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EAN : 9791096415205
228 pages
Editions Tinbad (24/04/2019)
3.25/5   2 notes
Résumé :
Ovaine, ce personnage tragi-farcesque, poursuit effrontément une destinée littéraire qui la conduit aux seuls lieux où l’oxygène ne l’occit pas. Elle commence sa gésine en 2009 avec Ovaine, aux feues éditions Hermaphrodite, éperdues du grand Topor. Puis, en 2011, Journal d’Ovaine parait aux éditions de l’Atelier de l’agneau, curieuses de fous célestes. Elle infiltre quelques revues branchées sur un courant alternatif comme La Passe ou L’Intranquille et s’incarne à l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La Neuvaine d'Ovaine
Il était une fois une petite fille qui ne voulait pas grandir. Comme elle était plus astucieuse encore que le petit poisson plein d'astuce qui rame à droite et un peu en arrière de l'oreille invisible de la baleine bleue, elle se dit que, pour éviter de grandir, le mieux était de refuser le traumatisme de la naissance et de rester bien à l'aise et tranquille et au chaud dans son oeuf.
Car elle vivait dans un oeuf, superbement logée, quoique un peu à l'étroit, et nourrie comme une princesse, n'ayant qu'à se tourner à peine, une bouchée de jaune - très nutritif, le jaune, aliment idéal pour la jaunesse, ou la faunesse, ou tout autre animal de cet acabit, le conte se noie dans la nuit des étangs et a semé en route sa rigueur première, qui d'ailleurs est l'exactitude des cons.
A l'étroit, dites-vous ? D'abord, très honnêtement, croyez-vous qu'elle ait le temps d'examiner vos suppositions d'oiseau, notre Ovaine ? Car tel est son nom, vu qu'elle habite un oeuf, s'pas, c'est logique. Enfin, pas un oeuf, SON oeuf, Ovaine n'est pas un coucou, clock ! Prends-le dans la tronche !
Et non, absolument non si vous voulez le savoir. Vous avez déjà miré un oeuf ? Vous savez qu'en le dirigeant vers la fenêtre et en appliquant son oeil sur la coquille, on y voit dedans comme en plein jour, on sait même si cet abruti de coq a fait son devoir en y jetant sa morve. Alors, quand on est DANS un oeuf, il suffit de zyeuter DE L'INTERIEUR, à travers la coquille et le monde extérieur se met à défiler comme sur un écran de cinéma, tout à fait comme, et en prêtant l'oreille à qui veut l'emprunter on perçoit même des sons de leurs conversations ineptes.
Car ça n'est pas gai, il faut bien dire que ça n'est pas gai d'avoir les sens collés via la rétine au lucarneau qui est le fils de la lucarne et de voir le monde alors qu'on voulait y échapper (un ami l'a écrit autrefois : pas moyen d'échapper, « le vase est clos »). Y échapper en tricotant de la poésie, là, oui, INSIDE ! Ovaine est poète, vous l'aviez deviné. Donc elle grandit, on n'y peut rien, et à force de voir passer sur l'écran des choses et des gens et des actes et des drames qui lui paraissent plutôt pas frais, pas des oeufs du jour en somme, et aussi de temps à autre des animaux, un bulot, un hérisson, un loup grêle qu'elle voudrait bien aller consoler - il lui botte, celui-là, avec son air de chien battu - , à force de gigoter dans l'oeuf au point que le blanc se mélange au jaune et que ça en devient grisâtre, elle le fait choir du nid et (forcément, les lois de la gravitation sont graves) tombe elle itou aussi sec, enfin toute mouillée à l'arrivée puisque suivant le fil à plomb de la chute contrainte (si celle-ci était libre, l'oeuf irait voguant au vent léger, telle une petite nacelle, jusqu'au Kamtchatka, ou au Cachemire, ou en Cappadoce où les gens sont si mollassons).
Par terre, voilà, il gît dans une flaque gluante et Ovaine s'en échappe en gambadant, devenue femme, mais OVNI tout de même et, OVNI soit qui mal y pense, genre radieuse assez de mauvaises pensées loufoques.Elle est si vive de nature, ce que la nature ne permet qu'à ceux qui ne veulent point grandir dans leur tête, même s'ils ont grandi dans leur corps, et même vieilli dans leurs articulations. -C'est eux qu'on appelle des poètes ? - Tu as tout compris.
Et elle se fait une raison, Ovaine OVNI, dans son infinie sagacité pleine d'astuce. Elle se dit : j'ai neuf ans, dans neuf ans je serai majeure. Chic ! Je vais me mijoter une sacrée neuvaine, emplie d'histoires à dormir debout et à rêver couché. Cet univers est triste, il me faut le dérider. Mais il est aussi sérieux, tout à son métier grotesque d'être adulte, il va me falloir le rider quelque peu. Fût-elle restée accroupie à croupir dans son oeuf, calme, calme jusqu'à l'engourdissement, aurait-elle fini semblable à ces enfants qu'on a forcés à rester sages comme des fromages sans coulure, et qui, privés de jeux, se sont racornis, séchés, ont perdu leurs jambes et, assis éternels, culottent leur rage de magots stupides, comme le daruma japonais ? Non, ça, jamais !
