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4

sur 997 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Livre reçu pour une masse critique Babelio que je remercie ainsi que les éditions Gallimard, ce roman de Karine Tuil sera une belle surprise pour le lecteur critique que je peux être avec ce genre d'histoire.
La réalité sommeille avec beaucoup de force dans cette histoire contemporaine, confrontant les méandres actuelles de notre société au bord de la rupture humaine. La géopolitique de notre société gangrénée par le communautarisme des cultures religieuses transpire la trame de ce roman en parlant avec beaucoup de pragmatique des conflits de la dernière décennie comme la guerre en Irak. l'Afghanistan puis la haine raciale comme l'antisémitisme et le racisme primaire de la couleur de peau .
Chaque personnage de L'insouciance représente une caste importante de notre échelle sociétale. Un homme de couleur noire novice en politique issu de la diversité, un industriel important, cuillère d'argent à la naissance, un militaire brisé par les missions, une femme journaliste écrivain noyée dans sa mélancolie romanesque d'une vie artificielle saupoudré de coke, un jeune homme aspiré par endoctrinant religieux l'un le judaïsme orthodoxe, l'autre un islam radicale haineux de l'occidentalisation et du sionisme actuel...Puis les personnages secondaires cristallisent ce roman critique de ce monde d'artifice tuant l'insouciance de nos émotions broyées par la machine de notre monde actuel.
Karine Tuil analyse les rapports humains de façon sobre avec légèreté presque caricaturale par instant abusant de clichés stéréotypes et de personnages amorphe de leur vie sans relief.
En dérive cette histoire passionnelle entre ces deux êtres perdus, ces âmes solitaires noyées dans une vie en suspend, deux écorchés vifs embrasant leur chair d'une déchirure existentialiste pour s'abandonner l'un à l'autre. Cette histoire d'amour brule les interdits où la condition sociale s'évapore, se fissure, se suicide au profit d'une insouciance fusionnelle....
L'insouciance de Karine Tuil reste un roman moderne dénonçant notre réalité sombrant dans la folie de l'être, ce couple de pouvoir de couleur symbole trompeur d'une diversité est les Obama français à la différence de l'aveuglement du pouvoir au détriment de l'amour originel de leur attirance. Cet amour succombe lentement à la réalité des ambitions comme souvent .
Karine Tuil nous parle d'amour, chante la passion avec comme décor la société en décadence.les hommes sont le jouet de leur perversité intérieur...La religion sera le vecteur de la dramatique, la guerre le lieu des démences ...Karine Tuil dénonce ces guerres lointaines.le retour des soldats traumatisés, des estropiés, du syndrome stress post traumatique militaire...
L'insouciance est la perte d'innocence des sentiments, la guerre est le jouet de tous les vices, la vénalité de la mort, l'intégriste religieux, les médias est la gangrène de la haine, source anonyme de la calomnie, la politique est le virus de l'intégrité puis l'amour la protection de cette insouciance .....
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Trois personnages centraux, qui vivaient d'insouciance, croyant encore en leur idéal, servir son pays militairement, agrandir l'entreprise familiale, réussir politiquement au delà de ses origines.
Tous en ressortent atteint psychologiquement, à travers les épreuves qu'ils vivront.

J'ai lu des reproches de personnages caricaturaux. Je ne partage pas cette opinion. Karine Tuil a ce talent de ne pas faire des personnages manichéens et c'est ce qui fait su'on ressort dérangé de cette lecture.
Alors qu'on s'offusque pour un personnage du traitement qu'on lui fait, on lui reproche après son égocentrisme.
Alors qu'on soutient cette femme qui fait tout pour son mari, on ne peut que déplorer ses agissements dans l'espoir de le garder.

C'est une lecture très forte dont on ne ressort pas indemne. Elle égratigne tous les lieux de pouvoir d'influence, du pouvoir financier, du pouvoir financier, du pouvoir médiatique mais au delà de ça le pouvoir de se construire personnellement, individuellement.

