"La réalité ne se révèle qu'illuminée par un rayon poétique" ajouta Braque.
Fort de cette pensée, je m'interdis de partir en mer sans un peintre de bord [...]
Les Grecs des âges héroïques auraient été contents : l'union de l'œil avec le réel avait son prêtre, un peintre.
Notre panoplie des travaux et des jours
Car chez-soi est le centre. Ithaque brille, axe du monde d'Ulysse. Ulysse inaugure la dynastie des vrais aventuriers : ils ne redoutent rien parce qu'ils possèdent un port d'attache. Tout royaume vous rend fort.
Il ne faut pas être un écologiste militant pour s'apercevoir que l'humanité est sortie de son axe. Que les forces se déchaînent. Celles des hommes dressés les uns contre les autres. Celles des hommes tous unis pour ravager leur biotope. Les hommes sont devenus Achille. Le Scamandre a déjà débordé.
L'homme reste fidèle à lui-même, animal grandiose et désespérant, ruisselant de lumière et farci de médiocrité.
Enfin, ne jamais oublier l'individu que l'on est, ni l'endroit d'où l'on vient, ni l'endroit où l'on va.
L’Iliade sonne actuel parce qu’il est le poème de la guerre. En deux mille cinq cents ans, la soif de sang pulse toujours. Seul l’armement a changé. Il est devenu plus performant. Le progrès est la capacité de l’homme à développer son pouvoir de destruction.
Souvenez-vous de ce slogan ministériel des années 1990, si conforme à la médiocrité des arrivistes : « Responsable, mais pas coupable ». Les prévenus durent s’inspirer du roi achéen pour peaufiner leur oxymore. On ne saurait retenir ces tartuffes comme un modèle de vertu grecque.
Ouvrir l’Iliade ou l’Odyssée revient à lire un quotidien. Ce journal du monde, écrit une fois pour toutes, fournit l’aveu que rien ne change sous le soleil de Zeus : l’homme reste fidèle à lui-même, animal grandiose et désespérant, ruisselant de lumière et farci de médiocrité. Homère permet d’économiser l’abonnement à la presse.
Le poème homérique est immarcescible, car l'homme, s'il a changé d'habit, est toujours le même personnage, mêmement misérable ou grandiose, mêmement médiocre ou sublime, casqué sur la plaine de Troie ou en train d'attendre l'autobus sur les lignes du siècle XXI.
Quand on tient un diamant dans les mains, on ne s'éberlue pas de la structure moléculaire du carbone, on s'émerveille d'abord des reflets. (p. 229)