique de la Russie, elle permet de trinquer lors des rares rencontres.
Mais elle a aussi une fonction thérapeutique (certainement peu recommandée par le corps médical !) : elle permet à l'écrivain d'y noyer son dégoût du monde et de notre société.

Victor Hugo a écrit dans "Choses vues" : "La solitude est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits."
À vous de juger de quel côté se trouve Sylvain Tesson si vous vous aventurez dans ces forêts. Moi, j'ai été totalement éblouie.
Avec Sur les chemins noirs il donne envie de pratiquer la marche. Avec La panthère des neiges, l'affût. Avec Dans les forêts de Sibérie, l'érémitisme.
Je ne sais pas vers quoi il m'entraînera dans ma prochaine lecture, mais j'attends avec confiance et impatience de me faire à nouveau transporter.
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1300 citations pour un récit de 250 pages, tout le livre doit être énoncé, il faudrait juste remettre les citations dans l'ordre pour lire l'intégralité de ce journal à bord d'une cabane de trois mètres sur trois !

Si vous avez besoin d'une liste d'objets à emporter dans cette cabane en Sibérie, Sylvain Tesson vous en propose une.
Si vous avez besoin d'une liste de 60 livres à emporter pour six mois, il vous suggère :

Quai des Enfers, Ingrid Astier / L'Amant de lady Chatterley, D.H. Lawrence / Traité du désespoir, Kierkegaard / Des pas dans la neige, Érik L'Homme / Un théâtre qui marche, Philippe Fenwick / Des nouvelles d'Agafia, Vassili Peskov / Indian Creek, Pete Fromm / Les Hommes ivres de Dieu, Jacques Lacarrière / Vendredi, Michel Tournier / Un taxi mauve, Michel Déon / La Philosophie dans le boudoir, Sade / Gilles, Drieu la Rochelle / Robinson Crusoé, Daniel Defoe / de sang-froid, Truman Capote / Un an de cabane, Olaf Candau /Noces, Camus / La Chute, Camus / Robinson des mers du Sud, Tom Neale / Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau / Histoire de ma vie, Casanova / le Chant du monde, Giono / Fouquet, Paul Morand / Carnets, Montherlant / Soixante-dix s'efface, tome 1, Jünger / Approches, drogues et ivresse, Jünger / Jeux africains, Jünger / Les Fleurs du mal, Baudelaire / le facteur sonne toujours deux fois, James M. Cain / le Poète, Michael Connelly /Lune sanglante, James Ellroy / Eva, James Hadley Chase / Les Stoïciens, (Pléïade) / Moisson rouge, Dashiell Hammett / de la nature, Lucrèce / le Mythe de l'éternel retour, Mircea Eliade / le Monde..., Schopenhauer / Typhon, Conrad /
Odes, Segalen / Vie de Rancé, Chateaubriand / Tao-tö-ding, Lao-Tseu / Élégie de Marienbad, Goethe / Nouvelles complètes, Hemingway / Ecce Homo, Nietzsche / Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche /Le Crépuscule des idoles, Nietzsche / Vingt-cinq ans de solitude, John Haines / La Dernière Frontière, Grey Owl / Traité de la cabane solitaire, Antoine Marcel / Au coeur du monde, Cendrars / Feuilles d'herbe, Whitman / Almanach d'un comté des sables, Aldo Leopold / L'Oeuvre au noir, Yourcenar / Les Mille et Une Nuits / le Songe d'une nuit d'été, Shakespeare / Les joyeuses commères de Windsor, Shakespeare / La Nuit des rois, Shakespeare / Roman de la Table ronde, Chrétien de Troyes / American Black Box, Maurice G. Dantec / American Psycho, B.E. Ellis / Walden, Thoreau / L'Insoutenable légèreté de l'être, Kundera / le Pavillon d'Or, Mishima / La Promesse de l'aube, Romain Gary / La Ferme africaine, Karen Blixen / Les Aventuriers, José Giovanni.

J'avais déjà remarqué le caractère “pointu” de ses lectures dans “Une très légère oscillation”, assez différentes des miennes.

“Dans les forêts de Sibérie” pourrait m'accompagner sur une île déserte tant l'auteur sait nous faire partager les choses simples et essentielles : “La journée est ponctuée de mesures dont le battement constitue un solfège. L'arrivée de l'oiseau à 8 heures, le balayage de la toile cirée par un rai de soleil à 9 h 30, le jeu des petits chiens à la tombée du jour, l'apparition des phoques au milieu de l'après-midi, le reflet de la lune dans le seau : la mécanique est parfaite. Ces rendez-vous insignifiants sont les immenses événements de la vie dans les bois.”

