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Il s’agit là d’une nouvelle expérience poétique pour Verlaine. Le titre annonce le ton. "Fêtes", joie et allégresse ; "galantes", badinages et cajoleries. De la poésie qui nous rappelle les amours des bergères et des bergers, naïves, folâtres et sincères. De plus, les "Fêtes galantes" sont inspirées des tableaux de Watteau et de ce genre de peinture qui naît de son initiative. Cette œuvre nous rappelle ce lien étroit entre la poésie et la peinture, cette alchimie qui a existé entre Baudelaire et Delacroix ou entre Valéry et De Vinci.

Tout cela est gai de prime abord. Or, ce n’est pas vrai. Lorsqu’on lit ces "Fêtes galantes", on ressent un goût de la mort, du malheur derrière tout cela :

Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
(…)
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,

Ou

Là ! Je me tue à vos genoux !
Car ma détresse est infinie,

Verlaine, en véritable autocritique, a souvent livré des éclaircissements de ses œuvres dans des recueils ultérieurs comme dans une œuvre posthume intitulée "Varia". On y trouve ce poème qui représente cette tristesse intrinsèque déguisée d’une joie éphémère, lunaire (permettez que je l’introduise dans son intégralité) :
En 17...
Le parc rit de rayons tamisés,
De baisers, d'éclats de voix de femmes...
L'air sent bon, il est tout feux tout flammes
Et les cœurs, aussi, vont embrasés.

Une flûte au loin sonne la charge
Des amours altières et frivoles,
Des amours sincères et des folles,
Et de l'Amour multiforme et large.

Décor charmant, peuple aimable et fier ;
Tout n'est là que jeunesse et que joie,
On perçoit des frôlements de soie,
On entend des croisements de fer.

Maintes guitares bourdonnent, guêpes
Du désir élégant et farouche :
- « Beau masque, on sait tes yeux et ta bouche. »
Des mots lents flottent comme des crêpes.

Pourtant, c'est trop beau, pour dire franc...
Un pressentiment fait comme une ombre
À ce tableau d'extases sans nombre,
Et du noir rampe au nuage blanc !

Ô l'incroyable mélancolie
Tombant soudain sur la noble fête !
De l'orage ? ô non, c'est la tempête !
L'ennui, le souci ? — C'est la folie !


Verlaine avait vécu un drame en 1867, à l’époque où il écrit "Fêtes galantes". Son grand amour de jeunesse, sa protectrice qui l’a aidé à publier "Les Poèmes saturniens", sa cousine Élisa Moncomble est morte. Et ainsi l'incroyable mélancolie tomb[e] soudain sur la noble fête. Cette fête et ces masques sont des paradis artificiels pour ce pauvre Lélian au cœur déchiré.