Mais peut-on se construire et se reconstruire quand tout vous rappelle à vos origines, que ce soit la condition sociale, votre sexe ou vos origines ?

Je pourrai juger ce livre de pessimiste mais il me semble bien trop réaliste si je regarde honnêtement tous ces point abordés.
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Après une introduction d'un froid réalisme sur le sort de deux personnes parmi les victimes du 11 septembre 2001, à New York, Karine Tuil plonge sans ménagement son lecteur dans les conséquences terribles et concrètes des décisions prises par G.W. Bush afin de venir à bout d'Al-Qaida, en Afghanistan.

Romain Roller, jeune lieutenant de l'armée française, après le Kosovo, la Côte d'Ivoire et la Centrafrique, est plongé dans l'enfer afghan. Avec ses contradictions, ses pièges, la mort l'horreur et la barbarie, c'est un pays où « la peur gouverne tout ».
« Vous ne serez jamais préparé à la guerre des lâches, cachés à cent mètres de vous, derrière des habitations aux murs chaulés, piégés eux aussi, détonateur à la main… Vous ne serez jamais préparé à l'effroi de devoir balancer des roquettes sur des maisons pleines de gosses, de vieillards et de mère de famille parce que vos ennemis s'y sont cachés pour vous tirer comme des lapins, persuadés que vous ne répliquerez pas… » Quel texte ! Haletant, terrible, plein d'un réalisme qui prend le lecteur aux tripes et qui emmène bien au-delà des infos distillées par les médias.
Le changement est brutal lorsque nous nous retrouvons dans les somptueux salons de l'Automobile-Club de France pour faire connaissance du second personnage central : François Vély (51 ans), PDG de l'un des plus grands groupes de téléphonie mobile. Son père, Paul Lévy, a modifié son nom pour s'appeler Vély, ce qui aura d'importantes conséquences par la suite.
Marion Decker, journaliste et romancière, compagne actuelle de François Vély, va jouer un rôle central dans l'histoire. Enfin, l'auteure présente Osman Diboula, conseiller du Président de la République à la jeunesse, ancien animateur de quartier à Clichy-sous-Bois, formé par Laurence Corsini, ancienne élue de centre-droit, personnalité charismatique lancée dans la communication d'entreprise. C'est la fameuse discrimination positive.
Les différents personnages sont parfaitement étudiés, suivis dans leurs contradictions, leurs hésitations, leurs renoncements et leurs défis réussis parfois. Karine Tuil (photo ci-contre) s'attache aux traumatismes physiques et surtout psychologiques des soldats revenant de ces pays qui défraient l'actualité depuis des années sans que rien ne soit réglé.
Les coulisses du pouvoir sont aussi remarquablement décortiquées avec le racisme et l'antisémitisme en toile de fond. Cela pousse certains comme Issa Touré à se radicaliser et à tenir des propos d'une violence inouïe visant à séparer blancs-européens-chrétiens des noirs-arabes-musulmans, mettant en péril toute possibilité de vivre ensemble.

S'il y a aussi des histoires d'amour ou de désamour, on arrive à la fin de l'insouciance après tant d'épreuves qui ont ramené l'histoire en orient mais dans un Irak déchiré par l'État islamique. « Une part d'eux-mêmes est définitivement perdue. Une forme de légèreté. Ce qui restait de l'enfance. L'insouciance. »


