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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Ecrit juste après Trois morts, et avant son mariage avec Sonia/Sophie, « le bonheur conjugal » semble être le journal de la toute jeune Macha, qui, après la mort de ses parents, seule et déprimée, voit un ami de son père s'approcher pour aider les affaires du domaine.
Elle ne sent aucune attirance pour cet homme plus vieux et un peu bedonnant, puis se laisse prendre au jeu de vouloir lui plaire, non pas en jouant de ses charmes, mais en se rendant parfaite, en jouant de la musique pour lui (Tolstoï jouait chaque jour du piano) et surtout en se persuadant qu'il l'aime, même s'il ne veut pas l'avouer.
Etrangement, elle se sent non seulement diminuée par sa jeunesse, mais presque coupable, puisqu'elle veut lui appartenir et ne faire qu'un avec lui…. jusqu'au jour du mariage, où son monde finit : le plus jamais s'impose à elle, et pire encore ;
« Dans mon âme il y avait le bonheur, le bonheur envolé à tout jamais, le bonheur qui n'est pas revenu. » dit-elle à la veille de ses noces.

Les mois passent, entre rires, regards et sonates au piano, ils sont heureux « lui seul existait pour moi sur terre et je le considérais comme l'être le plus admirable, le plus infaillible du monde. »

Le bonheur conjugal se base sur les regards : parfois elle le regarde dans les yeux, ou lui la regarde en pleine face, symbole de la pureté de leur intention de tout se dire, parfois, lorsqu'elle veut aller au bal, elle le regarde d'un air suppliant.
Car, rapidement, cette fusion parfaite, cet accord de deux âmes achoppe dans l'ennui, elle veut du changement et voudrait bien bousculer la tranquillité d'homme mûr de son mari Serge.
Le bal ! là où son idée fixe de plaire à son futur mari, puis mari, de ne faire qu'un l'un avec l'autre lui échappe! le bal où elle devient le centre autour de qui tous les regards tournent, car elle est belle, les autres hommes la regardent et le mari détourne les yeux.
Le ver est dans le fruit, elle accepte, dit-elle, de renoncer aux plaisirs mondains, de se sacrifier, dit-elle et lui, Serge, est offensé par ce mot, elle surprend son regard attentif, sévère et comme chargé de reproche fixé sur elle. .
« A dater de ce jour un abîme s'était ouvert entre nous. »

Comment le bonheur peut-il se dévoyer si rapidement, alors que les deux partenaires veulent construire ?
Comment Tolstoï voit-il le mariage, lui qui va bientôt demander la main de Sonia/Sophie ?
Comment un couple peut-il se déconstruire sans une seule dispute, sans affrontements, sans intérêts contraires ?
Comment ce qui aurait pu continuer avec échange de regards et de complicité, comment la même superbe lune au-dessus de leur toit n'a pas changé, elle, et que Macha sent épouvantée la distance et la froideur de leurs rapports, comme si le regard de Serge était comme dérobé par un nuage ?
Comment l'ancienne plénitude de vie s'est éloignée pour eux deux et pour elle qui y croyait ?
Pire encore, elle lui demande en le regardant dans les yeux s'il regrette le passé, et non, il ne regrette rien, l'amour a changé, d'accord, mais il est toujours là pour lui.

C'est un vieillard.
Tolstoi a été comme Macha, insatiable, changeant, désirant ce qu'il n'a pas. Il voulait se marier, mais ce « bonheur conjugal » donne déjà un son lugubre inquiétant.
Il n'aime pas cette nouvelle « honteuse abomination » dit-il à son éditeur, qui, lui, a de suite compris l'écriture singulière de Tolstoï, prémice de la « Sonate à Kreutzer. »
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Ah l'Amour ! Serge mikhaïlovitch retrouve les enfants de son ami, mort un an auparavant. Depuis la disparition de leur père, l'aînée Katia, la petite Sonia et Macha coulent des jours tristes à la campagne, dans leur domaine de Nikolskoïé. La venue de cet ami considéré comme un oncle qui les a vues grandir leur donne du baume au coeur et apporte la joie et la sérénité qui caractérisent le vieux mikhaïlovitch. Enfin, vieux... A 35 ans, c'est pourtant ainsi qu'il se sent après avoir tout vécu et ne désire plus que le calme de la campagne et s'occuper des affaires de son domaine.

