Bref, Zeus joue aux dominos. […] Aujourd’hui, les joutes compliquées de Zeus ont leur équivalent au Moyen-Orient où les puissances mondiales placent leurs pions sur un damier comme on planterait des torchères sur le couvercle d’un baril de poudre. Zeus veut la guerre des hommes pour avoir la paix de l’Olympe.
Achille tout-à-l'heure se métamorphosera en monstre de furie, et le voilà qui donne à son ami des conseils de tempérance. C'est comme si Staline récitait l'évangile, si Tariq Ramadan donnait des leçons de savoir-vivre ou si le sultan Erdogan sur la plaine de Troie philosophait avec le roi d'Arabie Saoudite sur les droits de l'homme.
Homère est le premier artiste à savoir que la pensée peut s'incarner. Il prouvait dans ses chants qu'une pulsion est capable de se matérialiser.
On devrait pouvoir se contenter du monde et non pas rêver à des paradis inaccessibles et à des vies éternelles.
C'est peut-être cela être divin. S'accorder à soi-même dans la pleine lumière, descendre entièrement dans sa présence, s'harmoniser à sa vibration nue, se tenir là, modestement dressé dans le rayonnement de l'existence.
Homère joue à convoquer les formes de l'enfantement monstrueux : abeilles, loups, génisses, dauphins, moutons et colombes, chauves-souris, asphodèles, serpents, oiseaux de proie... Peut-être faut-il voir dans cet appétit à décrire la verve féconde une définition du paganisme : être païen, c'est saluer les visages du vivant et vénérer la matrice dont ils procèdent sans se préoccuper de leur fin.
A convoquer la perfection de l'organisation naturelle, la grâce des bêtes, la gloire des phénomènes et la vigueur des plantes, Homère cerne l'une des facettes du divin. Est divin ce qui se tient dans la présence pure, dans l'explosion du réel. Le divin miroite dans la complexité immanente de la nature. Il y est incorporé.
L'imagination ne s'invente pas.
Homère convoque dans un ruissellement de mots les images de la nature.
Le style d'Homère répond à deux caractéristiques majeures. Elles font briller le texte comme pétille la Méditerranée sous le soleil. Grâce à elles, on reconnaît la musique d'Homère.
Il y a le recours permanent aux épithètes et l'utilisation des analogies.
L'épithète adoube le nom. La comparaison relance le rythme.