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Parmi les ouvrages favoris des Prix littéraires, Karine Tuil figure en bonne place. Un choix parfaitement justifié tant l'auteur parvient à tenir son lecteur en haleine tout au long des 528 pages de L'Insouciance, faisant de cet ambitieux roman un «page-turner» formidablement efficace.
Les premiers chapitres nous présentent les personnages qui vont se croiser au fil du déroulement de ce récit, à commencer par le baroudeur Romain Roller qui revient d'Afghanistan, après avoir déjà traîné sa bosse dans d'autres points chauds de la planète. Avec ce qu'il reste de sa troupe, il se retrouve dans un hôtel de Chypre, afin de décompresser et se préparer à retrouver la «vie normale». Un programme dont les vertus ne sont pas évidentes, faisant côtoyer de grands traumatisés avec de riches touristes.
Le second personnage a 51 ans. Il s'appelle François Vély. On pourrait y reconnaître un Vincent Bolloré, un Bernard Arnault ou encore un Patrick Drahi, bref un tycoon qui est à la tête d'un groupe de téléphonie mobile qui s'est développé à partir du minitel rose et dont les marottes sont les médias (il vient de racheter un grand quotidien) et l'art contemporain (il aime parcourir les salles de vente).
Vient ensuite Osman Diboula. À l'opposé de François Vély, ce fils d'immigrés ivoiriens a grandi dans la banlieue parisienne la plus difficile. Toutefois, grâce à son engagement – il avait créé un collectif, «avait imaginé des sorties de crise, présenté les quartiers en difficulté sous un autre jour» et était devenu porte-parole des familles lors des émeutes de Clichy-sur-Bois. du coup les politiques s'intéressent à lui et lui va s'intéresser à la politique. Il gravit les échelons jusqu'à se retrouver dans les cabinets ministériels. Mais n'est-il pas simplement le black de service, chargé de mettre un peu de diversité au sein du gouvernement ? À ses côtés une femme tout aussi ambitieuse ne va pas tarder à le dépasser dans les allées du pouvoir.
Puis vient Marion Decker, envoyée spéciale sur les zones de guerre. Jeune et jolie, «il y avait de la violence en elle, un goût pour la marginalité qui s'était dessiné pendant l'enfance et l'adolescence quand, placée de famille d'accueil en famille d'accueil, elle avait dû s'adapter à l'instabilité maternelle, une période qu'elle avait évoquée dans un premier roman remarqué, Revenir intact, un texte âpre, qui lui avait permis de transformer une vie dure en matière littéraire». Ce caractère trempé fascine François Vély qui n'hésite pas à délaisser son épouse pour partir à la conquête de la journaliste. Il l'invitera pour quelques jours à Chypre.
Dès lors le roman peut se déployer, jouer sur tous les registres du drame et de la comédie, et ce faisant, dresser un état des lieux de ce XXIe siècle commençant.
Le lieutenant Romain Roller craint de retrouver sa femme Agnès, sa famille et ses amis. Pris dans un stress post-traumatique, il essaie vainement d'oublier son cauchemar. Quand il croise Marion, c'est pour lui comme une bouée de sauvetage. Dans ses bras, il oublie ses plaies et sa culpabilité, ayant survécu à l'embuscade mortelle dont son bataillon a été victime et dont le récit-choc ouvre le roman. Il fait l'amour avec la rage du désespoir et se sent perdu dès qu'elle le quitte pour sa «vraie vie».
Car ce n'est vraiment pas le moment de quitter François Vély. le capitaine d'industrie est pris dans une sale affaire, après la publication d'un entretien illustré par une photo le montrant assis sur une chaise représentant une femme noire «soumise et offerte». Lui dont la famille a voulu, par souci d'intégration, changer son nom de Lévy en Vély, se retrouve accusé de racisme et d'antisémitisme. le scandale dont les réseaux sociaux font leurs choux gras ne tarde pas à prendre de l'ampleur et la société est salie. Confronté à un fils qui entend renouer avec ses racines et partir en Israël rejoindre un groupe fondamentaliste, il doit aussi surmonter le suicide de sa femme qui s'est jetée sans explication d'un immeuble.
«Il croyait vraiment qu'un couple peut survivre à un drame sans en être atteint, déchiré, peut-être même détruit ? L'amour n'est pas fait pour l'épreuve. Il est fait pour la légèreté, la douceur de vivre, une forme d'exclusivité, une affectivité totale. L'amour est un animal social impitoyable, un mondain qui aime rire et se distraire – le deuil le consume, la maladie atteint une part de lui-même, celle qui exalte le désir sexuel, les conflits finissent par le lasser, il se détourne.»
En courts chapitres, qui donnent un rythme haletant au récit, on va voir s'entremêler les ambitions des uns, la douleur des autres. le tout sans oublier quelques rebondissements qui font tout le sel d'une intrigue que l'on n'a pas envie de lâcher. François, qui a eu vent de son infortune, aura-t-il la peau de Roller ? Rejouera-t-il l'histoire du Roi David et de Bethsabée ? Osman Diboula parviendra-t-il à éteindre l'incendie qui met en péril l'empire de son ami ? Retrouvera-t-il les grâces d'un Président de la République qui semble l'avoir mis sur une voie de garage ? Romain quittera-t-il sa femme pour Marion ? À 29 ans, cette dernière quittera-t-elle son confort matériel pour une aventure incertaine ?
Partez à la découverte de ce grand roman pour le savoir, au risque de perdre cette insouciance qui lui donne son titre : «quelque chose en nous était perdu, non pas l'innocence – car il y avait longtemps que nous n'y croyions plus – mais l'insouciance…»

