Je ne sais pas si vous avez eu un jour l'occasion de voir de film Les
Aventures du baron de Münchhausen de
Terry Gilliam (1988). Je l'ai vu à sa sortie et il m'a profondément marqué. Sans que cela me tourmente non plus, je me suis toujours demandé ce que valait le récit original. L'abcès est aujourd'hui crevé.
Gottfried August Bürger a écrit de nombreuses et courtes histoires qui s'enchainent ici très rapidement. C'est en fait son héros lui-même qui raconte ses pérégrinations à une assemblée probablement ébahie. Car il faut bien l'avouer, on est dans le farfelu le plus pur (pourquoi croyez-vous que j'avais aimé le film ?). On a affaire à un mélange de précurseur de l'Imaginaire et d'un loufoque à la
Tex Avery plongé dans un décor historique du 17ème siècle et raconté avec le plus grand sérieux, genre pince sans rire curieusement très angle saxon.
Des lièvres avec quatre pattes au ventre et quatre autres sur le dos, des notes de musique qui givrent dans un cor sous l'effet du froid et ne se font entendre qu'une fois réchauffé près de la cheminée, un voyage dans le ventre d'un énorme poisson (un classique) ou au centre de la terre, des périples sur la lune où l'on se bat avec des tiges d'asperge et des champignons, et même une équipe d'ancêtres des super-héros (un rapide, un costaud, un oeil de faucon…).
La satire pointe son nez de temps en temps, comme quand le baron se fait dépouiller de sa fortune « dont la millième partie eût suffi à acheter à Rome une indulgence plénière pour toute la compagnie et ses descendants et arrière descendants » (Bürger était-il protestant ?).
Mais on trouve aussi des éléments qui peuvent choquer de nos jours. Ainsi de l'antisémitisme : « j'appris plus tard que le drôle était un infâme juif, qui entassait ses fruits et ses céréales dans son grenier, jusqu'au moment où leur rareté excessive lui permettait de les vendre à des prix exorbitants ».
Et un goût immodéré pour le carnage de chasse genre Buffalo Bill, ici il trucide des centaines d'ours blancs : « Quand je les vis tous étendus morts autour de moi, je me sentis aussi fier que Samson après la défaite des Philistins ».
A travers les voyages de Münchhausen, on retrouve le contexte historique contemporain de l'auteur : comme pendant la guerre de sept ans, la Prusse et l'Angleterre sont alliées contre la France, et la guerre entre Russie et Turcs est intermittente. Cela donne un cadre reconnaissable sans qu'à aucun moment on ne puisse vraiment reconnaître une date ou un événement.
Ces histoires délirantes – quoiqu'en dise monsieur le baron – valent le coup d'oeil sans être indispensable. Mais si vous vous lancez dans la lecture, un conseil : choisissez comme moi une version avec les nombreuses illustrations de Gustave Doré incluses. Elles comptent pour la moitié de la saveur.