Par ailleurs, la composition de ces poèmes ressemble à la création des fêtes galantes de Watteau. On sait que la représentation des scènes de la vie quotidienne et partant, de scènes de fêtes champêtres et de jeux empruntés à la commedia dell’arte était considérée par l’Académie royale de peinture et de sculpture comme inférieure à la représentation de scènes mythiques et historiques. Watteau a essayé de marier fêtes champêtres et cadres mythiques. Pour Verlaine, le sujet des fêtes galantes (déjà présent chez des poètes comme Hugo ou Banville mais aussi Gautier, dans certains de leurs poèmes) est exploité d’une manière originale -on y voit souvent le chef-d’œuvre de Verlaine- avec musicalité et préciosité, dans un style souple (des vers courts, de petites strophes). Verlaine lui consacre tout un recueil et le mène à la perfection. En pleine possession de ses outils de poète, il a su varier les rythmes et le vocabulaire et teinter l’atmosphère du recueil d’une mélancolie douçâtre qui nous amuse, nous emmène, nous touche.
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Lorsque j'ai passé mon bac de français, il y a pas mal de temps, nous avions une liste imposée par notre professeur de français avec laquelle j'entretenais des rapports assez conflictuels (je n'étais pas facile, elle non plus...) et elle nous laissa la latitude d'ajouter deux ou trois oeuvres de notre cru. Je choisis "Fêtes galantes" de Paul Verlaine, ce qui ne manqua pas d'attirer une remarque ironique de sa part. le jour de l'oral, l'examinateur me proposa de choisir le texte que je désirais. Me voilà partie à disserter sur Verlaine, Debussy, Ravel, la correspondance des arts, la musique, la poésie... Je ne sais si c'est mon enthousiasme brouillon ou la pertinence de ce que j'ai dit qui m'a valu la meilleure note de toute mon année scolaire... et l'étonnement sceptique de mon professeur l'année suivante.
"Fêtes galantes", au-delà de l'anecdote scolaire, est une musique impaire, nostalgique et précieuse, raffinée, qui fredonne aujourd'hui encore à ma mémoire. Une poésie passeport pour la liberté, la beauté, une déclaration d'amour à la langue française.
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Je n'ai pas vraiment été séduit par ces Fêtes Galantes. Pourtant, Verlaine est un excellent versificateur ; c'est incontestable. Mais, je n'y ai pas retrouver ce que je cherche en poésie : la puissance évocatrice du vers, notamment. Ce que je trouve dans le Spleen de Paris ou dans Les Chimères a manqué aux Fêtes Galantes. Ce sont de beaux vers, mais je n'en ait pas été ému ; je me suis même ennuyé à lire ces vers beaux, esthétiques, travaillés ; il a manqué l'alchimie qui fait aimer un bon poème, l'alchimie qui crée le contact entre le lecteur et un poème, la sensibilité, l'émotion, il n'y a que le bon vers et il n'y a pas l'émotion. Je n'ai pu être subjugué par aucun de ces poèmes. J'ai eu le poème, je n'ai pas eu la poésie ; j'ai eu le vers qui caractérise le poème, mais non sa poésie. La poésie, la capacité du poème à me bouleverser, à m'évoquer quelque chose, à m'enchanter m'a manquée.
Une rencontre ratée pour moi, donc.
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Comment parler de ces vers, d'une justesse et d'une musicalité incroyables ? Avec Verlaine tout a l'air facile, tout a l'air écrit au fil de la plume du poète. J'ai beaucoup aimé cette liberté, ce choix de vers courts, au nombre impair de syllabes. Comment si peu de mots peuvent-ils avoir un impact aussi énorme ? Voilà, je sais ce que j'aime chez Verlaine : je trouve qu'il y a toujours une certaine pudeur, une retenue lorsqu'il évoque la douleur. Beaucoup de dignité, de classe. le talent de dire en trois mots ce que d'autres diraient en 4 strophes. Je trouve également que c'est l'un des poètes qui sait le mieux évoquer la nostalgie et le temps qui passe. Que dire d'autre... Les poèmes sont toujours très denses, très intenses. Chaque mot, même le plus petit, fait sens et contribue à l'équilibre de tout le poème. Il y a cette fragilité, cette folie douce qui transparaît à chaque fois. On sent l'homme instable, vacillant derrière la rime alerte et le vers leste. Il parle des femmes, de l'amour, de la solitude. Thèmes classiques, topos qui avec lui n'en sont pas. Je me suis énormément retrouvée dans certains vers, notamment lorsqu'il dit que le pire dans le malheur c'est de ne pas savoir pourquoi l'on est malheureux, chose que j'ai écrit et pensé bien des fois.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Plaisir de disposer dans mon ordinateur ou sur ma liseuse, de l'ensemble de ces poèmes par lesquels je suis née vraiment, longues, longues années il y a, à la poésie, au plaisir qui peut naître des formes jusqu'alors enseignées, à l'impair (rare il est vrai dans ce recueil, mais on le sent) ; poèmes qui ont toujours chanté, un peu, en sourdine, quelque part à l'arrière de mon crâne.
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Jusqu'à ce jour, le seul poète qui a vraiment su me toucher, me parler, n'était autre que le célèbre et talentueux Charles Baudelaire. Un homme qui connaît souvent l'unanimité auprès de ses lecteurs, qu'ils soient amateurs ou non. Mais à l'instant où j'écris ces mots, voilà que Paul Verlaine vient s'installer dans un petit coin de mon coeur poétique.

Sa douceur, à la fois discrète mais tellement évidente, s'impose à la lecture comme son mélange de la rêverie arrive à taquiner la réalité. Les tonalités musicales, automnales et mélancoliques s'accordent dans une harmonie qui s'inscrit pas forcément dans la composition des vers. Ce tournoiement des sons, des couleurs et des sentiments n'ont pu que me toucher et me saisir par cette beauté poétique qui m'a toujours semblé inaccessible.
Et voilà qu'aujourd'hui, journée ensoleillée, je me réconcilie avec la poésie.
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N° 1459- Avril 2020.

Fêtes galantes. Paul Verlaine.