Aussi est-il fort surpris de découvrir une Macha devenue jeune femme et fort jolie de surcroît. Son coeur se remet à battre. Mais que peut-il espérer avec cette différence d'âge qui les sépare ? Macha n'a rien connu, n'a rien vécu et il serait dans l'ordre des choses qu'une jeune fille rêverait d'une vie trépidante à la ville, entourée d'ami(e)s, comblée et courtisée par des jeunes gens de la bonne société, au lieu de vouloir s'enterrer au fin fond de la campagne russe.
Mais quand l'amour vient à naître aussi dans le coeur de Macha pour cet homme charmant, bon et calme, quel avenir les attend ? Je vous laisse le plaisir de le découvrir !

Non seulement c'est un très beau roman d'amour mais aussi une réflexion sur l'union, les aspirations de chacun, la différence d'âge dans un couple (bien que ce soit une chose parfaitement courante à l'époque), la confiance et la sincérité ou le doute et la futilité. Quel est le sens que nous voulons donner à notre vie ? L'auteur nous apprend qu'il faut d'abord apprendre à se connaître soi-même pour faire des choix que l'on ne regrettera pas.

Décidément, TolstoÏ est un excellent conteur, même dans le domaine de l'amour.


Et je vous dis, à bientôt les babéliami-e-s ! :-))
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Les Trois questions
L'éon tolstoï. 1903.

Conte philosophique d'une dizaine de pages, écrit en août 1903 à Iasnaïa Poliana.

Un roi pensa un jour, pour dissiper tout ennui, poser trois questions aux gens de son royaume. Il le fit et promettait une forte récompense à celui qui lui donnerait la réponse.

Ces 3 questions étaient :
Comment savoir le temps opportun pour chaque affaire ?
Quelles sont les gens les plus nécessaires ?
Comment ne pas se tromper dans le choix de l'oeuvre la plus importante de toutes ?

Des savants se précipitèrent pour répondre à la première question mais ne surent apporter la bonne réponse. Aucun n'était d'accord.
Un deuxième groupe de gens tentèrent de répondre à la deuxième question. Là aussi la réponse ne fut satisfaisante et les avis divergeaient.
Cette fois, un troisième groupe plancha sur la troisième question, et là aussi même constatation vaine.

Alors le roi devant la diversité des réponses les réfuta toutes et ne récompensa personne.

Il décida de consulter un ermite réputé être un sage. Celui-ci vivait dans la forêt, n'en sortait jamais et ne recevait que des gens simples.

Alors le roi pour ne pas compromettre ses chances se déguisa en pauvre. Il fit arrêter son escorte avant la cellule de l'ermite et se présenta seul.

L'ermite était en train de cultiver sa terre. Il était maigre et faible. le roi le salua et lui posa donc ses trois questions, et l'ermite ne lui répondit pas;

Embarrassé, le roi proposa à l'ermite de l'aider considérant qu'il devait être fatigué. le roi prit la pelle et releva la terre. A un moment donné, il fit une pause et renouvela ses questions, mais l'ermite resta muet.

Le roi entreprit alors de poursuivre sa tâche. pelle à la main. le temps passa jusqu'au soleil couchant. Et là l'ermite interrompit le roi et lui dit : -regarde le pauvre homme qui court là-bas. L'homme se rapprocha d'eux et visiblement tenant son ventre protégeait une vilaine blessure à cet endroit ; du sang coulait à l'intérieur de son habit. Il s'affala devant le roi et se mit à gémir. le roi alors entreprit de le soigner, lava sa plaie et mit un bandeau..

