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3,45

sur 218 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Les Mal-aimés » , lecture intense et éprouvante dont on s'extirpe difficilement tant l'atmosphère noire et prégnante du roman nous habite longtemps.

Hiver 1884, un village perdu dans Les Cévennes. Une cohorte de frêles silhouettes grises, poussée par une bise glaciale, s'achemine sous le regard triste et apeuré des villageois. Crânes rasés, rachitiques, les enfants enjoués quittent le bagne. Leurs sourires et leur allégresse dénotent avec les mines sombres des spectateurs qui forment une haie d'honneur sinistre. Les enfants sont heureux. Ils quittent l'enfer, ils quittent leurs bourreaux.

1901, un été sec et caniculaire. Les Cévennes, plombées par un soleil implacable, offrent un visage hostile au voyageur de passage. La terre est sèche, ingrate et rude, à l'image des corps et des âmes qui l'habitent. L'ombre du bagne abandonné plane sur le village et les fermes alentours, ancrant dans les mémoires le poids d'un passé que certains souhaiteraient oublier. Car si le bâtiment ne représente plus de menace, ceux qui y ont vécu ne sont pas tous partis, en témoigne le petit cimetière où se dressent de fragiles croix de bois sec, des tombes à moitié effondrées ou le reste de simples monticules de terre. Alors, lorsque des meules de foin prennent feu, lorsque les animaux et les hommes commencent à mourir, les âmes tourmentées par la culpabilité commencent à être gagnées par une peur superstitieuse. Est-ce le Diable ? Les enfants sont-ils revenus d'outre-tombe pour se venger ? Ou bien cette terre, qui les brise et les épuise depuis leur naissance, est-elle maudite ?

« Les Mal-aimés », ce sont les enfants du bagne. Gilbert, Pierre, Antoine, Victor, Auguste… Une dizaine d'années au moment de leur condamnation à la « correction » pour vagabondage, mendicité, vol… Au bagne, ils survivent en moyenne deux ans. Patronyme, âge, numéro d'écrou, filiation et moralité de la famille… C'est de manière presque incantatoire que Jean-Christophe Tixier présente ces petites âmes à chaque ouverture de chapitre, pour bien rappeler que derrière son récit se trouvent des enfants qui ont bien existé.
Mais cette histoire – que l'on connaît désormais - n'est pas directement la leur, elle n'est pas celle du bagne.
C'est tout d'abord un tableau, celui d'un village cévenol typique du début du XXe siècle, avec son curé, son instituteur, son médecin de campagne, son « fou », ses paysans rustres et pauvres usés avant l'âge par la terre qu'ils travaillent en toute saison.
C'est le récit de tout un village qui a vu dans le bagne et ses enfants le moyen de s'enrichir et qui un jour, voit ses espoirs s'envoler.
C'est le récit de ceux-là encore qui ont participé à des meurtres organisés quand on affame, quand on maltraite et quand on bat. Quand on se tait aussi.
C'est le récit des innocents, de ceux qui naissent sur cette terre de malheur, porteurs d'une beauté inattendue, et qui en deviennent très vite les victimes.
C'est l'histoire de ceux qui tentent de les sauver pour expier les fautes passées.
Reste alors une immense culpabilité autour d'un sombre secret qui peu à peu va venir à bout de la raison de chacun.
C'est enfin le récit d'un monde révolu et d'une région âpre, dure pour le corps et pour l'âme, où le Mal ne vient pas du Diable mais bien des hommes. Des hommes et des femmes destinés à porter le malheur en eux.

La langue poétique et ultra réaliste de Jean-Christophe Tixier se délie pour décrire la terre, les bêtes et les hommes. Remugles, poussière, crasse et souillure… les corps et les âmes ne font plus qu'un pour donner à voir et à sentir au lecteur les tréfonds de l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus sordide. On ne peut sortir indemne d'une telle histoire, remarquable en tous points.

Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour cette masse critique privilégiée.
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En 1884, dans les Cévennes, le bagne pour enfants ferme ses portes. 17 ans plus tard, les villageois vivent une vie difficile et rude lorsque des événements dramatiques font resurgir un terrible secret...
Les mal-aimés est un roman noir à l'atmosphère pesante que j'ai eu du mal à lâcher.
La rudesse des personnages y est palpable à chaque page : entre superstitions et cruauté, seuls Blanche abusée régulièrement par son oncle et Etienne subissant les accès de violence de son "patron", semblent innocents et encore enclins à quelques espoirs en un avenir meilleur.
J'ai été très touchée par cette histoire : un monde rural du début du XX° siècle où il faut trouver à tout prix des coupables lorsque la maladie touche la communauté.
Chaque chapitre débute par un extrait du registre d'écrous de ce bagne où l'on apprend le sort réservé aux enfants qui y étaient internés : tous sont décédés peu après leur entrée. J'ai trouvé cela vraiment émouvant et révoltant à la fois !
Je connais et j'apprécie Jean-Christophe Tixier pour ses romans jeunesse et en particulier pour Traqués sur la lande qui parle là aussi d'un bagne pour adolescents à Belle-Ile-en-Mer, alors lorsque Babelio m'a proposé ce roman adultes dans le cadre d'une masse critique privilégiée, je n'ai pas hésité et je ne le regrette pas. J'aime son style et les sujets qu'il aborde.
Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour ce moment de lecture poignant !
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Dans un village des Cevennes, Blanche s'évertue à survivre dans un quotidien des plus difficiles. Recueillie par son oncle, elle ne lésine pas sur les travaux de la ferme ou la prise en charge de la maison. Elle s'occupe de tout malgré la rudesse de son existence. Qu'il s'agisse de Léon et Jeanne, la "Cruere", le médecin venu de la ville ou encore Étienne, quel avenir ont ils envisagés avec les fantômes du passé qui réapparaissent. Un troupeau malade, une jument qui agonise, un homme en pleine force de l'âge qui succombe, il y a quelque chose dans l'air qui noircit le paysage... Ce paysage qui a en hauteur un ancien bagne pour enfants et adolescents.

Quelle écriture ! En débutant la lecture, c'est ce qui m'a frappé en premier lieu : le rythme que l'auteur a su insuffler à l'histoire. Composé en chapitre traitant à chaque fois d'un personnage, on découvre progressivement les secrets de chacun, la vision du monde rural de ces années 1900, le poids de ce qui est dit ou caché. le poids des secrets également. Une écriture fluide qui emmène le lecteur et lui permet d'entrer dans la noirceur et la rudesse de cette campagne reculée.

Le traitement des personnages à ma préférence. Inutile de faire de grands discours, ils sont décrits dans leur vérité crue, à la fois inimaginable et pesante. Des caractères bien trempés, rude à la tâche et plein de vigueur. Il y a quelque chose de repoussant chez certains qui attise la curiosité, je l'avoue : comment en est-on venu à réagir ainsi ? J'ai apprécié le rythme qu'à donné l'auteur à la révélation de certains secrets ou trait de caractère des personnages. Cela nourrit le suspense.

Le traitement du bagne à présent est étrange à mes yeux et sans doute ce qui m'a le plus questionné, sans toutefois me décevoir. L'auteur traite du bagne dès le début de l'histoire. Il reste en arrière-plan une bonne partie du roman, le temps qu'il faut aussi pour que les histoires des personnages se développent. Il est toujours là en sourdine. Mais on ne finit par l'aborder que plus tard. L'auteur s'attache à montrer les conséquences chez les personnes ayant travaillé au bagne. J'aurais apprécié en découvrir davantage sur ce lieu, savoir ce que chacun cherche à taire.

L'ambiance générale du livre, roman noir et plein de tension, est à la fois agréable dans une expérience de lecture, mais m'a posé question. À plusieurs reprises je me suis rendu compte que j'ai lu le livre les yeux froncés, accablés moi-même parce que je lisais. Non pas par l'horreur des descriptions, mais plutôt de me dire que ces bagnes, ces vies détruites aussi bien enfants qu'adultes ont vraiment existé. le monde recèle encore nombre de noirceurs, son histoire n'est pas entièrement écrite.