C'est le deuxième recueil officiel de Verlaine (1844-1896) publié en 1869 chez Lemerre à compte d'auteur. Il y aura trois autres rééditions chez Vanier en 1886, 1891 et 1896. Il n'a rencontré que peu d'écho dans le public comme beaucoup de ses écrits, à sa publication initiale, même si dans les dernières années de sa vie, cet ouvrages sera considéré comme son meilleur et que Claude Debussy mettra en musique certains textes. Il fait suite aux « Poèmes saturniens » datés de 1866, déjà empreints de mélancolie et de malheur et à une autre plaquette « Les amies » publiée en 1867 sous le pseudonyme de Pablo-Maria de Herňales et qui traite des amours saphiques. L'ambiance générale de cet ouvrage fait un peu illusion. Elle est légère, raffinée, inspirée par les toiles de Watteau qui font l'objet une exposition au Louvre, et qui sont à la mode à cette époque dans la bonne société. Les scènes sont bucoliques ou galantes et insouciantes comme dans une Cour royale où l'ont pratique le badinage amoureux. Apparemment Verlaine, en voulant ici évoquer le XVIII° siècle, a souhaité accompagner l'engouement général du public pour cette période et la Cour impériale avait presque officiellement consacré ce style. D'autres poètes contemporains ont d'ailleurs fait de même, mettant à l'honneur la poésie et la comédie italiennes.
L'ambiance générale du recueil est légère. Ce sont vingt-deux poèmes à la métrique variée et rapide avec des strophes courtes, écrits dans une langue simple et qui évoquent la futilité et la désinvolture des scènes. Certains personnages, Colombine, Pierrot et Arlequin(« Pantomime », « Colombine »), rappellent la Commedia dell'arte et dans ce contexte des plaisirs amoureux, les hommes et les femmes jouent le jeu de la séduction, qui n'est qu'un jeu frivole et même sensuel, puis passent à autre chose avec silence, oubli et inconstance comme dans le théâtre de Marivaux. C'est un univers précieux et superficiel où l'on rencontre un abbé galant, un marquis à la perruque de travers, des femmes déguisées en bergères (« Sur l'herbe »). Verlaine évoque même quelques souvenirs personnels (« En bateau »), c'est ainsi que « Lettre » semble s'adresser à Mme de Villard en des termes convenus et quelque peu artificiellement précieux. L'ambiance est insouciante ainsi qu'il convient à cette société, même si, à bien y regarder, il y a une sorte d'impression de l'échec amoureux (« l'amour par terre »), de la mélancolie derrière un masque rieur(« Claire de lune ») et il est difficile de ne pas voir l'émotion à peine voilée de Verlaine qui évoque Élisa et leur funeste destin commun (« A Clymène », « Colloque sentimental ») et son obsession de la mort. Il semble avoir voulu exorciser son désespoir dans le souvenir confié l'écriture poétique (« Dans la grotte »).
C'est un recueil d'inspiration parnassienne, c'est à dire rejetant le lyrisme sentimental du romantisme, privilégiant l'impersonnalité par le refus du « je », mettant en exergue la théorie de « l'art pour l'art », refusant le présent et l'engagement politique pour se réfugier dans le passé (« Claire de lune », »Mandoline »).
Et pourtant malgré tout ce décor patiemment tisé par l'auteur, ce dernier est dans une phase difficile. Son père est mort en 1865, Élisa, la cousine élevée par les Verlaine et dont était follement mais platoniquement amoureux, s'est mariée en 1861 et meurt en couches en 1867 ; l'absinthe est déjà entrée dans sa vie et fait de lui un être violent qui s'attaque à sa mère qui pourtant l'a soutenu toute sa vie. Il n'a peut-être pas encore rencontré Mathilde qui deviendra son éphémère épouse. Pourtant, malgré les critiques parfois dithyrambiques de certains de ses amis, le recueil n'a pas vraiment été un succès à sa sortie.

C'est donc un recueil à la double inspiration, parnassienne et personnelle où son auteur s'exprime comme on le fait à cette époque friande de légèreté mais dévoile à la fois ses sentiments de tristesse, ses vers impairs et leur musique si caractéristique.




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Fêtes galantes est un recueil de poèmes écrit par Paul Verlaine en 1866, alors qu'il n'avait que 22 ans.
On remarque tout d'abord plusieurs références à la comédia dell' arte, avec par exemple le personnage d'Arlequin qui organise l'enlèvement de Colombine, ou encore Scaramouche qui ''gesticule'', accompagné de Pulcinella.
Cette oeuvre est souvent reliée au travail du peintre Watteau, dont le genre de tableaux est appelé '' fête galante'' et met en scène des personnages rêveurs, ou pris dans une immobilité passagère.
Je pense qu'on peut également la relier au mouvement impressionniste, car le poète peint par petite touche cette atmosphère si particulière de déjeuners sur l'herbe et autres promenades en barque.

Verlaine nous fait ici aimer la langue française en y mêlant mots désuets et récents (pour l'époque). Habile manipulateur, il nous entraîne avec lyrisme dans un univers chargé de mélancolie. J'aime beaucoup ces poèmes, toujours riches en descriptions olfactives et auditives, qui mettent souvent l'accent sur le côté éphémère des choses. On peut y décrypter, derrière une ode à l'amour (d'ailleurs largement personnifié) une critique de la futilité des comportements de la société.
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Très beau recueil. Poésies à lire et à relire. Grand classique.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Mélancolie et torture de l'âme, peu de poète ont su évoquer la nature avec une telle grâce et légèreté. le passé, qu'il soit évoqué à travers des souvenirs de dames inconnues, où de crépuscules fabuleux est présent comme un regret, comme un sanglot...Célèbre sanglots qui, par les hasards de l'histoire, se transformèrent en joie libératrice...
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