Au bout d'un certain temps, le sang s'arrêta de couler, et le pauvre homme se mit à parler au roi ..-Tu ne me connais pas, mais moi je te connais, je suis ton ennemi, celui qui a juré de se venger de toi, parce que tu es mon frère et tu m'as ravi mon bien . Ayant appris que tu venais seul chez l'ermite, j'avais résolu de te tuer. je voulais t'attaquer à ton retour, mais ne te voyant pas, je suis tomber par malchance sur tes compagnons. Ils m'ont reconnu, et m'ont blessé ; J'ai réussi à prendre la fuite ..


Je m'arrête là sinon je vais dévoiler la fin. Ce conte est connu dans l'oeuvre de l'auteur russe, mais pas autant qu' il le mérite. Il a influencé d'autres artistes qui l'ont interprété à leur manière, je pense à Jon J Muth qui en a fait avec succès un conte pour enfants.

Je ne me lasse pas de relire cette petite merveille. Cette année là qui fut pour l'écrivain russe une année paisible et laborieuse à IasnaÎa Poliana, il avait renoncé alors de passer l'hiver à Moscou, Il écrivit dans la même veine, avec la maîtrise totale de son art, Après le bal, le Faux coupon, dans la foulée de Hadji Mourat dont Troyat disait qu'il signa cette oeuvre romanesque pure, d'une extraordinaire beauté, comme s'il voulait se montrer à lui-même que l'artiste n'était pas mort. Voilà pour situer un peu un tolstoï pourtant occupé à la propagation de sa doctrine ..

tolstoï note dans son journal 1903 qu'il n'est pas content du premier jet de ce conte. J'imagine qu'il va le retravailler pour en faire cet écrin de littérature. Par contre il note pour Après le bal toute sa satisfaction de la nouvelle qu'il écrit en une journée. Et là, pour une fois, je suis pleinement d'accord avec lui !! Il ne s'arrêtera jamais de pourfendre sa littérature, ses distractions comme il disait. C'est là qu'on mesure toute la complexité de sa personnalité, il y avait vraiment de l'animal en lui : satisfait, pas satisfait, nonobstant son incroyable exigence, bien entendu !
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Tombée amoureuse à 17 ans, Macha épouse Serge de 20 ans son ainé. Dans un 1er temps, elle adopte son mode de vie sédentaire. Puis, elle s'ennuie et a même failli le tromper.. . Elle choisit finalement de rester auprès de lui. La vie passe... L'incompréhension s'est installée entre eux. Il n'y a plus de communication, plus de passion, plus de fugue. Elle accumule les petites rancoeurs...
Une excellente réflexion sur le sentiment amoureux et sur la vie de couple qui est toujours d'actualité !
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Désormais ce livre est à classer dans mes préférés., c'est un petit bijou, si joliment écrit il y a bien longtemps et pourtant si moderne et même éternel ...
Qu'est ce que le bonheur conjugal? Peut-il durer? est-ce que l'amour suffit?
Si vous voulez savoir ce qu'il faut faire et surtout ne pas faire , lisez cette nouvelle et tirez-en les leçons.
Oui l'amour évolue c'est inéluctable mais gardez toujours en tête ce qui vous a séduit chez lui et tout aussi important ce qui, chez vous lui a fait vous aimer. le cap est tracé!
Je ne parle pas de choses superficielles, de goûts identiques ou différents mais de valeurs .
Dernier petit conseil : avant de dire (c'est courant) ce qui a "changé" chez l'autre faites votre propre introspection.

Bonne chance!

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Au contraire de "La sonate" pourtant bien plus célèbre, ici Tolstoï n'a aucune pensée provocatrice, nulle velléité de vengeance, nul pessimisme (peut être a t-il moins vécu à cette époque) Peut être un brin de nostalgie douloureuse... Cela en est que plus efficace.
Il dit calmement, chirurgicalement, ce que devient un amour, le couple...
Cet amour naissant des plus angélique et pure, exaltant, qui peu à peu glisse vers la haine. Si l'on excepte les dernières lignes qui ouvrent sur une "autre sorte d'amour", ce récit est implacable, douloureux si l'on croit encore à ces fadaises.
Bref, la vie telle qu'elle est, nue, décortiquée... du grand art.
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