En bref :

Une expérience de lecture riche et pleine de tension que j'ai vraiment appréciée, porté par une plume agréable et précise de l'auteur. Une très belle découverte, malgré des questions qui demeurent.
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Le roman se situe en 1901. Il y a déjà dix-sept ans que le bagne pour enfants est fermé. Ils étaient nombreux, venus de loin parfois, d'Aquitaine jusqu'à la Provence. On les a vus partir lors de la fermeture de l'établissement, hâves, sales, à peine couverts de haillons, mal nourris, mal soignés, désespérés. Les paysans du village les ont regardés partir, en silence. Avec eux partaient des emplois chichement rémunérés mais si utiles en cette région où la terre peine à produire !
Il y a ceux qui les encadrent, celui qui les soigne, le docteur Emile Merluc, celle qui lave leurs draps souillés, la lingère un peu sorcière surnommée la Cruere ; celui qui les récupère quand un autre les a laissés s'échapper, pour les revendre comme bras aux paysans. Et on s'affole de savoir qu'il s'agit de l'instituteur ! Et au-dessus de tout cela, celui qui traite avec Dieu et les évêques, dans l'espoir un jour de porter la pourpre lui aussi :le curé du village.

Tout ce petit monde vit près du bagne, sinistre forteresse qui attire le regard et suscite la colère et le mépris. La peur aussi. Personne n'imagine autre traitement pour remettre les gamins perdus dans le droit chemin. Des coups, des abus sexuels, une nourriture quasi abstraite, un travail à échiner un boeuf.

C'était il y a moins de 150 ans, nos grands-parents et arrière-grands parents auraient pu côtoyer ce monde-là.

L'auteur nous happe, d'une plume pittoresque et précise, qui ne laisse dans l'ombre ni les paysages somptueux et redoutables, ni la psychologie fruste et roublarde des paysans et de leurs « notables », ni l'influence de la croyance religieuse, encore profonde malgré le contexte historique de la IIIème République où on commence à vouloir « bouffer du curé ».

Un roman sur fond de faits authentiques, qui ont perduré des décennies (les enfants placés, les orphelins de l'Assistance publique, exploités, maltraités dans les campagnes profondes, on en parlait encore dans les années 50). J'ai aimé la force des scènes évoquées (un homme qui brûle parmi ses chèvres dans sa grange ; un autre, pris d'une terreur mystique, qui se suspend, nu comme un ver, à la statue d'une sainte de l'église ; un pendu dans sa grange, une paysanne qui, telle une image de la Vierge, rassure doucement son mari terrifié ; une jeune fille qui caresse son ventre arrondi du fruit de l'inceste.
Peu de douceur dans ce livre où il semble que l'auteur ait voulu voir incarner les sept péchés capitaux. Peu de rédemption promise à ces damnés de la Terre. On ne peut ni juger ni condamner. Seulement compatir et espérer que ce monde-là est révolu.

La terrible vengeance des enfants mal-aimés du bagne est en marche.
Une lecture dont on ne sort pas indemne.

Un grand merci à Babelio pour son opération Masse critique privilégiée et aux éditions Albin Michel.
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Voici un roman très sombre sur un sujet qui a fait honte dans l'histoire des XIX et XX siècles, à savoir, les bagnes pour enfants nommés injustement « Maison d'éducation surveillée ».
Nous sommes en 1901 dans l'arrière pays héraultais, une terre pauvre sur laquelle trime une communauté misérable .Le « bagne pour enfants » qui domine cette terre reculée et oubliée de tous, a permis aux habitants d'améliorer leur ordinaire en leur offrant un travail mais aussi en les laissant se livrer à des commerces moins avouables. Dix sept ans après la fermeture du bagne, des évènements, somme toute normaux, comme des animaux qui tombent malades ou des hommes qui se blessent et meurent, viennent réveiller des peurs enfouies, des superstitions selon lesquelles les enfants morts au bagne sous les mauvais traitements de leurs tortionnaires reviendraient se venger.
Ce roman particulièrement noir, est âpre et troublant. Il décrit la vie misérable de cette communauté qui a beaucoup à se reprocher, entre ceux qui ont participé aux mauvais traitements envers les enfants du bagne et ceux qui se sont tus par lâcheté ou profit.
Au fil des chapitres alternant les points de vue, l'auteur nous permet d'assembler les pièces du puzzle pendant que monte une tension qui mènera à l'inéluctable explosion finale.
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Il m'aura fallu pas moins de dix jours pour pouvoir digérer ce roman, et m'atteler à la rédaction d'un avis, qui sera qu'un pâle reflet de ce que j'ai pu ressentir lors de ma lecture.