C'est une aventure immobile qu'il faut lire de manière paisible, il faut pouvoir laisser sédimenter ce journal, laisser au fond de la batée de l'orpailleur les réflexions culturelles, politiques et ne garder que les quelques pépites au fond du tamis : “J'ai découvert qu'habiter le silence était une jouvence…
La virginité du temps est un trésor…
L'oeil ne se lasse jamais d'un spectacle de splendeur. Plus on connaît les choses, plus elles deviennent belles.”


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La Sibérie n'est certainement pas la première destination que vous choisiriez pour vos prochaines vacances, ni même si vous deviez prendre un long break de 6 mois ailleurs que chez vous.
Je vous rassure, ce n'est pas mon choix personnel non plus, mais ce fut celui de Sylvain Tesson qui n'arrivait plus à trouver assez de réconfort dans ses multiples voyages et errances sur le globe. Pourtant, ces périples, c'était toute sa vie. C'est en marchant, en parcourant le monde qu'il se sentait bien, mais la magie n'opère plus aussi bien. Et c'est dans l'immobilité qu'il pense trouver la solution. Certes, c'est un peu extrême, mais pour lui, c'est presque la routine. Et puis, ce paysage, ces rives du lac Baïkal, il avait promis d'y revenir !

Ce livre est en fait son carnet de bord, ce qu'il a consigné durant cette retraite volontaire du monde (bien qu'il ne fut pas complètement isolé…. On peut même être envahi dans des coins aussi reculés que cela, incroyable, non ?!).
6 mois, c'est long et c'est court. le temps n'est plus tout à fait le même une fois que l'on sort de notre société de consommation, de ce carcan mondialisé où ce qui a réellement de la valeur est négligé au profit de quêtes aussi futiles qu'éphémères. Pour cela, j'avoue que j'ai un peu la même vision que Sylvain sur le fait que je souhaite avoir un vie, une existence pleine et qui vaut la peine d'être vécue.
Nous lisons donc les lignes écrites par Sylvain Tesson juste avant de se retrouver seul dans sa cabane (on débute avec le voyage qui va le conduire jusqu'à son refuge de rondins sur les bords du lac Baïkal) et jusqu'à son retour parmi nous ou presque.

L'auteur s'étonne lui-même. Il s'attache à des choses, des éléments qu'il aurait cru presque insignifiants auparavant, même si c'est forcément un amoureux de la nature et de ses merveilles pour avoir choisi un tel lieu.
Le voilà quand il parle d'une mésange qui vient le voir régulièrement :
"La visite du petit animal m'enchante. Elle illumine l'après-midi. En quelques jours, j'ai réussi à me contenter d'un spectacle pareil. Prodigieux comme on se déshabitue vite du baryum de la vie urbaine."
Il s'interroge également :
"La vie de cabane est peut-être une régression. Mais s'il y avait progrès dans cette régression ?"
Je m'interroge aussi. Je ne vis pas dans une cabane, mais j'essaie de ne pas trop me laisser happer par notre monde qui a certes du bon, mais qui ne me plait pas toujours. Je m'émerveille encore devant des choses toutes bêtes car je les trouve magiques par leur apparente simplicité alors que c'est en réalité tout le contraire.

On pourrait penser que vivre ainsi en hermine est un calvaire. Certains s'effraient à la perspective de ne pouvoir parler à personne, mais je l'avoue, cela ne me gènerait pas tant que cela. Et puis, 6 mois, ce n'est pas l'éternité non plus. Il faut relativiser.
Sylvain Tesson aime les gens taciturnes et donc le calme. le fait que l'on ne soit pas obligé de déverser non plus un flot de paroles en continue pour échanger avec autrui est un plus pour lui. Cependant, il se rendra chez ses voisins (des heures de marche dans une météo par toujours clémente : - 32 °, -34° etc...) de temps en temps et recevra des visites dans sa cabane. Reste que parfois, ces rencontres vont presque le déranger :
"Je crois bien que je vais espacer mes visites".
Il va même se retenir de ne pas chasser parfois les visiteurs. Ils dérangent sa tranquillité non d'une pipe en bois !

