Un été avec
Homère…Chouette ! Un ciel d'azur, des murs blancs immaculés, une mer bleue cobalt et les histoires grandioses qui me faisaient rêver quand j'étais petit garçon. Achille, Hector, Priam, les deux Ajax, Agamemnon sacrifiant Iphigénie, Cassandre, Ulysse se glissant hors du cheval et la belle Hélène, si belle dans les péplums des années 60 que nous regardions émerveillés, assis sur les tabourets de la MJC. Zeus, Aphrodite élue de Pâris, Poséidon vengeant le Cyclope son fils, Héra, Hermès et, protégeant Ulysse, Athéna. Chouette, je vous dis.
Sylvain Tesson réussit dans cet ouvrage court, agréable et pertinent à nous promener dans les grands thèmes d'
Homère qui nous le rendent finalement aussi proche que fabuleux. La thèse principale est que rien n'a changé depuis
Homère, «l'homme (serait) toujours le même personnage, mêmement misérable ou grandiose, mêmement médiocre ou sublime, casque sur la plaine de Troie ou attendant l'autobus sur les lignes du siècle XXI ».
L'Iliade et l'Odyssée balaient des problématiques toujours d'actualité : la guerre est toujours présente, la paix n'est qu'un intermède qu'il est gravissime de considérer comme définitif ; la fureur d'Achille après la mort de Patrocle finit par émouvoir même les dieux. Sa violence est excessive et l'auteur fait le parallèle avec la façon dont nous traitons la planète : « le tombereau de déchets sous lequel nous ensevelissons la planète ne ressemble-t-il pas à ces charretées de corps versées par Achille dans le fleuve ? »
Et puis, au détour d'un vers, d'un commentaire, on découvre un
Sylvain Tesson surprenant, bien loin du conformisme ambiant, celui qui est plus que majoritaire dans les medias qui l'ont accueilli pour ces émissions de radio dont est tiré ce livre.
Certains diraient réactionnaire. Est-ce une insulte ? Je ne le crois pas, je suis même persuadé du contraire. Ca commence avec, je cite : « Une meute d'idéologues en charge de réformer l'école est parvenue en cinq décennies à saigner les études antiques. Selon eux, il serait élitiste d'apprendre les langues mortes. » Gageons qu'ils soient plus efficaces à l'abri de leur ministère qu'ils ne l'auraient été trente siècles plus tôt sur la plaine de Troie. Il ne faut pas grand courage pour assassiner des langues mortes. Qu'
Homère aurait-il bien pu faire de ces pâles figurants ?
On poursuit avec le filtre de la vision socio-marxiste de la société actuelle en totale opposition avec l'héroïsme grec où prince et manants peuvent être grands ou vils selon leurs caractères et leurs actions. On continue avec les féministes outrancières, « bien mal inspirées de vouloir être les égales des mâles alors qu'elles lui sont supérieures » car « L'Odyssée n'aura été qu'une série d'aventures vécues par des hommes mais fomentées par des femmes ». Les multimilliardaires de l'économie digitale ne sont pas non plus épargnés, puis vient le tour des « prétendants de Pénélope » et comme on dit vulgairement, là ça fait mal. Si vous croyez reconnaître dans les prétendants du XXIème siècle nos politiciens actuels, vous avez sans doute gagné. « Par prétendants, il faut entendre courtisans. Ce sont ces tartuffes, marquis poudrés et brigueurs de cour dont
L Histoire connaîtra tant d'avatars. Ils se presseront toujours au seuil du pouvoir de la même manière qu'ils grouillaient aux pieds de Pénélope, vulgaires, insolents. Ils rampaient au pied du trône d'Ithaque. Leurs réincarnations se disputent aujourd'hui les mânes des républiques ».
Et pour finir en beauté, « Dans l'Iliade, le mur symbolise la protection et la souveraineté en même temps que la limite assignée à la société. Un mur, comme une frontière est un trésor précieux et le malheur menace quand la brèche est ouverte. Deux mille cinq cents ans après
Homère, les promoteurs d'une planète aplatie, sans nations ni frontières, devraient un jour s'asseoir à l'ombre paisible d'un rempart et méditer l'Iliade ». Non, vous ne rêvez pas, un intellectuel ose dire que les frontières peuvent encore être utiles et protectrices.
Homère serait-il, lui aussi, réactionnaire ? Il ne risque plus grand-chose mis à part d'être mis de côté, puis lentement oublié. On en revient à « la meute d'idéologues » du début et on se dit que ces sapeurs sournois et silencieux n'ont pas encore tout à fait mis à bas la muraille de culture et d'héritage que l'oeuvre fabuleuse d'
Homère représente. Résistez comme les combattants de Troie ou comme Pénélope, lisez et faites lire
Homère !