Nous sommes à la veille de la loi de 1901, dans un village isolé des Cévennes. La vie est rude, les habitants semblent assez rustiques ; mais tout semble sans histoire ; en tout cas en apparence. Parce que si l'on gratte un peu…
L'ordre des choses soudain perd le nord. Entre les brebis atteintes d'un mal étrange, des morts subites, des meules de foin qui s'embrasent, un bébé mort-né, la jument d'Ernest qui se putréfie…‶Les enfants se vengent″ souffle l'un des villageois…

Dix-sept ans auparavant, ils ont vu les enfants quitter le bagne des environs ; des cadavres ambulants, chétifs, rachitiques, anéantis. Des enfants, considérés alors comme des délinquants, et condamnés à la correction, enfermés et laissés à l'abandon et dont chaque habitant porte une part de responsabilité.
Des enfants que l'on croyait oubliés à jamais et qui dix-sept plus tard n'ont pas tout à fait quitté les lieux…

Dans ce village où chacun aurait quelque chose à dire, personne ne parle ; pas plus du passé que du présent, et de ce qui se passe dans la ferme entre le vieil Ernest et sa nièce Blanche. Blanche qui rêve d'une autre vie, mais qui renonce. ″ Elle ressemble à ces plaques de givre, l'hiver, qui reculent à mesure que le soleil avance. ‶

L'Eglise complice et cynique se tait, elle règne en maître, mais plus pour très longtemps, la séparation de l'Eglise et de l'Etat est en marche.

Ce roman prend aux tripes, dès les premières pages, dès le premier chapitre, qui comme les suivants commencera par un extrait de registre d'écrou donnant au livre le ton glaçant qui ne le quittera pas.

Dans ce roman à l'écriture addictive, et à la construction impeccable, Jean-Christophe Texier y aborde l'enfance maltraitée, le silence coupable des civils et des religieux et de l'état. La lecture en est épouvante et poignante.
Je ne l'oublierai pas de sitôt !

Merci aux éditions Albin Michel pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une masse critique Babélio.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Roman découvert par hasard dans les rayons de ma médiathèque, Les Mal-Aimés de Jean-Christophe Tixier est un livre bouleversant autour d'un sujet difficile: celui des bagnes pour enfants des dix-neuf et début vingtième siècles. Oui, vous avez bien lu: à une époque pas si ancienne (qu'est-ce que cent, cent cinquante ans ?), pour un vol de gâteau ou pour « vagabondage », la justice des hommes pouvait condamner un enfant au bagne jusqu'à sa majorité… Incarcérés dans des lieux insalubres, les jeunes étaient écroués dans des conditions désastreuses, sous le joug de gardiens violents et abusifs…

Dans ce roman, le bagne de Vailhauquès situé dans l'Hérault, ferme ses portes en 1884. le premier chapitre s'ouvre sur le défilé de jeunes garçons qui sortent de l'établissement, libres mais intérieurement dans un état que l'on devine déplorable au vue des sévices subis. Une vingtaine d'années plus tard, la vie suit son cours au village, quelques habitants parmi les plus rustres avaient « travaillé » dans ce bagne, soit comme gardien, soit comme lingère ou cuisinière… Tous vivent dans le silence des évènements passés : l'omerta dirige les relations entre les villageois, tous savent et se taisent. Jusqu'à ce que des faits étranges que l'on attribue trop vite au surnaturel entachent la communauté : morts soudaines, maladies, bruits suspects… Est-ce le Diable ou les enfants qui reviennent se venger « comme les loups quand la faim les ronge« ?