Les habitudes se mettent en place et sont nécessaires car sans l'oeil critique d'un tiers pour nous faire avancer et une certaine volonté personnelle, l'homme est de nature à se laisser aller.
Sylvain Tesson y trouvera même du plaisir à cette routine imposée, des gratifications qui réchaufferont son âme presque tout autant que son corps. Il vaut mieux d'ailleurs par de telles températures polaires (voir le début du journal de bord).
Je suis un peu étonnée de trouver autant d'allusion à de l'alcool, mais après tout nous somme en Sibérie et les Russes n'ont point la réputation de carburer à l'eau plate. Définitivement, je ne peux pas m'imaginer vivre la même expérience à cause du climat, mais aussi à cause de ce facteur alcoolisé. Il me resterait bien les litres de thé à avaler, mais rien que la perspective de me rendre toutes les 1/2 heures aux toilettes dans ce froid, m'en fait passer l'envie immédiatement. Non, il me faudrait trouver un coin plus tempéré et je crois bien que j'ai ma petite idée, mais chut…. Ce n'est ni l'endroit pour vous le révéler, ni le propos de ce billet.

L'auteur et ses voisins possèdent la faculté de regarder des heures par la fenêtre. le paysage qui s'offre à eux est plus captivant que bien des programmes télévisés que l'on a chez nous. Sur ce point, je peux les comprendre car j'ai également la chance de bénéficié d'un panorama magnifique : j'ai le Mont-Blanc à quelques encablures à peine. Je ne me lasse pas de l'observer au fil des saisons. Il n'est jamais tout à fait le même. A chaque minute, la lumière est différente, les nuages passent et parfois me le dissimule, mais je sais qu'il est là et je l'imagine, je me projette au delà de ce voile. En bref, il me dépasse, il se dégage une certaine magie, une puissance que Dame nature veut bien me laisser admirer. le lac Baïkal doit être tout aussi captivant avec ses eaux prisonnières des glaces, ses forêts tout autour, sa faune, les caprices de la météo…
Dépaysement garanti.

Ce journal est agréable à lire même si l'on n'est pas fan de "nature writting" : genre littéraire où se mêle l'observation de la nature qui nous entoure et des considération autobiographiques.
Sylvain Tesson sait agrémenter volontairement ou non certaines de ses pages de traits d'humour qui m'ont bien déridés durant ma lecture :
"Ils ont des gueules à dépecer le Thétchène et ils partagent délicatement leur biscotte avec la mésange."
"25 mai. Je passe des heures à fumer dans mon hamac au sommet de l'éminence, les chiens à mes pieds. A Paris, les miens me croient aux prises avec le froid sibérien, ahanant comme un sourd sur mon billot pour fendre le bois dans le blizzard."
Le décalage entre ce que l'on croit connaître et la réalité est à son comble. Cela fait du bien de pouvoir être encore surpris et de se dire que tout n'est pas encore perdu.

Introspection, réflexion, méditation… Tout cela est présent. Six mois pour faire le tour de soi-même et aussi du monde qui nous entoure. On pense également à celui que l'on a quitté et que l'on devra rejoindre passé cette retraite.
Solitude et rencontre, tel pourrait être le sous titre de cet ouvrage qui décidément incite à ouvrir vraiment nos yeux.
Pour moi qui recherche de la profondeur dans mes lectures (même s'il m'arrive de lire des choses très légères également), ce fut parfait. Sylvain Tesson avait emporter avec lui beaucoup de lecture et il fait très souvent des parallèles entre les pages qu'il dévore, celles qu'il gratte et ce qui lui sert de cadre d'existence. Il nous suggère parfois de faire de même sans pour autant partir en Sibérie. Peut-être aurions nous un regard plus neuf alors, plus réaliste, plus responsable ?

Lien : http://espace-temps-libre.bl..
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Cette idée lui trottait dans la tête depuis sept, alors qu'il avait fait la connaissance du lac Baïkal, gelé sur plus d'un mètre en hiver, ce n'était pas une lubie. Il a construit ce voyage. Lorsque que le camion qui l'a amené avec ses provisions, les kilos de ketchup, la vodka, la musique et les livres, l'aventure peut commencer. le garde forestier, Sergueï, lui dit au passage:

« Ici, c'est un magnifique endroit pour se suicider »…

Il s'organise dans son nouveau domaine, au coeur d'une solitude qu'il a voulue, il vit en fonction des éléments, il est en osmose avec la nature, le lac où il va apprendre à pécher, les tempêtes de neige, le temps ne s'écoule plus de la même façon.