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C'est la mère d'un soldat mort en Afghanistan qui, lors d'une cérémonie en l'honneur des victimes, prononce ce mot : « l'insouciance ». Elle raconte comment, la nuit où un officier est venu lui annoncer la mort de son fils, de son enfant, elle a compris que c'était fini, qu'il y avait eu une vie heureuse, tranquille, légère, une vie qui permettait de croire en l'avenir avec confiance, sérénité, paix et que d'un seul coup, plus rien. le vide, la chute, la mort. Un avant et un après.
On retrouve ce terme à la fin de l'oeuvre dans un chapitre intitulé « La fin de l'insouciance ». Des personnages se répètent inlassablement comme pour tenter de s'en convaincre : « Il faut vivre, il faut vivre, il faut vivre. »
Que s'est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ?
Karine Tuil a écrit ce roman pendant l'année 2015, année meurtrie par les attentats en France. Chacun d'entre nous a perdu cette année une forme d'innocence, de légèreté.
Ce livre est le reflet de cette perte.
Dans cette vaste fresque sociale et politique, terrible radiographie de notre société contemporaine, émergent quatre personnages dont les destins finiront par se croiser.
Le lieutenant Romain Roller revient d'Afghanistan, « l'enfer afghan » : aucun mot n'est susceptible de décrire son état d'anéantissement, son stress post-traumatique. Il a vu la mort en face. Il n'a pas su protéger ses hommes, ils ont été pris dans une embuscade sous le feu des talibans. L'horreur. « Je n'arrive pas à me faire à l'homme que je suis devenu. » souffle-t-il, effondré.
Bel homme charismatique, cultivé, richissime (dixième fortune de France), François Vély a 51 ans. Il est PDG d'un grand groupe de téléphonie mobile. Son père, ancien ministre français, a été déporté à Buchenwald. Son vrai nom est Lévy mais, il a modifié l'ordre des lettres « par souci d'intégration à la société française, d'assimilation- de réinvention, peut-être ». François est entouré des meilleurs conseillers en communication. Certains disent de lui qu'il « aime trop la lumière »…
Sa nouvelle femme, Marion Decker, journaliste-écrivain, semble avoir du mal à trouver sa place : ses origines sociales, bien éloignées du monde dans lequel elle vit maintenant, ne cessent de la tourmenter : trahit-elle ses origines et ses convictions au nom de son attachement à « sa zone de confort » ?
Osman Diboula, fils d'immigrés ivoiriens, est conseiller auprès du Président. Il n'a pas fait l'ENA ou Sciences-Po contrairement à ses condisciples. Il est un homme de terrain, issu des quartiers. Animateur social à Clichy-sous-Bois, il va être repéré au moment des émeutes de 2005. Il devient, à ce moment-là « l'interlocuteur privilégié », le lien entre les sommets de l'Etat et la banlieue, le « médiateur social » qui tombe à pic. Certains disent que sa couleur de peau l'a aidé à se hisser au plus haut « au nom de la diversité », « une diversité complaisante, de façade, un marché de dupes ». Il n'y croit pas. Il a des compétences, c'est tout.
Le point commun entre ces personnages ? Ils vivent ce début du XXIe, une période violente, tendue, chaotique : c'est la guerre là-bas mais d'une certaine façon, ici aussi. Les crispations identitaires sont nombreuses. On sent un monde près d'exploser. Même l'amour ne semble plus être un refuge. Chacun est démuni, perdu face à la complexité et à la violence du monde qui l'entoure.