Le bagne accable le village de sa présence, bride de son souvenir honteux les habitants de la vallée. A l'image de la photographie de couverture, le bagne n'est plus qu'un bâtiment désaffecté dans lequel il s'est passé de mauvaises choses. C'est autour de lui que gravite l'histoire inventée par J.C Tixier, sans jamais y entrer. C'est là que le lecteur est surpris par la tournure que prend le récit, puisque l'on reste dans le village, à une époque différente de celle du bagne en activité. Mais le roman entier est porté par une écriture poétique qui n'est pas sans rappeler celle de Jean Giono: on se laisse entrainer par la puissance des mots, des images sombres de ce roman noir rural, portrait profond du siècle passé dans nos campagnes, portrait au vitriol des représentants de la religion, des membres de l'éducation nationale, de la justice, qui à une époque faisaient bien peu de cas des enfants…

Une belle découverte pour moi que cette plume poétique sur un fond historique intéressant.
Lien : https://loeilnoir.wordpress...
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Un roman sur la noirceur humaine.
La vie est dure pour les paysans des Cévennes au début du XXème siècle. Une vie de labeur sans amour, sans pitié et ses habitants ne dépendant finalement que des aléas météorologiques. Un bagne recevant de jeunes délinquants, non loin de là, a été fermé quelques années auparavant. L'horreur régnait là-aussi : on était convaincu qu'un régime des plus stricts permettrait à ces jeunes de revenir sur la bonne pente. Malfamés, non soignés et travaillant dur, beaucoup d'entre eux ne sont pas sortis vivants. Quelques paysans ont vu une opportunité : libérer ces jeunes pour les exploiter à leur tour, une main d'oeuvre gratuite. C'est l'un des secrets qui unit ces paysans. Quelques années plus tard, c'est là que commence notre roman, ces paysans n'ont toujours ni bonne conscience, ni bonne morale. Ernest viole sa nièce depuis son plus jeune âge. Léon n'hésite pas à battre son ouvrier. Jeanne n'hésite pas à gagner quelques sous de l'Etat en "se chargeant" d'enfants abandonnés (tout autant abandonnés par elle). D'autres s'enfoncent dans l'alcool. Quand rien ne va plus, quand les malheurs s'accumulent dans les différentes familles (maladie du bétail, accidents mortels ou incendies), alors les paysans n'ont plus de doute, c'est l'oeuvre du diable. Les enfants morts au temps du bagne se sont réveillés et crient vengeance.
Un texte magnifique. Contrairement à d'habitude, aucune larme mais plutôt de l'écoeurement. Merci à Babelio et les éditions Albin Michel pour cette belle découverte.
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“𝐶'𝑒𝑠𝑡 𝑒𝑙𝑙𝑒 [𝑙𝑎 𝑓𝑎𝑙𝑎𝑖𝑠𝑒] 𝑞𝑢𝑖 𝑟𝑒𝑛𝑑 𝑛𝑜𝑠 ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑠𝑖𝑙𝑒𝑛𝑐𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑒𝑛 𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑚𝑝𝑒̂𝑐ℎ𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒 𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑎𝑢 𝑙𝑜𝑖𝑛. 𝐼𝑙𝑠 𝑛'𝑎𝑖𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑒𝑛𝑡𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑙'𝑒́𝑐ℎ𝑜 𝑑𝑒 𝑙𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑜𝑢𝑡𝑒𝑠.“

Sachez que si vous n'avez pas le moral, ce n'est absolument pas la lecture qu'il vous faut. Avec ce roman rural noir – vraiment très noir –, l'auteur se base sur un fait réel pour construire sa fiction.

La maison d'éducation surveillée de Vailhauquès faisait partie des « maisons de correction » où étaient envoyés les enfants jugés coupables de petits délits, ou même simplement indisciplinés… Soyons francs : ils y étaient torturés, voire assassinés.

D'ailleurs, Antoine, né à Bayonne le 11 mai 1865, a été jugé pour vol le 16 août 1872. Condamné à la correction jusqu'à ses 18 ans, il mesurait 1m20 à l'entrée. N° d'écrou : 937. Causes de la sortie : Décédé le 17 janvier 1874…

Avec ce roman, J.-C. Tixier raconte les non-dits, la honte d'une communauté pourrie par l'horreur des bagnes pour enfants. Une sublime écriture, poétique et juste, sert le récit.

