Domenico Puligo a eu une très-nombreuse école ; on peut même dire que la sienne a eu seule la prérogative de se conserver en Italie jusqu’à nos jours. Et, bien qu’elle ait été assez peu nombreuse dans ses commencements, elle s’est immensément accrue depuis, et, grâce à ses habiles élèves et aux amateurs éclairés de l’art, elle a été importée chez nous, où elle est actuellement en grande prospérité.
Cette école du Puligo, dont nous sommes appelés à voir tous les ans, à une époque fixée par nos lois, les travaux et les miracles, et dont, par conséquent, nous pouvons merveilleusement apercevoir le développement et suivre les progrès ; cette école, disons-nous, a su se garder des excès et des fausses données où sont tombés particulièrement le Vinci, si décoloré dans ses portraits de la Joconde et de la Féronnière ; Raphaël, si chantourné et si raide dans ceux de Jeanne d’Aragon et de Jules II ; le Titien, le Giorgione, si noirs dans ceux de Gaston de Foix, de François 1er, de l’Arétin et de tant d’autres ; Van-dyck et Velasquez, si peu nobles et si dégingandés dans ceux de Charles Ier et de Philippe Il ; le Caravage, si brutal dans celui du grand maître de Malte, Adolphe de Vignacourt ; Holbein, si froid dans celui d’Érasme, et si pauvre dans celui d’Anne de Boleyn ; Rembrandt, si enfumé et si peu fait dans presque tous les siens, qu’ils ne seraient pas admis assurément dans nos expositions annuelles.
Cette école peint admirablement le velours, la soie, le satin, les nuages, l’or, les perles, les rubans, les colliers et les cheveux ; les chairs sont rendues par elle avec la transparence du cristal, et les belles nuances de la pêche ; on y dessine la femme surtout avec une élégance (le formes vraiment phénoménale ; les bouches, les pieds, les mains, les tailles y sont amenés à des proportions inappréciables ; et le front de l’homme a été aussi appelé à une élévation et à une largeur dont les anciennes écoles ne fournissent aucun exemple, ce qui porterait assez naturellement à croire qu’autrefois les plus savants peintres ne savaient guère leur métier, que les plus belles femmes étaient mal tournées, et les plus grands hommes de vrais crétins.
(commentaire de Léopold Leclanché, traducteur.)
Il commença aussi pour Francesco del Giocondo le portrait de Mona Lisa , sa femme, et le laissa inachevé après y avoir travaillé pendant quatre ans. Il est aujourd’hui chez le roi de France, à Fontainebleau. Quand on veut savoir jusqu’où l’art peut s’élever et imiter la nature, il faut voir cette tête. Les plus petites choses y sont peintes avec la plus grande finesse.
Le ciel, dans sa bonté , rassemble parfois sur un mortel ses dons les plus précieux , et marque d’une telle empreinte toutes les actions de cet heureux
privilégié, quelles semblent moins témoigner de la puissance du génie humain que de la faveur spéciale de Dieu. Léonard de Vinci, dont la beauté et la grâce ne seront jamais assez vantées, fut un de ces élus. Sa prodigieuse habileté le faisait triompher facilement des plus grandes difficultés. Sa force, son adresse, son courage avaient quelque chose de vraiment royal et magnanime; et sa renommée, éclatante pendant sa vie, s’accrut encore après sa mort.
Giorgio Vasari : Vies des
peintresOlivier BARROT, depuis l'ermitage Sainte Catherine, sur le Lac Majeur en Italie, présente "Les vies des
peintres),
reportagemoderne et concret sur la vie des grands
peintres écrit par un contemporain,
Giorgio VASARI, édité pour la première fois en 1750.