Karine Tuil le dit, sa matière romanesque est le réel, elle pose les questions que le monde actuel se pose, des questions politiques, sociétales, des questions qui divisent, qui heurtent, qui fâchent : pourquoi les minorités sont-elles absentes des sphères du pouvoir et notamment de la sphère politique ?, pourquoi ne peut-on finalement pas échapper à ses origines ?, pourquoi reste-t-on, quoi qu'on fasse, prisonnier de son clan, de sa classe, dans l'impossibilité de se « réinventer » ? Est-on libre de devenir quelqu'un d'autre, d'échapper à sa naissance ou est-ce simplement impossible dans notre France républicaine ? « Dans notre société, tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à ses origines quoi qu'on fasse. Essaye de sortir de ce schéma-là et on dira de toi que tu renies ce que tu es ; assume-le et on te reprochera ta grégarité. » constate amèrement Osman.
Difficile ainsi pour chacun des protagonistes de se positionner, de savoir qui ils sont sans tomber dans une forme de schizophrénie : « Il avait l'impression de découvrir un monde binaire dominé par la question raciale où chaque être humain oscillait entre un désir d'appartenance et un refus d'assignation identitaire. » dira Osman Diboula.
Comment se situer ? Comment devenir autre sans trahir les siens, sans les renier ou les oublier ?
Les individus, telles des marionnettes, semblent ballottés dans un monde complexe, impitoyable, dominé, manipulé par l'image, la communication, un monde qui vous colle une étiquette identitaire sur le dos, là où la main ne peut l'atteindre pour l'arracher, un monde dans lequel les apparences prennent le pas sur l'être, la forme sur le fond.
Même l'amour n'est plus un refuge, un espace de reconstruction possible : les rapports amoureux sont violents, les individus se déchirent, leur mal-être noie leur couple. C'est l'asphyxie. « L'amour n'est rien d'autre qu'une des compensations que la vie offre parfois en dédommagement de sa brutalité. » déclare un personnage. Peut-être… et encore, l'amour ressemble à une pauvre bouée de sauvetage percée : tout d'abord, on n'en voit pas les trous, on n'entend pas le léger sifflement d'air et pourtant, doucement, la bouée se dégonfle….
On ne sort pas indemne de cette lecture, c'est le moins que l'on puisse dire : je ne me suis pas remise du texte de Karine Tuil.
Emportée par une écriture fluide, le rythme effréné de la narration, des portraits très fouillés et un sens remarquable de la construction narrative, je me suis plongée dans cette oeuvre sans pouvoir la lâcher. Je l'ai achevée dans un état second, sonnée, comme si l'on m'avait donné à voir, à comprendre le monde dans lequel je vis. C'est violent et pourtant nécessaire.
Marion dit dans l'oeuvre : « Pour comprendre, j'ai besoin d'écrire. » Eh bien moi, pour comprendre, j'ai besoin de lire. C'est fait. Mon insouciance en a pris un coup, c'est vrai. Ma lucidité est sortie victorieuse de cette histoire, et moi… un peu désespérée quand même, un peu comme Osman sortant de l'Élysée : « Il avait du mal à respirer, une masse appuyait sur sa poitrine et, dans le même temps, il percevait chez lui une mutation nouvelle : la lucidité. Il voyait désormais le monde sans filtre, compressé par sa propre douleur. »
Pas sûr que ça rende heureux tout ça…
Il n'empêche, L'insouciance est un texte prodigieux, un roman social d'une force incroyable, une oeuvre essentielle sur une époque complexe et meurtrie : la nôtre.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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De retour d'Afghanistan où il a perdu plusieurs de ses hommes, le lieutenant Romain Roller est dévasté. Au cours du séjour de décompression organisé par l'armée à Chypre, il a une liaison avec la jeune journaliste et écrivaine Marion Decker. Dès le lendemain, il apprend qu'elle est mariée à François Vély, un charismatique entrepreneur franco-américain, fils d'un ancien ministre et résistant juif. En France, Marion et Romain se revoient et vivent en secret une grande passion amoureuse.