Tant mieux ! Dans l'oeuf Ovaine n'a pas perdu ses jambes, ni sa tchatche, ni l'irrésistible pulsion de vie qui la pousse, de poème en poème plus frénétique, à triturer en pâte ductile la forme fixe qu'elle s'est choisie (plus ou moins six versets par conte express, ne vous y trompez pas, ayant beaucoup étudié et médité dans son bain amniotique, elle est devenue maîtresse ès langage), à la seule fin de lui faire produire du neuf, du tout neuf comme un oeuf tout frais éclos - et de surprise en surprise vous n'en goberez pas d'aussi savoureux, d'aussi apte à beurrer vos mouillettes, ailleurs que sur sa table de cuisine à elle.
Neuf multiplié par trente-six fois : au long de sa neuvaine de nonne vaine, car elle ne mange pas de ce pain-là, plus de trois cents fois ce Frégoli fille change non de costume mais de peau, se fourrant par prédilection innée de magicienne trouble-fête ( la fête des autres, si répétitive, si morne) dans des situations, des imbroglios, des expériences, des postures souvent agressives, parfois dangereuses, toujours chimériques, tant il s'agit pour elle, à l'aide du pouvoir brisant de l'humour, qu'elle manie en artificière consommée, de fissurer l'absurdité de la coquille dans laquelle nous gémissons tous, et d'ouvrir toutes grandes les portes de la liberté de vivre, de penser et d'écrire.
Est-elle seule, Ovaine, dans son équipée sans mors ni bride, dans sa tentative trois cents fois et plus subversive de secouer les puces du vécu pour le remettre sur ses deux pieds ? Non, ses animaux fétiches l'accompagnent de bout en bout. Et puis il y a nous, ses lecteurs, qui l'admirons depuis qu'elle s'est lancée, voici douze ans bientôt, dans la périlleuse conquête d'elle-même, dès que surgie de l'oeuf.
Elle n'est pas seule. Elle est unique. Vous n'en rencontrerez qu'une comme elle, capable d'errer de par les décors de la vie et de se les soumettre un à un tant à coups de langue râpeuse qu'à jets d'encre de Chine puisqu'elle dessine aussi des gribouillis infractueux bourrés de talent et de fables. Faut voir comme !
Ovaine a gardé sur le nez, pour mieux percer toutes les coquilles des bienséances, la corne caduque mais acérée du bébé dinosaure, dont le poulet a hérité. Ovaine, le poussin sauvage. Et hop ! Hors du nid ! Et hop ! de retour dans l'oeuf ! Quelle gymnastique ! C'est pas tous les jours qu'on est convié à jouir de telles cabrioles. Ces acrobaties-pyrotechnies-nécromancies dans et par les mots, c'est ça la poésie et non ce verbiage trop pensé qui solennise, devient niais et se change en basse littérature à message d'utilité publique.
La poésie d'Ovaine n'est pas collective, si elle est communicative, mais farouchement individuelle. Elle ne vise à rien, ne veut rien démontrer. Tout juste montrer - et c'est comme par inadvertance, ou flux d'un sang trop riche pour n'irriguer qu'un coeur - quelque chose du spectacle donné en permanence par autrui. Elle sait bien, elle, qu'il lui est impératif de demeurer, si elle veut tout simplement être Ovaine, n'est-ce pas assez ?, sous le signe de l'invention absolue, créant son vocabulaire, sa syntaxe, et tous ses propres sens, à la condition qu'ils ne soient pas communs.
Le poème sort de la bouche rougie à blanc du clown, tendre ou coriace en ses cinq à sept mouvements, né d'Auguste ou de Pierrot, c'est selon l'humeur et la verve. Quel cirque ! Debout sur les branlantes planches de l'amphithéâtre en estrades, joyeux malgré quelque larme au coin des cils, tudieu ! nous applaudissons à tout rompre. Même et surtout lorsque le monde, le pauvre monde et le beau monde en prennent pour leur grade respectif, à grand renfort de claques toutes griffes dehors.
La poésie d'Ovaine est un oeuf compact et lisse, mais des pinces sont cachées dedans, qui, avec le temps, s'aiguisent au morfil de sa neuvaine. C'est une poésie véritable, de celles, rares, qui ne courent pas les rues. Véritable, c'est à dire infiniment éloignée de la platitude du vrai, entièrement fausse exprès, entièrement machinée, imaginée, et plus vraie de devoir à l'espace du dedans, non à celui du dehors, qu'elle radiographie mieux que bien d'autres pourtant.
Voilà, on en a assez dit, nous les fidèles. Vous tous, lecteurs nouveaux, lecteurs novices, à vous de lire, maintenant !
Maurice MOURIER
Lien : https://www.en-attendant-nad..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
28/1/2016