« L'éventail des choses à accomplir est réduit. Lire, tirer de l'eau couper du bois, écrire et verser le thé deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se déroule au détriment de mille autres. La forêt resserre ce que la ville disperse. » P 44

Ces six mois passés dans son isba, entre février et juillet, constituent une aventure certes, mais surtout c'est un voyage initiatique. Il apprend le silence, comme une méditation, les pensées parasites qui s'apaisent; il est axé sur l'essentiel, la nature, les arbres, les animaux, ici et maintenant.

Sylvain Tesson ne tombe pas dans l'angélisme, il voit les Russes tels qu'ils sont, et non tels qu'il les imagine, il voit les dégâts que l'homme inflige à la Nature, les dangers de l'urbanisation de la mondialisation et l'importance de l'écologie (la vraie, par les partis écolos) pour le futur de la planète.

« Nos rêves se réalisent mais ne sont que des bulles de savon explosant dans l'inéluctable ». P 97

J'ai beaucoup aimé ses réflexions sur la vie, le temps qui passe, la solitude, les autres (les plus proches sont à 5 heures à pied par exemple). Sa caisse de livres m'a plu car beaucoup de ceux-ci figurent dans mes lectures passées et à venir.

A noter quelques pages, (120 à 122) où il décortique « L'amant de Lady Chaterley » et oppose Lawrence à Gorki…

J'aurais bien aimé me lancer dans une telle aventure, mais il faut avoir la santé et la jeunesse pour survivre dans cet univers glacé, même si on s'enivre en le voyant absorber autant de vodka…

Ce livre, qui a reçu le prix Médicis Essai en 2011, est plein de poésie et m'a accompagnée comme une méditation car la façon de voir les choses, la vie de Sylvain Tesson me plaît beaucoup. Je le suis moins dans ses dérives alcoolisées qui ont eu entre autres le résultat qu'on sait, mais sa sensibilité me touche.

Un livre que je vais sûrement ouvrir et ré ouvrir car j'ai des annotations partout, beaucoup de phrases m'ont plu et je ne peux les citer toutes…

Je dirai au passage que j'ai beaucoup aimé le film de Safy Nebbou, qui est une adaptation libre, avec l'accord de l'auteur, avec ses paysages splendides et le jeu tout en finesse de Raphaël Personnaz et la musique magnifique d'Ibrahim Maalouf