Mais François est accusé de racisme après avoir posé pour un magazine, assis sur une oeuvre d'art représentant une femme noire. A la veille d'une importante fusion avec une société américaine, son empire est menacé. Un ami d'enfance de Romain, Osman Diboula, fils d'immigrés ivoiriens devenu au lendemain des émeutes de 2005 une personnalité politique montante, prend alors publiquement la défense de l'homme d'affaires, entraînant malgré lui tous les protagonistes dans une épopée puissante qui révèle la violence du monde.



Une fois n'est pas coutume, je n'ai pas réussi à faire le résumé du livre tant la quatrième de couverture était parfaitement rédigée. L'Insouciance de Karine Tuil est, selon moi, une oeuvre majeure dans la littérature contemporaine. J'ai rarement lu de livre qui osait aborder avec une telle objectivité autant de thèmes brûlants, sans parti pris, sans jugement et avec la plus parfaite distance.

Avec le personnage du lieutenant Roller, c'est le syndrome post-traumatique qui est abordé. Comment continuer à vivre alors que la culpabilité de n'avoir pas réussi à protéger ses hommes, d'être en vie et pire encore, en vie et en un seul morceau, vous assaille? Reprendre le cours de son existence semble alors impossible. Une bouilloire siffle, on se couche au sol en hurlant. Une voiture nous double et c'est la peur de l'embuscade ou du kamikaze qui vous envahi. On ne se reconnaît plus, on a peur de nos réactions, on devient étranger à soi-même. Alors, on se rend compte que le retour à la vie civile nous a également été arrachée. La guerre n'est pas uniquement hors de nos frontières. de retour du front, on la porte aussi en nous. Mais l'amour peut tout de même guérir certaines blessures, aussi profondes soient-elles.

Quant à Osman Diboula, c'est le racisme quotidien qu'il nous laisse entrevoir. Celui qui n'est pas revendiqué, celui qu'on ne remarque même plus, celui que la loi ne peut pas punir tant les faits sont monnaie courante. Lorsqu'un jeune homme né en banlieue parvient à un poste important, ce n'est pas grâce à son travail mais bien plutôt parce que l'Afrique est à la mode et qu'il faut bien appliquer la discrimination positive... Lorsqu'un jeune homme de couleur entre dans un palace parisien, la réceptionniste se lève pour lui tendre un paquet, le confondant ainsi avec le coursier... Il nous fera également découvrir les montagnes russes du pouvoir. du jour au lendemain, Osman, qui a grimpé les échelons si vite, n'est plus rien, rendu à sa condition de jeune de banlieue. Une crise identitaire flirtant avec le communautarisme semble alors irrémédiable.

François Vély représente à lui seul le microcosme privilégié des hommes d'affaires influents, adulés ou méprisés. En acceptant de poser, assis, sur une oeuvre d'art représentant une femme noire, il va s'attirer les foudres d'une grande partie de la population : féministes, associations antiracistes... Sa vie, ses faits, ses gestes, ses dires, tout, absolument tout, devient sujet à controverse. Rien ne lui sera épargné, encore moins le déchaînement de violence et de haine sur les réseaux sociaux. Son ascendance juive est dévoilée et le voilà soumis à la vindicte populaire, à l'antisémitisme radical et odieux.