Blanche, Étienne, Émile Morluc, Angèle Cruere, Alphonse, Géraud, Jeanne, Léon, Ernest… Tous, d'une manière ou d'une autre, sont touchés par cet environnement malsain dans lequel ils vivent et évoluent. le silence les noie. Ils étouffent, et déraillent.

Ces hommes sont hantés par leurs remords, la culpabilité. Ce qu'ils voient, là-haut, cette bâtisse, leur rappelle tout ce qu'ils voudraient oublier. Et la peur de voir ressurgir ces souvenirs… et bien, c'est cette peur qu'ils qualifient de diable. le diable se cache dans les croyances et superstitions qu'ils nourrissent et qui les nourrissent, au contraire de leurs terres si sèches.

Vous serez hypnotisés par cette histoire. N'y cherchez pas d'intrigue – elle est seulement très légère –, tout réside dans l'ambiance, l'atmosphère. Tout réside dans les âmes de ces hommes. Certains innocents. Pour d'autres, ce n'est pas beau à voir… C'est, par contre, tellement beau à lire !
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Aux confins des Cévennes en l'an 1884, une maison d'éducation surveillée ferma ses portes, libérant des adolescents décharnés. Il quittent ce lieu maudit sous les regards des paysans qui furent leurs geôliers. 

Dix-sept ans plus tard, sur cette terre reculée et oubliée de tous, une succession d'étranges événements se produit. Des chèvres meurent décimées par une étrange maladie, des meules de foin prennent feu, la mort rôde et s'apprête à faire d'autres victimes. Une rumeur prends racine et commence à s'étendre.





– Les enfants se vengent, souffle l'homme. 

(...) 
Ils angoissent tous. S'affolent. Paniquent. 
– Rien n'arrêtera le feu vengeur. Il prendra tout ce qu'il y'a à prendre. Et chacun espère qu'il brûlera chez le voisin plutôt que chez lui. Par ici, les gens sont comme ça. Ils se serrent les coudes pour braver l'hiver et les catastrophes car ils ont peur d'avoir faim s'ils perdent leurs récoltes ou si leurs troupeaux crèvent. Mais quand vient une malédiction, c'est chacun pour soi ! le malheur des uns n'attire que la méfiance et fait fuir les autres. Ils croient tous que la colère du ciel ou des entrailles de la terre est toujours méritée. Alors... “ 




Et si c'était les fantômes du passé qui venaient régler leurs comptes ? 





” Comme autant de silhouettes, autant de petits bagnards qu'ils obligeaient à rester dehors des heures durant dans la nuit glacée, en une file silencieuse et parfaite, rouant de coups le premier qui bougeait ou manifestait le moindre signe d'épuisement. Au nom de la discipline, au nom de l'ordre, au nom de l'idée que pour leur retirer le mal, la brutalité permettait de faire entrer ces notions dans leurs caboches su dures. “ 



Ce que j'en dis :

Happée dès les premières pages par ce roman habité d'une extrême noirceur, j'ai fait la connaissance d'une plume fabuleuse qui m'a embarquée dans le confins des Cévennes à une époque où l'on envoyait les enfants délinquants au bagne. 

En incluant dans ce récit au début de chaque chapitre des billets d'écrous des pensionnaires, on découvre avec stupéfaction la dureté de l'époque. 

Porté par une plume hypnotique qui n'a pas été sans me rappeler l'univers de Zola, de Victor Hugo et même de Franck Bouysse, Jean- Christophe Tixier nous offre une galerie de personnages habités par la culpabilité, rongés par les non-dits au coeur de la campagne où même la foi ne sauvera pas toutes les âmes perdues

. 
Inspirée de faits réels du passé, l'auteur raconte l'horreur des bagnes, la misère du monde rural, la violence incestueuse dans certains foyers, la honte qui entache tout un village sans espoir de rédemption. 




Après avoir conquis la jeunesse, Jean-Christophe Tixier fait une entrée remarquable à travers ce premier roman sombre, bouleversant qui va briser plus d'un coeur. 
Un énorme coup de coeur que je vous recommande vivement. 


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