Au mois de mars, soit bientôt,
Plantu un célèbre dessinateur satirique quitte le journal le Monde après trente ans de collaboration éditoriale. Dans un contexte particulier, venant après la démission d'un autre dessinateur du journal
Xavier Gorce pour un dessin polémique, l'annonce fait mouche mais pas dans le bon sens du terme et on crie à la censure et à la perte de la liberté d'expression, le débat étant vive depuis l'attentat de 2015 à
Charlie Hebdo et les critiques de " cancel-culture" et autres atteintes de la liberté d'expression dans nos médias. Mais ce n'est pas de ça que je veux parler, et ce malgré cette introduction anachronique. Je veux aborder des oeuvres particulières de
Plantu qui démontrent son génie mais aussi, et c'est triste, qu'il a perdu sa superbe récemment dans cet ouvrage de
Daniel Vernet qui analyse une partie historique importante pour notre histoire contemporaine : la fin des régimes communistes et socialistes.
Dans ce petit livre,
Daniel Vernet nous racontent avec l'aide des images de
Plantu sur la chute de l'URSS entraînant la fin de la guerre froide qui a secoué le monde après la seconde guerre mondiale et dont les répercussions sur notre continent ont été fondamentales et qu'on a oublié aujourd'hui. D'abord le coté positif de la mise à mort de dictatures oppresseurs que des révoltés divers comme le pape
Jean-Paul II où encore lech Walesa ont ébranlés, le mur de Berlin démoli réunissant les deux Allemagnes et la promotion de la démocratie occidentale. Mais
Daniel Vernet comme
Plantu constatent toutefois avec amertume, et nous aussi, qu'avec le trépas des idéaux socialistes et communistes viennent aussi les instabilités politiques et sociétales, de la résurgence d'idéologies nationalistes qui surgissent de l'ombre et des guerres qui y éclatent : il faut lire notamment toutes ces déchirantes pages sur le gros dégât collatéral de la fin de la guerre froide et la plus lourde honte de l'Occident, la guerre d'ex-Yougoslavie qui menés par des leaders sociopathes et égoïstes anéantissent des communautés entières, rasent des villes et répandent mort et misères aux alentours surveillés par les européens désemparés et lâches de cette explosion soudaine de brutalité qu'on n'avait pas vu dans l'Europe depuis la seconde guerre mondiale et qui ne parviendront pas à panser les plaies après la convention de Dayton en 1995 réglant le conflit. La barbarie des uns opposés à la futilité des autres, c'est que montrent bien les caricatures de
Plantu sur cet échec de l'Europe qui s'évertue à oublier ces crimes et de vite juger les criminels pour ne plus y parler. Y sont aussi abordés avec dureté la désillusion économique de la réunification allemande dont seuls les plus riches y sont gagnants et l'avènement de Poutine le président totalitaire dans une Russie bouleversée par le chaos d'une URSS morte et du conflit dans le Caucase et qui y accède au pouvoir par le désespoir et la colère.
Incisives, mordantes, parfois drôles mais sans être légères, les dessins de
Plantu accompagnent cette rétrospection historique de la fin d'une époque et du commencement de notre XXIeme siècle capitaliste qui délaisse les vieux ennemis de l'est, ignorant qu'en faisant cela il ranime les rancoeurs. de mon point de vue personnel,
Plantu a hélas perdu sa vigueur et son ironie éclairée sur le monde, devenant peu à peu un vieux aigri parfois réac et utilisant souvent les mêmes poncifs et je le constate en confrontant ces dessins illustrant avec délicate et hilarité les déboires de la scène politique mondial sur la fin de l'URSS et de l'absurdité de la guerre ex-yougoslave et celle de maintenant où il se vautre dans l'insipide et parfois la vulgarité. Les caricaturistes semblent oublier, pour la plupart d'entre eux, qu'il faut se moquer des coupables et non des victimes et ne pas baser son humour sur du sexisme, de violence gratuite et de racisme : au moins ceux du livre fustigent bien les responsables et ne tentaient pas de faire de l'humour crasse sur les victimes.
Un livre indispensable à se procurer pour comprendre une époque historique encore proche de nous, savourer des caricatures intemporelles et mettre en face l'image d'avant qui se contente d'exprimer les faits et pas de s'indigner pour une censure qu'elle provoque d'elle-même comme on le voit maintenant. Mais aussi se rappeler d'un passé que beaucoup veulent ignorer et dissimuler sous le tapis mais qui est important à comprendre pour notre monde d'aujourd'hui et surtout pour les pays de l'est qui sont rancuniers envers l'ouest.