Vous l'aurez compris, ce livre m'a bouleversée. Karine Tuil a cette faculté de rester factuelle tout en développant et analysant la psychologie de chacun de ses personnages. Aucune violence gratuite, aucune phrase inutile, aucune caricature ni aucun faux pas ne sont à déplorer. Son style, aux phrases longues et au vocabulaire recherché, est fluide, limpide, percutant.

Ce livre est addictif et remarquable. Je ne peux que vous le recommander...
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Par chapitre, plus ou moins longs , nous suivrons plusieurs protagonistes selon la progression de leur vie professionnelle ou personnelle...Je reste vague pour ne pas vous "spoiler" la trame de l'intrigue savamment orchestrée, et que ,n'ayant pas lu d'avis avant , j'ai découvert ce roman vierge de sentiments positifs ou négatifs.
Je souhaite qu'il en soit de même pour vous, car la lecture est puissante et mérite toute votre attention .
Le style de Karine Tuil m'avait emporté dans un tourbillon social avec "l'invention de nos vies": "l'insouciance" passe un grade au dessus.
Karine, vous êtes d'un talent rare pour raconter les dessous de notre société, ce qu'on ne voit pas à la télé ou dans les journaux: top secret ou codes protocolaires...
Ceci est un roman mais la société y est passée au peigne fin avec ses classes sociales, son éducation, la politique, les religions, le climat d'insécurité régnant, le pouvoir, le racisme, l'adultère...Tant de thèmes qui collent à la vie.
Par contre , tout le long, je me suis demandée : pourquoi ce titre? haaaaa...Preuve du talent de Karine Tuil...
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4 personnages aux destins entremêlés : Romain, lieutenant de retour d'Afghanistan, en plein stress post traumatique, Marion journaliste et écrivain, plus ou moins bien mariée à François Vély, entrepreneur sans peur et presque sans reproches à la filiation brillante et pourtant pesante et enfin Osman, ivoirien de la 2ème génération, ex-star des émeutes de 2005 et potentielle pousse politique. Leurs routes se croiseront pour le pire et le dramatique.
On le comprend assez vite, ce quatuor symbolise les principaux piliers (l'armée, les médias, les affaires et la politique) d'une France contemporaine bien mal en point, où la culture est singulièrement absente au profit de rapports de force, d'ambitions forcenées et d'intérêts bien partagés. Roman choral, « l'insouciance » met à nu la violence de notre société et révèle peu à peu les failles de ses héros.
Sa structure classique prend du relief grâce à une écriture sèche, précise qui apporte du rythme et de la tension à cette épopée poignante. Karine Tuil, pose ainsi un regard sans concession sur le temps présent en nous livrant une aventure puissante et poignante, émaillées de quelques échappées lyriques.
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Il est des romans qu'on termine sonné en poussant des « whaooo » tellement on a été bluffé par le récit et surtout par l'auteur. L'insouciance de Karine Tuil fait partie de ces romans. Il est vrai qu'il faut vouloir affronter ce récit, sa noirceur, sa vérité mais franchement, il me semble important de ne pas passer à côté de cette lecture.