Un jour qu'Ovaine interroge les augures, elle note que le ciel est encombré de dieux et qu'il n'y a plus de place pour les oiseaux.

Avec célestitude et signalement précis des intrus, elle alerte son pote haruspice

— Ruktator de Trucidie, Thanatop Le Pire, Vulgar Putrav, Violace Le Queutard, Obskar Fèce, Mollar Krash, Termitator Mec, et des pièces de rechange en pagaille ! Sans compter les poils !!! C'est le bazar !

L'haruspice de rire se pisse dessus en pleine rue : les dieux sont pipés, hi hi !

Le loup grêle d'Ovaine, un instant distrait, reprend sa conversation avec un bébé rouge-gorge si ému du poitrail de sa maman

qu'il est tombé du nid.
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30/I/2016

Ovaine, sans sa blouse de travail, a la biglouse : les formes de l'univers fondent, l'intérieur du dehors se confond avec l'extérieur du dedans, les crêtes s'émoussent et les creux bombent le torse.

Que faire ? Remettre sa blouse et le sens dessous dessus ?

Voilà qu'en le flou de l'univers, un fou tente de fourrer tout dans ses fouilles.

Alors ne plus bouger... Laisser filer en douce les images tombées de ses poches jusqu'à ce qu'elles recouvrent un reste de mémoire.


Bientôt Ovaine remet sa blouse car, dans sa poche à elle, une famille de pipistrelles s'est installée, la bouche pleine de moustiques.
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7/3/2010


Ovaine croise dans la Somme un homme des tranchées, complètement inachevé. Sa gourde rouillée fait gling gong toc.

Pour abréger sa mort, elle l'assassine au râteau, sans bavure. Puis elle le découpe à la craie afin de mener son enquête. (Elle doit bien s'y reprendre à plein de fois car le corps déborde toujours un peu.)

À la fin, le dessin est très ressemblant : il lui sourit presque, une main tendue parmi les betteraves.

Ovaine le relève en tapotant sa capote de brave pour faire tomber la craie.

Tout engourdi, il lui faut pourtant la quitter pour achever sa guerre, là-bas, derrière le talus couvert de gros escargots violets.
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14/3/2010


Comment voir de face le dos d'un soldat ?

Il suffit de le doubler, puis de se tourner ; mais le soldat peut vous tuer.

Ovaine ne se démonte pas. À hauteur du soldat, elle s'élance et pan, tombe sur le champ. Le brave soldat pivote pour lui ôter la balle qu'elle a reçue dans le cœur. (Comme son ombre est tiède et gigantesque en cette fin du jour...)

Mais sur le ventre elle a chu, avec tout son barda. Le soldat n'a la force ni le temps de la retourner.

Il continue sa marche et Ovaine reste dans la boue, ventousée au souvenir tiède d'une ombre.

On ne peut voir de face le dos d'un soldat (à copier cent fois pour demain).
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7/12/2008


Ovaine est mousse à bord d'un morutier. Elle vit avec un petit cochon bicolore qu'elle bourre d'épluchures pour Noël.

Comme elle ne sait pas nager, la nuit, elle descend dans le saloir, pour contempler les abysses dans l'œil des morues.

Mais le sel a tout brouillé ; il n'a conservé que la mort.

Alors ils vont trouver le capitaine qui se dresse à deux mètres au-dessus de la barre :

— Apprends-nous à plonger, de grâce !

Le capitaine, confondu, se liquéfie immédiatement ; son jus indigo se renverse dans la mer.

Dans ses yeux, les abysses font des spirales comme les épluchures.
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