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-94238/interviews/?cmedia=19563403
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Dans les forêts de Sibérie est le récit d'un ermitage. C'est le carnet de bord d'un voyageur immobile. Après quelques folles pérégrinations sur les falaises maritimes, sur les crêtes des montagnes, dans les plaines slaves, ou bien sur le faitage des toitures vertigineuses, Sylvain Tesson décide de faire une pause de six mois au fin fond de la Sibérie, dans une cabane en bois, sur la rive occidentale du lac Baïkal. Ses voisins les plus proches sont à cinquante kilomètres. Tranquille, non ?
L'une des phrases que je préfère de ce livre est celle-ci : « La cabane est le lieu du pas de côté, le havre de vide où l'on n'est pas forcé de réagir à tout ». Loin du vacarme et de l'immédiateté de nos existences parfois vaines, constamment insatisfaites, ce pas de côté est un bain de jouvence.
Autant vous l'avouer tout de suite : j'ai trouvé ce livre magnifique. Je voudrais me dépêcher de vous donner mille raisons d'aimer ce récit, mais l'empressement ne convient pas ici. Alors, prenons juste le temps de poser par quelques touches furtives, des impressions ici et là, picorons ensemble ces instants précieux un peu comme le fait la mésange, dont l'auteur fit la rencontre éblouie lors de sa retraite de six mois.
Dans ce recours à la solitude, Sylvain Tesson emporte notamment des cigares et une cargaison de livres et de vodka. Avec ironie, il avouera que cette pause de six mois avait pour vertu de rattraper quelques lectures en retard. Amis lecteurs, maintenant vous savez ce qu'il faut faire pour alléger vos piles de livres qui ne cessent d'enfler à force de coups de coeur multiples...
Ce paysage géographique et intime étant posé, l'auteur nous invite sur la rive du temps, aux abords de « la virginité du monde » tel qu'il nous le dit, nous sommes prêts à y entrer avec lui, à nous déposséder de tout désir, car c'est ainsi que s'exprime l'invitation, c'est ainsi qu'est défini le contrat.
J'ai aimé cette façon qu'a Sylvain Tesson de poser ses valises au fond de cette cabane en bois, appréhender pour la première fois ce paysage immense autour de lui, perdu parmi les cèdres du Nord.
Mais l'immobilité permet aussi de poser le regard sur ce qu'on oublie de voir dans nos existences bruyantes.
Apprendre à s'asseoir devant une fenêtre, avec un thé fumant.
Apprivoiser une mésange.
Suivre dans la nuit la trajectoire de la lune.
Etre nu et courir dehors à -33°C.
Écrire des haïkus dans la neige, écriture éphémère disant la vie comme elle est, comme elle passe.
Vider des litres de vodka et puis pisser devant la nuit.
Oublier l'avenir.
Pleurer aussi, non pas de chagrin ni de tristesse, pleurer tout simplement devant l'immensité du monde, devant sa propre immensité, qui est là béante, brusquement, aux portes de cette cabane sibérienne.
Et puis habiter le silence. Habiter l'instant présent, ne plus se préoccuper de l'instant d'après, de demain, de l'avenir. L'immanence de l'instant devient un joyau précieux. Une jubilation.
Ce retrait provisoire n'est pas un enfermement mais au contraire une ouverture, un recours au bonheur, par un chemin différent de celui auquel nous sommes habitués. Ici ce n'est pas fuir, mais se retrouver tout simplement.
Dans sa cabane, derrière sa fenêtre ou bien dehors, marchant sur le lac gelé, les heures trépidantes défilent où l'oeil de l'auteur ne se lasse jamais du spectacle merveilleux qu'il découvre et contemple.
Il dit : « plus on connait les choses, plus elles deviennent belles ». Comme c'est vrai !
Nous sommes dans la virginité de l'instant et l'auteur, sans pourtant nous donner de leçons, nous apprend à la découvrir, à l'aimer, à ne pas s'en effrayer. Car cette virginité de l'instant peut faire peur à certains de nos contemporains...
Dans cet ermitage, les journées sont façonnées de pêche, de bûcheronnage, de longues marches dans les neiges silencieuses, de lecture, mais aussi de multiples gorgées de vodka, seul ou avec les quelques amis qui passent de temps en temps : Youri, Sergueï, Natasha...
Dans ce récit, j'ai aimé que Sylvain Tesson m'amène, le temps d'un livre, à poser mon regard sur l'autre rive. Celle qui m'attend peut-être à quelques portées de mains...
Puis, six mois plus tard, le soleil est de retour, les canards sauvages aussi. Après cela, il faut bien repartir vers les villes.
Mais peut-être que notre regard aura changé, ne serait-ce que sur nous-mêmes.
Continuer de s'asseoir devant une fenêtre, ici ou là, avec un thé brûlant ou une vodka, qu'importe.
Nous refermons le livre. Si la forêt sibérienne est désormais loin de nous, il y a peut-être une dune bretonne d'où contempler l'océan avec le même regard que nous propose Sylvain Tesson, même si ce n'est pas un ermitage de six mois, une façon de regarder vers l'horizon et en même temps si près au-dedans de nous-mêmes. Faire ce pas de côté...
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Je n'étais pas vraiment ici ces dernières semaines. pas tout le temps en tout cas. je passais certaines après-midi, parfois le soir une fois la nuit tombée ou encore aux premières lueurs de l'aube au bord d'un lac gelé dans une contrée lointaine, en Sibérie. J'y ai vu la nature endormie par la fenêtre d'une cabane en bois, la neige étouffant le chant frais des oiseaux. Au fil des jours qui passaient, des lectures, des sentiments qui transitaient dans le coeur de Sylvain Tesson allongé sur son lit un verre de vodka à la main et une bougie allumée devant la photo de sa chérie, j'ai contemplé la nature se réveiller brutalement au coeur de l'orage, la glace se briser, les premières fleurs redresser leurs tiges et se déployer, les animaux sortir de leurs tanières, affamés et laissant leurs empreintes sur les dernières traces de neige.
Les journées étaient longues, parfois ennuyeuses, il a fallu se mettre au diapason. Allonger les heures, étirer les minutes, concentrer son esprit sur le minuscule, le presque invisible, sans bouger. se sentir disparaître de la vie pour l'éprouver entièrement. S'écouter et ne plus écouter les autres et leurs bruits, leurs interruptions insolentes. Laisser l'esprit dériver vers de nouvelles idées diffuses ou éclatantes, se laisser peu à peu transformer par le temps et l'espace.
Je suis revenue ici maintenant, sage d'une nouvelle appréhension de la vie.
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