Après un avant-propos percutant sur le 11 septembre et un premier chapitre puissant, péremptoire sur l'enfer afghan, Karine Tuil nous emmène dans la France d'aujourd'hui à travers quatre personnages. Nous avons tout d'abord Romain Roller, un militaire qui revient d'Afghanistan déphasé, ravagé par ce qu'il a vécu. Sur l'île de Paphos où il est assigné à résidence avant son retour en France, il rencontre Marion Decker, une journaliste et écrivain. La passion, inattendue, les traverse. Mais, Marion est mariée à un riche entrepreneur franco-américain, François Vély. Leur mariage, pourtant récent, se fissure progressivement par le poids des incompréhensions et par « l'affaire » qui embarque François dans des accusations de racisme et à la confrontation à son origine juive. En parallèle, l'auteure nous plonge dans la vie d'Osman Diboula. Ce fils d'immigrés maliens, ayant fait ses armes dans l'associatif au moment des émeutes de 2005, est devenu conseiller du président. le pouvoir est une drogue et Osman s'en rend compte quand il tombe de son piédestal. Sa compagne Sonia, qui occupe aussi une place enviée dans le milieu, n'apporte pas le soutien souhaité… Son passé en banlieue resurgit au même moment en la personne d'Issa qui se radicalise. le salut d'Osman, son retour en grâce arrive avec « l'affaire ». Lentement mais sûrement, Karine Tuil tisse la toile qui va réunir ces quatre personnages en Irak. Un voyage qui va les marquer à jamais.

Avec ce gros roman de plus de 500 pages mais découpé en courts chapitres, Karine Tuil aborde toutes les questions fondamentales que se pose notre société actuelle. Nous sommes bien au-delà d'une radioscopie du monde d'aujourd'hui, nous assistons à notre lente et douloureuse vivisection en ce début de 21e siècle : le terrorisme, le racisme, l'antisémitisme, la violence des réseaux sociaux, les luttes de pouvoir, les enjeux géopolitiques et financiers et surtout l'identité. C'est d'ailleurs le thème qui transparaît le plus dans ce roman : chaque personnage est confronté à cette question de l'identité. Rien n'est laissé au hasard, rien ne manque, rien n'est en trop. le travail de documentation a dû être colossal pour en arriver à ce résultat. La construction est parfaite jusqu'à la dernière phrase. Chapeau bas !

Je ne peux que vous conseiller ce magnifique roman, bien trop décrié à mon goût par certains. J'espère qu'avec le temps, on comprendra l'erreur de n'avoir pas reconnu ce roman à sa juste valeur. Je termine cette chronique par une phrase de Marion qui résume bien l'écriture de Karine Tuil : « j'écris la vie parce qu'elle est incompréhensible ». Oui, parfois la vie (littéraire) est incompréhensible...
Lien : http://www.leslecturesdumout..
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« L'insouciance », c'est le dernier mot du livre, c'est ce que nos personnages perdent définitivement dans les soubresauts qui agitent l'intrigue – cette petite part d'enfance qui nous reste. Ils sont quatre personnages principaux aux antipodes les uns des autres : il y a le jeune soldat tout juste rentré d'Afghanistan, la journaliste-écrivain engluée dans un mariage condamné d'avance, le grand patron qui va subir un puissant lynchage médiatique et enfin le politicien autodidacte issu des cités. Romain rencontre Marion lors du séjour de décompression à Chypre après sa mission, Osman connaît Romain depuis l'enfance et François est le mari de Marion. Ils se heurtent les uns aux autres et foncent tout droit dans ce que notre époque peut produire de pire… Qui a déjà lu Karine Tuil connait sa plume rageuse et volontaire, qui trouve ici matière à en mettre plein les yeux. Pas un instant de répit, jamais de demi-mesure et aucun sujet tabou, on se glisse dans la vie et la peau de tous les personnages en passant par une myriade d'états différents et ça nous laisse groggy, un peu ko, vaguement nauséeux aussi tant ces quatre-là ont une propension à n'expérimenter le monde qu'à travers leur propre intérêt – je me disais, c'est fou tout de même, en dehors de ce qui leur arrive à eux très personnellement jamais rien ni personne n'est dans leurs pensées ou ne soulève leur émotion. Beaucoup de froideur derrière la vivacité du rythme et quelque chose qui coince le lecteur, qui l'enserre dans les problématiques évoquées et c'est fortiche ! Un roman puissant.
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